
Pertes de recettes publicitaires et difficultés d’audiences, tant pour M6 que pour TF1: le modèle économique des chaînes généralistes n’est-il pas en train de s’essouffler, avec les transformations du paysage télé ?
Nicolas de Tavernost: M6 ne s’essouffle pas mais son modèle évolue à grande vitesse Que ce soit par la multiplication des chaînes ou par la « délinéairisation » des contenus, c’est à dire la généralisation des programmes à la demande, le modèle de consommation de la télévision, en France, est en train de radicalement changé.
Le groupe M6 a su évoluer mais il nous faut des aménagements réglementaires urgents qui soient adapté à ce nouveau modèle. Car il s’agit, désormais, pour un groupe comme M6, de gérer, non plus une seule chaîne, mais un bouquet de chaînes dans un contexte en pleine mutation. Il va sans dire qu’avec des chaînes comme Paris Première, Teva ou W9, nous nous sommes préparés depuis longtemps à ces transformations. Simplement, l’évolution de la réglementation n’a pas suivi. C’est tout le problème. Et J’ai le fâcheux sentiment, hélas, de tenir ce discours depuis bien longtemps.
Faut-il craindre, dans ce contexte, un effondrement de chaînes comme M6 ou TF1 ?
Naturellement, non. L’émergence d’un nouveau modèle économique ne préfigure en rien la disparition de la télévision généraliste. Subsisteront en Europe, demain, lesgrandes chaînes généralistes qui continueront à rassembler le plus grande nombre.
Pourquoi?
Parce que le niveau de fréquentationde la salle d’une part détermine la nature des investissements dans le programme (et seules les grandes chaines pourront offrir des événements fédérateurs d’audience) et si je prends cette image cette fréquentation c’est aussi la qualité du spectacle…, …Quand vous allez voir un match de football OM-Moncaco, selon qu’il se déroule à Marseille ou à Monaco, l’intensité et l’intérêt ne sont pas les mêmes. C’est toute la différence entre une chaîne marginale et une grande chaîne généraliste : le simple fait de rassembler un public important confère une vraie valeur ajoutée au programme diffusé.
C’est pourquoi, il est primordialde maintenir des programmes puissants sur une chaîne comme M6, aux heures de grandes écoutes : des événements sportifs, des grands films, des grands magazines….De ce point de vu là, « La 6 » ne baisse pas en audience, ce qui est très important.
De TF1 et de M6, aujourd’hui, quelle est celle qui est la mieux armée pour affronter la mutation industrielle qui s’annonce?
Je n’ai pas pour habitude de parler de mes concurrents. Si j’en dis du bien, c’est suspect et si j’en dis du mal, c’est sujet à caution. M6, donc : dés lors que avons pris conscience que la publicité n’était pas extensible, nous sommes allés chercher ailleurs sur le marché, et avec succès, des ressources complémentaires. D’où certaines activités complémentaires , comme M6 Mobile ou MisterGoodDeal, dans la vente à distance: on a tout simplement adapté le modèle à une diversification relativement complète.
J’ajouterai, au passage, que la croissance que nous réalisons en matière de publicité se fait désormais beaucoup sur nos « autres » chaînes, W9 en particulier. Si nos recettes publicitaires ont été pratiquement stable avec M6, sur le premier trimestre (de – 0,5%), elles ont en revanche pratiquement doublé sur W9. Ce qui nous permet d’afficher une croissance générale de ces recettes, pour le groupe de 3%. Si bien qu’on peut dire, aujourd’hui, que cette stratégie de « bouquet » est une stratégie payante.
Allez-vous être contraint, pour résister à la concurrence des nouvelles petites chaînes, qui pullulent, d’investir encore plus massivement dans les grands évènements, à l’image du championnat d’Europe de football qui s’annonce et dont vous êtes l’un des diffuseurs ?
Quels sont aujourd’hui les programmes à succès des grandes chaînes généralistes ? Ce sont, d’abord, les séries américaines. C’est un genre que nous connaissons fort bien pour nous y être intéressé les premiers. que ce soitNCIS, Prison Break ou Kyle.C ‘est aussi, les magazines qui appartiennent au code génétique de M6 et sont une source constante de très bonnes audiences. Je citerai enfin, la fiction française, (nous y travaillons) et les programmes courts, comme Caméra Café 2, qui est en tournage actuellementM6 diffusera cet été, à 20 heures, un « soap », intitulé « Pas de secrets entre nous ».
Le sport fait aussi partie des grands programmes fédérateurs et essentiellement le football. D’où notre intérêt marqué pour l’Euro 2008 et quelques matchs qualificatifs de la Champion’s League, cet été, avec celui, notamment, de Marseille. Le seul inconvénient du sport, y compris du football, c’est qu’il est souvent à perte: l’audience est là, mais celle-ci n’est pas suffisante pour compenser, sur M6 comme ailleurs, le prix de vente trop élevé de ces matchs.
Autre « gène » historique de M6, la télé-réalité : la chaîne qui programma Loft Story peut-elle renouer avec ce type de rendez-vous?
Il y a aujourd’hui toutes sortes de programmes de télé-réalité. La télé-réalité de type contemplatif, comme Loft Story, me parait aujourd’hui dépassée . En revanche, des émissions qui rendent compte de la vie des gens ou des programmes comme « La nouvelle star », ce télè-crochet moderne, s’inscrit dans cette typologie ,« Un dîner presque parfait », qui multiplie les succès d’audience en access depuis février, est également, de la très bonne télé-réalité. La aussi M6 a fait preuve de très grande innovation. C’est ce type de concepts concernant et proche des préoccupations du quotidien que nous allons exploité, à l’avenir. De nombreux projets sont à l’étude.
Voilà près de vingt ans que l’on vous entend ferrailler, taper à bras raccourcis sur les réglementations qui brident le développement du secteur privé : la donne a t-elle changé depuis vingt ans ?
Pas d’un iota! La mutation de la télévision est considérable. Qu’il s’agisse du nombre de chaînes, des supports techniques et des sites d’échanges ; qu’il s’agisse, aussi, du multimédia, de la TVHD, du DVD ou du téléchargement, nous n’avons jamais vu autant de mutations s’entrechoquer en un laps de temps aussi court. Ce pays est comme fossilisé, Vitrifié. Tout est codifié Nous subissons les mêmes contraintes, nous endurons le même corset réglementaire, qu’il y a vingt ou trente ans ! Prenons par exemple le cinéma : des chaînes comme M6 ou TF1 ont toujours, aujourd’hui, l’interdiction absolue de diffuser des films le mercredi, le samedi ou le dimanche, avant 20h30. C’est absurde, à l’heure des DVD, du téléchargement ou d’une chaîne comme Canal+, qui multi-diffuse ses films jusqu’à 35 fois…
Autre exemple, les décrochages locaux: France 3 a le droit d’y insérer des spots de pub, mais M6, non. France Télévisions peut faire la promotion de l’ensemble de ses programmes sur ses antennes, ceux de France 2 Sur France 5, ou inversement. Mais quand M6 fait de la publicité pour les programmes de W9 ou de Paris Première, on nous rétorque qu’il s’agit là de publicité clandestine…Information ici, pub clandestine là ! Tout ce corpus réglementaire doit s’adapter. En matière publicitaire, nous demandons simplement l’application de la réglementation européenne.
La France est donc toujours à la traîne…
Nous sommes au Moyen age, quand le reste du monde et à l’heure d’une révolution sans précédent. Notre paysage est vitrifié. Cette vitrification touche la diffusion des films, les formats de chaînes, le système payant-gratuit …Ne pas pouvoir installer de coupures publicitaires dans un film qui fait 2h20, alors que, parallèlement, on peut faire toute la publicité que l’on souhaite sur Internet autour de n’importe quelle œuvre, cela n’a plus de sens. Prenez M6-Replay : les émissions que nous rediffusons à la demande, via ce système, sur Internet, ne sont soumises à aucune règle. On peut tout faire sur la « toile »: Ce qui est interdit là, est autorisé ici : c’est ubuesque.
Pour quelles raisons ?
Allez savoir…On continue inlassablement à ignorer les grands sujets. Ors les grandes questions, sont: comment constituer des groupes privés et publiques qui soient puissants ? Comment faire face à un marché qui se développe peu, sur le plan des ressources et éviter que tout ne finisse par basculer sur Internet ? Comment adapter notre outil télévisuel aux nouvelles technologies ? Et enfin, quelles doivent être les règles qu’il conviendrait d’assouplir, pour que la France soit au diapason de ses voisins ? Ce sont toutes ces questions auxquelles il m’apparaît urgent d’apporter des réponses.
Quelle est votre réaction face à la proposition de commission Copé de taxer les chaînes privées sur leurs recettes publicitaires, afin d’aider au financement de France Télévisions ?
Dire que nous sommes déçus serait faible. M6, TF1 ou Canal+ ne sont pas là pour financer la télévision publique. Et les chiffres qui circulent sont exorbitants. Je note, au passage, qu’au cours du premier trimestre, les recettes publicitaires de France Télévisions se sont dégradées _non pas, d’ailleurs, en raison de telle ou telle annonce, mais en raison d’une politique commerciale inadaptée. Qu’on le veuille ou non, ni TF1, (en léger recul), ni M6, (qui et resté stable), n’ont profité de ces baisses de recettes. Il n’y a donc pas eu les transferts de recettes publicitaires escomptés. Pourquoi voudrait-on, du coup, que nous allions prendre en charge les pertes de la télévision publique ? D’autant que nous sommes déjà suffisamment ponctionnés : taxe CNC, taxe sur la presse, taxe sur la pub, et j’en oublie…. Pourquoi le secteur privé serait-il le seul à faire des efforts d’adaptation dans ses charges de structure ?

Le marché de la production en France est touché par un vaste mouvement de concentration. Qu’en pensez-vous ?
A la différence de tous les autres pays européens et des Etats-Unis, on limite aux chaînes la possibilité de produire. Or, l’objectif est de constituer, , des groupes audiovisuels solides. Et bien non : alors qu’il faudrait nous encourager à produire et à créer, la loi dit le contraire. La BBC produit, Sky produit, les chaînes espagnoles et italiennes produisent…Seule la France, sur son îlot réglementaire, continue à vivre sur de vieux textes qui lui imposent cette fameuse séparation entre l’outil de diffusion et l’outil de production. Il y a une très grande urgence à voire évoluer la loi.
M6 participera t-il qui « mercato » qui s’ouvre dans le monde des animateurs télés ?
Non. Je pense que les périodes de grands transferts sont terminées. On s’est aperçu, depuis quelques années, que c’est plutôt l’émission qui fait l’animateur et non l’inverse. Je rappellerai pour mémoire que les départs de Benjamin Castaldi et d’Anne-Sophie Lapix n’ont eu aucune incidence sur les émissions qu’ils animaient chez nous.
Il faudra que de nouvelles figures émergent. La télévision a moins besoin de transferts, que de nouveau talents. M6 a cela d’intéressant que la plupart de ses nouveaux animateurs étaient inconnus il y a deux ans: Estelle Denis, Virginie Efira, ou Valérie Damidot (photo),…Nous continuerons à contribuer à la découverte de nouveaux visages, mais si l’on venait nous enlever nos talents, nous saurions réagir.
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mai 29, 2008
Cet ITV très intéressante. Elle démontre une nouvelle fois que ce gouvernement ne s’attaque pas aux réformes de fond nécessaires, mais fait des coups médiatiques (Plus de pub sur les chaînes publiques, sur le principe je suis plutôt pour) sans réflexion.
juin 3, 2008
Super pointu, votre blog.
Les nouveaux talents de M6 sentent un peu le pâté.
Et vous, vous avez eu tort de résilier votre abonnement à Esprit.
novembre 24, 2008
C’est la morandinisation d’europe1. Depuis qu’il anime de 11-14h, il n’aborde que des sujets polémiques et racoleurs. Sur son site, il ne vérifie pas ses info et lorsqu’on le lui dit, il nous banni et supprime le compte.
http://www.wow-powerleveling-wow.com
Heureusement que son projet d’arriver sur france 2 en remplacement de Ruquier est tombé à l’eau. Le service public n’a pas besoin de se morandiniser!