Le bal des hypocrites…En annonçant sa volonté de voire les patrons de chaînes publiques désignés, désormais, par l’Etat, Nicolas Sarkozy a déclenché un joli tollé, notamment à gauche.
Pourtant, cette initiative mérite d’être ardemment défendue. Pour plusieurs raisons.
Il est d’abord normal que l’actionnaire d’une grande entreprise publique, comme France Télévisions désigne ses dirigeants. Ce qui est monnaie courante à la SCNF ou à EDF, devrait s’appliquer à l’audiovisuel publique, un secteur corseté qui est, de fait, déjà placé sous tutelle : cornaqué par Bercy, tenu à bout de gaffe par Matignon et le ministère de la Culture et de la Communication, encadré par la loi, soumis, enfin, à l’examen régulier de contrôleurs d’Etat pointilleux, ce groupe vit, sous l’étroite surveillance de l’Etat .
Il est ensuite assez aisé de faire le bilan des nominations, supposées indépendantes, qui ont jalonné l’audiovisuel publique depuis l’instauration successive, depuis 1982 ,d’organismes comme la Haute Autorité, la CNCL et aujourd’hui le CSA. Hormis l’épisode rocambolesque qui vit l’élection, contre toute attente, sur un coup de dé, de Philippe Guilhaume à la présidence de France 2 et de France 3, tous les PDG de chaînes, sans exception, qui se sont succédés à ce poste, ont été nommés par des instances de régulations transformées en chambres d’enregistrement. Vieille tradition ; C’est seulement après que le locataire de l’Elysée l’ait adoubé que le candidat le plus en phase avec le pouvoir, déboulait devant les sages de la Haute Autorité ou du CSA pour y défendre, sans grands risques, une candidature cousue de fil blanc.
Qu’a t-on vu depuis 25 ans ? Des présidents de la République (Mitterrand, Chirac), affermant des rédactions en faisant nommer à leurs têtes des affidés. Des premiers ministres (Mauroy, Fabius, Balladur, pour citer les plus âpres d’entre eux, en la matière), décréter les chasses sorcières, remplir les placards de journalistes blacklistés, dresser des listes et caser leurs protégés. Et qu’ont fait durant toutes ces années de plomb les vestales de la Haute Autorité, de la CNCL ou du CSA et leurs présidents, (Michèle Cotta, Hervé Bourges, Jacques Boutet, Dominique Baudis…) ? Ils fermaient les yeux. Et ils allaient prendre le pouls du Château, et leurs consignes, dans le bureau du prince, avant d’examiner avec la plus grande attention le cursus de celles et ceux qui postulaient aux plus hautes charges, au sein de la télévision publique. C’est comme cela que les choses se sont passées.
Patrick de Carolis n’échappe pas à la règle. Si l’homme n’était pas le candidat de Jacques Chirac, il n’était pas non plus un adversaire et le seul soutien (appuyé) de Bernadette Chirac a suffit à faire de ce journaliste un papabili de choix.
Ainsi, il n’est pas un seul PDG de chaîne qui n’ait été élu sans ces adoubements. Pas un seul aussi qui n’ait tenu très longtemps à la tête de cette grande entreprise, qu’est France Télévisions, contre la volonté du pouvoir. Philippe Guilhaume, Jean-Pierre Elkabbach, Jean Drucker…ils sont nombreux à avoir été poussé vers la sortie, au gré des alternances politiques. Ou parce qu’à l’Elysée, son locataire avait incliné le pouce vers le bas, signe de disgrâce.
Et là encore, silence radio du coté des instances de régulation souvent complices de ces manœuvres d’arrières cour.
Que Nicolas Sarkozy mette un terme à ce système vicié et hypocrite n’a donc rien de choquant. On l’a vu à France 2, aux Echos, au Figaro, à l’Express et même à TF1, récemment, les rédactions savent donner de la voix. C’est dans l’affirmation de leur métier et de leur indépendance que se situe le salut d’une profession qu’il est illusoire de vouloir bâillonner: à l’heure d’Internet et de la globalisation de l’information, cette tentation serait non seulement vaine, mais inopérante et dérisoire.
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juin 26, 2008
Pour avoir coréalisé la trilogie Pouvoir et Télévision, il est clair que le pouvoir s’est toujours affranchi des eventuelles resistances. Ainsi, michèle cotta était contre depuis la haute autorité l’éviction de Pierre Desgraupes. Sans résultat, on fit une loi pour le faire partir.
Philippe Guilhaume avait été élu contre le pouvoir. il prit soin de nommer à Antenne 2 Jean Michel Gaillard qui avait travaillé à l’Elysée auprès de Mitterrand. Sasn résultat, ils furent étranglés par le pouvoir politique…Renaud Revel a raison de souligner que Nicolas Sarkozy rompt avec une certaine hypocrisie et cela est sans doute salutaire pour la suite!
juin 26, 2008
C’est moins hypocrite qu’avant…Peut-être, mais mais est-ce une bonne raison pour accepter un quasi-retour au ministère de l’information ?
C’est en applaudissant ce genre de décision, et avec une telle argumentation, que l’on vous sent près à aller encore plus loin dans l’acceptation de la soumission de France Télévision. Quant à comparer EDF et le service public de télévision, excusez moi de penser que le fait d’allumer (voire d’écouter…) la télévision n’est pas la même chose que d’allumer la lumière de sa salle de bain…
A uqand un journalisme un peu plus combatif ?
juin 26, 2008
En ce qui me concerne, tout a été dit sur la nomination du président de FTV, dans votre post aussi bien qu’en commentaire. Mais je reste quand même dubitatif sur la question du financement de l’audiovisuel public.
Il me semble en effet qu’il n’est ici qu’un prétexte pour taxer les FAI et se rembourser de la TVA réduite qui leur est appliquée depuis 2007. Qu’est-ce qui me fait dire ça ? L’absence de garantie que tout ou même partie de cet argent ira à l’audiovisuel publique. Absence d’ailleurs indispensable, sans quoi l’Europe (qui a malgré tout bon dos je trouve) n’avalisera pas cette taxe. C’est quasiment l’un des seuls point intéressant qu’aurait pu soulever le député socialiste ce midi au JT de France 2 face à Mr Lefebvre, mais il ne l’a pas fait.
J’ai donc peur qu’à terme le revenu de cette taxe soit réservé aux besoins de l’Etat, ou pire : que ce montant soit un objet de chantage. A surveiller donc…
juin 26, 2008
je suis entièrement d’accord avec PierreMark.
1. on ne compare pas EDF ou la SNCF avec un groupe de communication, de culture et de divertissements, pour reprendre les termes de Sarkozy. SNCF, fait circuler des marchandises et des voyageurs, FTV fait circuler des idées, de la culture et de l’information.
2. C’est justement parce que le pouvoir n’était pas directement lié à la présidence de FTV que Nicolas Sarkozy a voulu le lier.
Ces arguments pour vendre « son idée » sont 100% mauvaise foi. C’est bien simple, il a voulu « réformé » un domaine qu’il n’y avait aucune urgence à réformer… pour deux raisons : faire plaisir à Martin Bouygues et dégommer Patrick de Carolis, et surtout la rédaction de France 3 qui n’avait pas été particulièrement tendre avec lui pendant la campagne !
juin 26, 2008
Merci de nous rappeler que la TVA a été réduite à 5,5% pour les FAI en 2007. Les consommateurs que nous sommes l’avaient-ils remarqué ? Non et pour cause puisque les tarifs des abonnements TTC n’ont pas changés d’un centime…Nous pouvons donc compter sur les FAI pour répercuter sur nos abonnements les sommes qu’ils devraient verser à France Télévision. Moralité : les consommateurs d’internet regardent moins la télévision mais paieront plus pour elle…
juin 26, 2008
Mr Revel,
je suis très déçu par votre article…
Sarkozy n’a-t-il pas été élu pour changer les choses?Or,voilà que vous vous félicitez qu’il légalise ces nominations par l’état.
Bref,les précédents présidents « le faisaient » sans le dire,lui « le fait » en le disant…
Mais Mr Revel,le vrai changement n’aurait-il pas été d’arreter de « le faire »?
Non vraiment,je ne vous comprends pas.Je le répète,vous me décevez enormément.
E.B
juin 27, 2008
Je suis surpris d’un propos qui avalise, au nom de la fin de l’hypocrisie (!) la disparition d’un processus démocratique au nom de de la prétendue faiblesse de ce même processus…
Par ailleurs que deviendra le futur président de Frence Télévisions lorsque 3 ans aprés sa désignation celui la la désigné n’est plus là? Le successeur ser-t-il fondé à le changer au nom du fait qu’il est l’actionnaire? Ce qui n’est pas tout à fait exact d’ailleurs, l’argent public n’est pas l’argent du président de la république. Il ne décide pas seul de son emploi.
juin 27, 2008
Justement notre champion de la rupture n’aurait pas dû agir comm eses prédécesseurs!
juin 29, 2008
Bonjour,
Le hic derrière votre argumentation, c’est que la SNCF et FT ce sont 2 entreprises comme les autres…
Si elles sont effectivement toutes les 2 publiques, le métier de FT (avec ses journaux d’information notamment) est bien plus « orientable » politiquement qu’un transporteur de voyageurs…
Cette nomination comme du reste cette volonté de supprimer la pub me semblent stupides et dangereuses; je parierai bien qu’on va nous reparler de privatisation d’une chaîne publique avant 2012…