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La démocratie est son meilleur ennemi. C’est congénital. Elle déraille, quand un de ses pouvoirs s’hypertrophie. Par exemple, quand le pouvoir politique fonctionnant à chaud,  sous la pression de l’opinion, des médias, de l’actualité immédiate, débite, par pure démagogie, des lois de circonstance, absolument inutiles. Michelle Alliot-Marie était l’invitée de Michel Denisot. La Ministre de l’Intérieur s’était toilettée pour l’occasion : le tailleur blanc (moins sévère que le pantalon) donnait au premier flic de France, ex-ministre des Armées, une touche féminine, moderne, décontractée, au diapason de ce Grand Journal, devenu un rendez-vous de « com » incontournable pour toutes les personnalités politiques. « Souriez, on vous regarde ». MAM, gentiment bousculée, révèle que deux projets de loi sont en préparation. Elle les présente comme des réponses à un événement qui vient de faire beaucoup de bruit, et qui a éveillé chez les parents des inquiétudes légitimes sur la sécurité de leurs enfants : l’irruption au lycée de Gagny d’une trentaine de jeunes voyous encagoulés, et armés. Une loi  punira spécifiquement l’intrusion de personnes étrangères dans les enceintes des établissements scolaires.

 

J’hallucine. Comme il n’existait pas déjà un arsenal de lois pour sanctionner lesdites intrusions. A ce compte, si un éléphant rose venait à franchir l’enceinte d’un lycée, hop, une loi prévoirait des sanctions contre les éléphants roses coupables de cette infraction! Vouloir encadrer judiciairement les « problèmes de société » et le faire, du tac au tac, au détail, sur mesure, à la personne, à chaque fait divers qui a ému l’opinion, c’est du délire.

La deuxième loi procède de la même dérive publicitaire, du « avec nous, les voyous ne passeront pas, oyez, bonnes gens ! » Elle sanctionnera l’appartenance à une bande. Lesdites bandes étant dorénavant interdites. Pas de problème, la police les connait, elle en a fiché 200, principalement dans la banlieue parisienne.

 

Là encore, il existe déjà des lois contre les associations de malfaiteurs, le trouble à l’ordre publique, les insultes, les agressions, l’incitation à la haine et à la violence. J’ose imaginer aussi que le Conseil constitutionnel ne laisserait pas passer un texte qui, sur la base du principe de précaution sécuritaire,  condamne quelqu’un qui n’a pas commis de délit avéré, par présomption de culpabilité de sa bande. La notion de bande est en outre floue, extensible.

Le lendemain, surprise. Aucune reprise dans les médias. Ou bien la bande à Sarkozy planche réellement sur les deux textes ; l’absence de réaction signifierait que les émissions du genre sont prises pour du pur spectacle de plateau, du brouhaha  Ou bien, c’était de l’esbroufe, un truc de conseiller en « com » pour tailler une stature à MAM.  Je préfère la seconde hypothèse. Mieux vaut un ministre qui dit n’importe quoi sur un plateau où on peut dire n’importe quoi qu’une loi qui fait du n’importe quoi. Qu’un ministre de l’Intérieur présente des projets de loi n’en reste pas moins inconvenant. C’est la loi qui fait le flic, pas au flic de faire la loi. PG