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« Ce serait le correspondant d’un tout petit pays, qui ne connaîtrait qu’une seule actualité: les embouteillages. Un pays dont les principales villes s’appelleraient triangle de Rocquencourt ou tunnel de Fourvière. Un pays qu’on connaîtrait sous le nom de Pécéderoni et auquel on associerait machinalement celui de son envoyé spécial permanent », écrivait Libération il y a quinze ans. « Il n’était pas sur la photo des dix ans de France Info », ajoutait le quotidien qui poursuivait, « son nom n’est relié à aucun numéro interne dans l’annuaire de Radio France. Des membres de la rédaction disent qu’ils ne le reconnaîtraient pas s’ils le croisaient dans un couloir. Celui dont Libé faisait ainsi le portrait est Christian Magdeleine, l’homme qui depuis 34 ans intervenait chaque jour sur l’une des antennes de Radio France, dont celle de France Info, depuis sa création, pour informer les Français de l’état de la circulation.

 

Et ce matin, cette voix sans visage qui jouait les balises du fin fond d’un studio improvisé, installé à Rosny-sous-Bois, s’est débranché pour embrasser la retraite. Le journaliste qui officiait ce matin à l’antenne de France Info lui a rendu brièvement hommage : circulez ! On dresserait presque un imaginaire trépied pour saluer la sortie de cet obscur grenadier de l’info, claquemuré des années durant pour nous dérouler des kilomètres de bulletins routiers. Trente années d’une vie professionnelle ravinée, entièrement consacrée aux bretelles de l’A6 et aux ralentissements de l’A1: je dis, révérence! Peut-il y avoir une vie après 34 années d’un tel sacerdoce? On imagine Magdeleine en prêtre défroqué errer demain comme une âme en peine tel un automate aux abord d’une aire de repos pour y humer l’odeur de l’asphalte, entre mille souvenirs et mille histoires gravées au burin dans sa mémoire. On l’imagine encore maudissant ce petit boîtier installé à l’avant des véhicules et baptisé GPS : Après avoir eu raison des cartes Michelin, que décryptaient nos anciens sur le bord des routes comme on déchiffre des hiéroglyphes, le Tom Tom a doucement poussé vers le bas-coté ces échotiers de l’embouteillage, dont les bulletins ne constituent plus qu’un bruit de fond. Mauvais temps : il était grand temps de dételer.     

Je ne résiste pas à diffuser la chronique de Guillon consacrée hier à son départ.