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« Longtemps, les politiques se sont laissés guider par leur intuition, sur la façon de faire campagne, comme sur la façon de gouverner. Puis les conseillers en communication ont prétendu être les seuls capables de leur fournir les clés et les outils nécessaires pour convaincre l’opinion. Le mouvement une fois lancé ne s’est jamais arrêtées. Récemment, constatant une désaffection des Français pour les émissions politiques classiques, les chaînes de télévision ont cru bien faire en présentant les responsables politiques comme des stars du monde du sport ou du cinéma. Les 7% ou 8% des personnes les plus «politisées» – qui sont également prescriptrices d’opinion – ont été passablement déconcertées, voire indignées, et se sont détournées de ces émissions «grand public». Quant aux politiques, ils furent dévalorisés, voire ridiculisés. Résultat de ce mécanisme pervers: la politique et ceux qui la font ont été profondément, et peut-être durablement, déconsidérés ». Sociologue des médias et ancien membre du CSA , Francis Balle exécutait ainsi les communicants, lors d’un débat organisé par le Nouvel Observateur.

L’histoire récente de la vie politique française est ainsi jalonnée de figures de la pub qui ont eu leurs heures de gloire et de déboires: Marcel Bleustein Blanchet avec Pierre Mendes France et Guy Mollet, Jacques Pilhan et Jacques Séguéla avec François Mitterrand, Bernard Brochand avec Jacques Chirac, qui travailla également avec un autre publicitaire du nom de Jean-Michel Goudard, (photo): le « G » de la célèbre agence des années 80, RSCG . C’est ce même homme qui a repris du service, en 2007, à l’ombre de Nicolas Sarkozy dont il a tenu à bout de gaffe la communication, lors de la campagne des présidentielles, avec des hommes comme Frank Louvrier, Pierre Charron et Dominique Lefèbvre, trois parmi les sherpas du chef de l’Etat. Omniprésent à l’Elysée où il fait partie de ce que l’on a baptisé le G6 ou la « Firme », un petit cénacle de conseillers historiques de Nicolas Sarkozy, qui ont été de toutes les campagnes, Goudard s’est fait imprimer une carte de visite sur laquelle on peut lire: «Jean-Michel Goudard, Directeur de la stratégie du président de la République ». La stratégie de Nicolas Sarkozy ! C’est assez cocasse. De quoi parle t-on.? De stratégie politique ? Est-ce bien nécessaire: voilà plus de 30 ans que Sarkozy la dessine seul, traçant sa route guidé par son seul flair, sans GPS, ni gourou.

De communication ? Là aussi, Sarkozy a toujours été son propre metteur en scène : bateleur hors pair et fin connaisseur du milieu journalistique, il reste sans doute son meilleur conseiller. Et les apports des quelques communicants qui l’entourent pèsent forcément de peu de poids. Là où un Jacques Pilhan façonna l’image de François Mitterrand, qu’il affina et modernisa, en révolutionnant notamment la relation de l’ancien locataire de l’Elysée à la télévision, un Jean-Michel Goudard ne sera pas d’un grand soutien pour un Nicolas Sarkozy passé maître dans l’art de mettre en scène l’Etat spectacle.

Et pourtant, il patine. Parce que l’ère de la télévision reine, premier support de cet Etat spectacle, justement, est terminé. Le morcellement des audiences, l’explosion des nouveaux médias et le repli individualiste, sont en train de radicalement transformer le rapport du citoyen au discours politique. La télévision généraliste qui était encore jusqu’à l’élection de Nicolas Sarkozy un tréteau privilégié et un facteur de lien social, est en complète dislocation. Finie l’époque qui voyait TF1 ou France 2 imposer leurs visions réductrices de la politique. Les campagnes de demain se gagneront sur un univers médiatique éclaté et alternatif, où le citoyen aura pris le pouvoir: sur le net, le portable et la blogosphère. « La vie publique perd son crédit quand elle perd sa dignité et sa rigueur, quand elle s’apparente à un jeu de rôles, à une mise en scène », écrit Roger Gérard Schwartzenberg (photo) dans son excellent livre, paru chez Plon, (L’Etat spectacle 2), «Comment éviter la désaffection pour la politique si celle-ci devient un exercice d’exhibition et de fiction, si les citoyens se sentent divertis ou mystifiés par une parade des apparences». Je ne suis pas convaincu qu’à l’Elysée on ait poussé la réflexion jusque là…