Chaque lundi, Philippe Gavi revient sur un fait d’actualité de son choix.
Il a fallu neuf ans pour qu’une commission rende son rapport sur les accablantes responsabilités de l’Eglise irlandaise dans la maltraitance de milliers d’enfants dont elle a eu la charge pendant des décennies. Il a fallu que l’affaire fasse les Unes britanniques dans les années 90 pour qu’en mai 1999 le premier ministre irlandais demande pardon aux enfants abusés et que la commission soit mise en place.
C’est dire que tout ne va pas aussi mal qu’on le dit dans nos démocraties ; la presse joue son rôle crucial de force de révélation et de pression sur les institutions et les puissants. Sur le scandale des notes de frais excessives des membres des chambres des Lords et des Représentants, elle n’a laissé aucune porte de sortie aux non honorables Parlementaires. Elle a même pris deux Lords la main dans le sac. Ceux-ci avaient accepté le pot de vin que leur faisaient miroiter des journalistes du Sunday Times, lesquels, se faisant passer pour des émissaires d’une société de distribution, leur avaient demandé de faire voter des amendements favorables au distributeur.
En France, la presse fait aussi du nettoyage démocratique. Elle passe au peigne fin les frais de nos ministres, rend public les mirobolants salaires, bonus et parachutes en or des patrons prédateurs, et ne loupe aucune bavure policière. Sous les coups de butoir des journalistes, et des juges, nos sociétés sont de moins en moins opaques. Tout finit par se savoir. La presse en fait parfois trop ? C’est mieux que de ne pas en faire assez. Car il n’en a pas toujours été ainsi. Sinon, il n’aurait pas fallu attendre un demi-siècle pour que les cris des enfants irlandais soient entendus. De même que, la nature humaine étant ce qu’elle est, les frais excessifs des parlementaires et des ministres aussi bien que les avantages exorbitants des patrons ne datent pas d’hier, mais on n’en parlait pas, ou peu.
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tention à ne pas confondre torchons et serviettes, réjouissons-nous que la Justice ait fait le tri en ordonnant le retrait des kiosques de Choc, et accordé de substantiels dommages et intérêts à la famille d’Ilan Halimi. Le magazine avait fait sa couverture de juin avec une photo qu’avaient envoyée les ravisseurs à la famille pour obtenir une rançon ; elle montrait leur victime le visage en partie couvert d’un papier adhésif de couleur argent, des traces de sang séché au bord du nez, et une main gantée pressant un pistolet contre sa tempe. Personne ne peut croire que le seul souci de « faire prendre conscience de la barbarie qu’a subi Ilan Halimi » a motivé Choc. « Il va rester quoi de cette affaire dans quelques années si on ne peut rien publier ? » a argué l’avocat. L’alibi relève du détournement de sens et de démocratie. Comme si les textes ne suffisaient pas pour ressentir dans sa chair, et garder en mémoire les souffrances du jeune juif ! Si l’éditeur de Choc avait un denier de conscience propre, il aurait demandé son avis à cette famille en état de choc. Certes des photos insoutenables peuvent provoquer un choc salutaire dans l’opinion. Les images des tortures à la prison d’Abou Gharbi ont précipité la chute de Georges Bush. Mais là, ce sont les familles des victimes qui sont demandeuses, pas un éditeur qui veut faire du chiffre.
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