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Pour de mystérieuses raisons qui nous échappent Secret Story a survécu à la tempête économique qui secoue TF1 et redéboule donc à l’antenne ce vendredi. On pensait le concept essoufflé et voilà que La Une s’apprête à nous resservir cet indigeste programme animé par Benjamin Castaldi.

On se souvient encore des propos tenus dans Le Monde, en avril 2001, par l’ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay, fustigeant la télé-réalité en ces termes : « Peut-on tout montrer à la télévision? Comme deux français sur trois à TF1, nous répondons non. Une grande chaîne gratuite, disponible en clair pour l’ensemble des Français, y compris les plus jeunes d’entre eux, a des règles éthiques et déontologiques à observer» Des propos qu’il reniera aussi vite en multipliant, presque dans la foulée, des clones de Loft Story, dont Nice People, d’abord et Secret Story, ensuite furent les avatars. 

 

 « L’homme moderne » – disait Paul Valéry – s’enivre de dissipations : abus de vitesse, abus de tonique, de stupéfiants, d’excitants (…), abus de fréquence dans les impressions, abus de résonance, abus de facilité, abus de ces prodigieux moyens de déclenchements, par l’artifice desquels d’immenses effets sont mis sous le doigt de l’enfant ».Et l’écrivain de conclure en constatant que « notre système organique réagit ici à peu près comme il le fait à l’égard d’une intoxication insidieuse. Il s’accommode à son poison. Il l’exige bientôt. Il en trouve chaque jour la dose insuffisante » Une addiction. Est-ce que TF1 a voulu s’inspirer de cette pensée de Valéry pour mettre à l’antenne un programme dont elle espère rendre les Français accrocs ?

 

Si c’est le cas, bon courage. Car non seulement Secret Story a pris un sérieux coup de vieux, mais je suis convaincu qu’entaché par les décisions de justice qui viennent de le frapper, le marché de la télé-réalité devrait connaître des jours de plus en plus difficiles. De nombreux hebdos télés affirment d’ailleurs que certains des candidats de l’édition 2009 de Secret Story ont déjà saisi un avocat afin d’aller défendre à la barre des tribunaux un statut d’intermittent du spectacle.Cela promet.

 

Et puis, il y a les téléspectateurs. Il faut s’élever contre l’idée simpliste que la télévision ne serait qu’un fidèle reflet de notre société dans ses grands et ses petits côtés. C’est archi-faux. De la même façon, il faut combattre la bien sotte affirmation selon laquelle la télévision ne donne au public que ce qu’il demande. Tout cela n’a pas de sens et la volatilité des audiences, comme les phénomènes de zapping en témoignent : le téléspectateur, que les stratèges de la publicité et du marketing tentent d’infantiliser, s’est forgé au fil des décennies une vraie culture télévisuelle faite de choix et de rejets tranchés. Membre de l’Académie des Sciences morales et politiques, Jean Cluzel a écrit il n’y pas si longtemps à propos de ces émissions, justement, que « c’est parce que nous en sommes persuadés que les programmes de télé-réalité posent des problèmes aux moralistes : ils ne peuvent accepter la déshumanisation de la société, quelles qu’en soient les formes ». Et d’ajouter que « ces émissions posent également un problème aux politiques, car ils ne peuvent accepter que les responsabilités conjointes des parents et des éducateurs soient bafouées par le laisser-passer du libéralisme médiatique ».

 

Cette déshumanisation rampante de l’être humain, cette volonté d’asservissement du téléspectateur, que l’on tente de tenir à bout de gaffe à coup d’artifices et de pauvres rebondissements, est grossière. Secret Story est un programme que j’ai toujours trouvé d’un vide sidéral, à l’instar de Loft Story, sur M6, et de tous ses succédanés. Parce qu’ls renvoient une bien piètre image de la société. D’ailleurs, TF1 avance à pas comptés avec ce programme. La chaîne qui autrefois nous abreuvait de dizaines d’heures de diffusion a très fortement réduit la voilure cette saison, puisque l’on ne dépassera pas chaque jour les 40 minutes de programmes, et c’est déjà trop. Certains groupes de téléspectateurs se sont d’ailleurs mobilisés sur Internet, afin de protester contre ce début de sevrage. Reste néanmoins un long digest quotidien, suivi chaque vendredi soir d’un prime time qui promet…Vive la zapette!