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Il n"jamais parlé depuis son départ spectaculaire de Canal+  en 1994. Silencieux et secret, André Rousselet, 87 aujourd’hui, n’a rien perdu de sa pugnacité . Incisif, direct et sans détours, l’ancien fondateur de la chaîne cryptée m’a reçu dans ses bureaux de l’avenue Georges V, à Paris. L’homme, tiré à quatre épingles, est presque surpris que l’on vienne le voir pour l’interroger sur l’histoire de cette chaîne, dont on fête aujourd’hui les 25 ans.
Etonné, mais ravi aussi, jubilant à l’idée de planter quelques banderilles dans le dos de ceux à qui il n’a jamais, non jamais, pardonné: d’Edouard Balladur à Jean-Marie Messier, ceux là même qui l’exécutèrent en son temps.

Mais quel destin pour cet homme, confident de François Mitterrand, dont il fut le directeur de cabinet et qui dirigea Havas, avant de prendre les commandes de Canal+ ! Mitterrand et Rousselet ? Deux amis unis par tant de secrets partagés et jamais divulgués. Trois mois avant la mort de l’ancien président de la République, alors très malade, les deux hommes se promenaient rue de Bièvre. Mitterrand prit par le coude celui qui était à l’époque à la tête de Canal+ et lui lança: « Vous savez que vous faites parti des trois ou quatre personnes en qui j’ai une confiance aveugle. C’est pour  cette raison que je vous demande d’être mon exécuteur testamentaire » Rousselet le regarda et lui répondit: «je suis en effet l’un de vos intimes et j’en suis fier, mais que sais-je vraiment de votre vie, après tant d’années passées à vos côtés ? » Et Mitterrand de lui répondre dans un sourire: « 15%…»

Parenthèse fermée…C’est donc ce dépositaire de la mémoire de l’ancien chef de l’Etat qui revient cette semaine, dans le numéro de l’Express à paraître demain, sur l’aventure Canal+. Et quel regard porte t-il aujourd’hui sur cette chaîne ? « Il y a aujourd’hui, dit-il, à sa tête quelqu’un qui s’inscrit dans la belle tradition de cette entreprise, Bertrand Méheut et ses équipes font un travail remarquable »: un hommage d’autant plus inédit que Rousselet est capable par ailleurs d’une extrême férocité. D’ailleurs, il se montre dans cet entretien bien moins enthousiaste avec quelques uns de ses anciens compagnons de route à Canal+…

L’interrogeant sur la déroute que subit la chaîne à l’étranger, à la fin des années 90, notamment en Italie où «Canal » laissa des plumes, Rousselet explique: « Je me suis toujours opposé à aller en Italie, je me suis toujours méfié de ce pays. Ne serait-ce qu’en raison de la présence de Silvio Berlusconi ».

A propos de la crise de Vivendi, qui faillit bien emporter la chaîne cryptée, alors au bord du dépôt de bilan, son ancien patron n’y va pas par quatre chemins : « Jusqu’à mon départ cette filiale  de Vivendi était bénéficiaire et en pleine santé, mais elle contribuait mois après mois à l’expansionnisme orgueilleux et arrogant d’un Messier en lévitation ».

Même traitement pour Edouard Balladur qui, alors premier ministre, refusa à André Rousselet un vaste schéma industriel, qui consistait à fusionner Canal+ et Havas, dans le but de créer, à l’époque, un géant mondial des médias Français : «Vous n’y pensez pas, confia Balladur, au banquier Jean-Marc Vernes, qui avait joué les émissaires dans cette affaire, donner pareil projet à un homme de François Mitterrand, à un an d’importantes échéances électorales! Ce qui prouve la qualité d’homme d’Etat du personnage », commente aujourd’hui, lapidaire, André Rousselet dans cet entretien qui s’achève sur une question à propos de l’avenir de la chaîne cryptée. Réponse de l’intéressé : « S’il y a un avenir pour Canal +, ce que je crois en raison de l’exceptionnelle qualité de ses programmes et de ses équipes, Bertrand Méheut, dit-il, saura en dessiner les contours ».

Et qui parle également de Frédéric Mitterrand…