Y a t-il une foot attitude? Existe t-il un syndrome Domenech ? Le monde du ballon rond serait-il à ce point une galaxie à part pour échapper à toutes les règles qui régissent en général une société normalement organisée? Minimaliste et inqualifiable, tant elle échappe à l’entendement, l’expression publique, la communication, du sélectionneur des «Bleus», Raymond Domenech, a finit par épuiser la critique, tant l’intéressé semble désormais indécrottable. Ses dernières remarques à propos de la consommation d’asperges par Willial Galllas, (une information qu’il délivrait comme à on habitude, sur le mode sarcastique, en réponse à un journaliste qui venait d’avoir l’outrecuidance de s’enquérir de l’état physique du joueur), ont achevé de convaincre les derniers sceptiques: Coupe du monde ou non, Domenech fera du Domenech jusqu’au bout. Décidé à faire un bras d’honneur à l’ensemble des médias, comme à ses employeurs, ce personnage digne d’un music-hall aura ainsi marqué son passage à la tête de l’équipe de France. Pour le meilleur (sa marionnette des Guignols) et pour le pire (son absence d’empathie pour la race humaine).
Mais je pensais jusqu’ici que Domenech était un cas à part. Une sorte d’Ovni qui traverserait nos écrans de télé telle une comète. Et puis, à y regarder d’un peu plus près, l’on s’aperçoit que le monde du football en France a épousé, peu ou prou, les codes, la gestuelle et le lexique de notre Raymond national. Hostilité affichée à l’égard des journalistes, maniement de la langue de bois, usage du bon mot à deux sous, qui tacle en dessous de la ceinture, morgue ostentatoire…Laurent Blanc, le successeur désigné de Domenech, semble faire un jolie copié-collé de celui qu’il va remplacer, une fois la Coupe du Monde repliée. Ses dernières apparitions publiques ont ainsi montré un homme boursouflé de lui-même, dressé sur ses crampons, réfugié dans un quant-à-soi indigeste, bref, incapable d’avoir avec ses interlocuteurs, (un simple parterre de journalistes sportifs armés de stylos à bille), une relation apaisée. Hier icône de toute une nation, cette figure de l’équipe de France pour lequel les tifosi ont déroulé le tapis rouge, semble avoir endossé en un tour de main les habits de son prédécesseur, comme si la fonction imposait des mœurs de bouledogue.
Il n’est de voir ainsi, chaque fin de semaine à la télévision, l’échantillon gratiné de présidents de club de foot qui défilent sur les plateaux ou qui s’expriment sur le bord des pelouses. La communication, qui n’est pas à l’évidence leur fort, les voient le plus souvent débiter, mâchoires serrées, des discours amidonnés, qu’aucun journaliste n’accepterait d’un homme politique. Mes confrères sont d‘ailleurs les premiers responsables de cet état de fait. « Président » par-ci, « président par-là », consultants et journalistes de télés ou de radio ronronnent et oscillent entre révérence et connivence avec ces roitelets si contents d’être ainsi traités, des Ayatollahs dont l’arme secrète consiste à « blacklister » les reporters indésirables, interdits de stade.
On a souvent brocardé les journalistes politiques pour leur manque de pugnacité à l’égard de nos dirigeants: Ce sont d’intraitables intervieweurs comparés à leurs confrères qui officient face à ces patrons de club intouchables. Si Domenech a pu ainsi continuer des années à balader son monde, c’est d’abord parce que la presse n’a pas su, ou voulu, contraindre l’intéressé à se départir de ce numéro de saltimbanque insupportable, pour l’amener sur le simple terrain de l’information. Chaque jour qui passe le vérifie. Et demain, Blanc prendra la relève. Un Domenech chasse l’autre.
mai 21, 2010
On pourrait étendre votre pamphlet à toute la classe dominante et communicante.