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Ca n’a pas loupé, les jeunes manifestent dans la rue et le débat sur leur place dans la société a renflammé les plateaux, un rituel. Les philosophes, qui sont maintenant de toutes les tables rondes, évoquent, pour certains, mai 68. Avez-vous remarqué qu’au casting des intervenants, les philosophe, quel que soient l’âge et l’itinéraire, marxiste ou non, se montrent de loin les plus lyriques et les plus inspirés, les seuls à parler encore d’utopie, d’amour, et de choses compliquées. A écouter les porte-parole des lycéens,  je note une différence substantielle avec le discours de leurs homologues d’après 1968.

Les révoltés de 2010 clament que repousser l’âge de sortie du travail est une aberration. Les vieux doivent laisser leur place aux jeunes le plus tôt possible. Du balai. Un emploi senior égale un jeune au chômage.

Cette mathématique des vases communiquant semble indiscutable. Elle a conduit des gouvernements précédents à favoriser les pré retraites des seniors, encourageant la chasse aux plus de cinquante ans dans les entreprises.

Pourtant,  les jeunes ont tout FAUX. Tous les pays qui ont voulu favoriser le départ des « vieux » pour embaucher les « jeunes » se sont plantés. En France, cette politique des âges (et de seuils fixes) s’est soldée par un double record de chômage des jeunes et des seniors.

Les pays scandinaves ont fait la démarche inverse et leur modèle est infiniment plus performant : il prend les individus comme des personnes à suivre, former  et assister à la carte tout au long de leur vie. Les âges sont complémentaires, ils ne sont pas antagoniques.

Les émules de Cohn-Bendit voulaient chasser les Vieux pour prendre leur place. Il disaient rêver de mettre  l’imagination au pouvoir, et donc de chasser du pouvoir des Vieux jugés incompétents, dépassés. Les jeunes d’aujourd’hui veulent chasser les vieux parce qu’ils occupent leur place. Un problème d’emploi du temps, de personnel, pas de personne.

Ce discours faussement réaliste opère sur fond discriminatoire ; plutôt que d’imaginer le vivre ensemble dans une société devenue transgénérationnelle avec l’allongement des existences d’une vingtaine d’années, il oppose les jeunes et les vieux comme des catégories raciales. Remplaçons « vieux » par « étranger » : sur la question du travail, « la France aux jeunes » ne vaut pas plus tripette que « la France aux français ».

Voilà une jeunesse bien de chez nous. Un éminent gérontologue faisait remarquer récemment que la France était le pays où le facteur le plus discriminant n’était pas le milieu social, la race, la religion mais l’âge.

Et maintenant, passons aux pandas. Ca n’a aucun rapport, et pourtant j’ai l’impression que si, sur les aberrations. Un reportage sur une réserve de pandas en Chine fait comprendre pourquoi le panda est un animal aussi mythologique. Au point qu’il existe des «ambassadeurs internationaux des pandas », des zoologues émérites qui représentent les intérêts de la minuscule communauté. Ce n’est pas tant que l’espèce est menacée. Il y a bien d’autres espèces menacées, aussi sympathiques que les éléphants, les baleines, les ours. Ce n’est pas seulement non plus que ces bons gros nounours aux yeux pochés en noir sont aussi attendrissants que des peluches. Non. Là où le panda est un cas d’espèce unique, c’est que cette bête si sympathique, si humaine a un comportement défiant les lois de l’évolution, de la nature, de la raison : l’animal est carnivore, et pourtant une bizarrerie culturelle fait qu’il ne mange que des pousses de bambou ; en plus, il ne mange que ça. Par quelle aberration se met-il ainsi en état de précarité  Est-il trop gentil ? Est-ce cela qui nous fascine ? PG