Bon nombre de ceux que je cite ci-dessous ont croisé ma route cette année. Certains m’ont pris en grippe, attaqué et tenu dans leurs serres, avant de m’abandonner parfois entre les mains de leurs avocats. D’autres, de manière parfois imprévue, m’ont ouvert leurs portes, certains leur cœur, dégoulinant de confidences parfois inattendues. 2010 ne fut pas de tout repos, en témoignent quelques ecchymoses à l’âme: petite chronique subjective d’une année en trompe-l’œil…
Côté pile…
Alexandre Bompard On a tout dit du jeune mousquetaire et patron d’Europe 1 aujourd’hui nommé à la tête de la Fnac. Trop vite monté en graine, celui qui s’est joliment pris les pieds dans le tapis en s’imaginant installé, l’été dernier, à la tête de France-Télévisions, par la grâce de Nicolas Sarkozy, avant que Rémy Pflimlin ne lui souffle la politesse et ne le renvoie à sa radio, sur le fil.
« Pentium 12 » (l’un de ses nombreux sobriquets) est l’un des hommes du monde des médias les plus agréables et les plus brillants qui soit. Fidèle et d’une grande rectitude, je l’ai vu se débattre pour remonter la pente, quand le Tout-Paris l’enterrait pour avoir échoué aux portes de France 2 et de France 3. Là aussi, des déjeuners en tête à tête, denses et chaleureux. Et le récit détaillé de ses batailles sur le front politique et dans les maquis du groupe Lagardère, son ex-employeur. Un pronostic: Bompard sera dans les années qui viennent l’un des prochains PDG de France-Télévisions.
Frédéric Taddéi Nous avions tous deux un problème. Pour avoir écrit un jour sur ce blog que je n’aimais pas sa manière de s’abstraire des débats qu’il lance et enflamment parfois son plateau, cette distance qu’il s’impose et installe avec ses invités, laissés brides lâches, Taddéï s’était offusqué. Il m’en voulait. Le malentendu était si lourd que j’ai un jour de septembre pris l’initiative d’inviter à déjeuner celui dont j’ai pu vérifier l’intelligence, la causticité et la douce ironie. Nous nous sommes expliqués et le courant s’est établi. Le garçon est à la ville un dandy cultivé et attentif aux autres. Je ne comprends pas ces rumeurs insistantes qui font état d’une éventuelle suppression de son émission sous sa forme actuelle. Au nom d’une logique d’audience, on lui rognerait les ailes. Idiot.
Michel Drucker Chaque année que Dieu fait, depuis des lustres, je déjeune avec cet homme. Et à chacune de nos rencontres, cette figure du journalisme et du petit écran m’embarque dans sa vie et ses souvenirs avec le souci de se raconter par le menu. Une balade au ryhtme qu’il impose, c’est-à-dire celui d’un flâneur qui aime emprunter les chemins de traverse. Qui le croirait? Michel Drucker est un conteur, dont l’anxiété n’a d’égale que la fragilité. Tout est cicatrices et souvenirs enfouis chez lui. Un écorché vif qui masque ses fêlures en vous abreuvant de récits autobiographiques qui vous laissent assommés une fois achevés: l’homme est insatiable.
Notre dernière rencontre date du mois de novembre. Il s’apprêtait à publier ce très joli livre – Appelle-moi – consacré à son frère, Jean, l’ancien PDG de M6 disparu tragiquement. Et il m’interrogeait sur tout et rien, multipliant les questions et les incises, faisant lui-même les réponses.
Nombre d’entre vous n’ont pas compris et admis que je soutienne Michel Drucker dans son refus d’inviter Marine Le Pen sur son plateau. Mais nombre d’entre vous, aussi, ne l’ont jamais entendu raconter – ce qu’il fit lors de ce déjeuner – comment son père échappa de peu aux camps de la mort, et comment lui, Michel, se retrouva un jour de service militaire dans le baraquement même où fut justement interné son père, en 1944, à Compiègne. 60 ans plus tard, les propos de Jean-Marie Le Pen sur la Shoah ont ainsi une résonnance toute particulière: ils ont laissé des traces indélébiles au sein d’une famille qui ne les accepte pas.
Si Marine Le Pen a toute sa place dans le débat démocratique, cette même démocratie doit pouvoir laisser à un Michel Drucker la liberté d’inviter ou non celle qui reste l’héritière d’une idéologie synonyme d’ostracisme, pour celui qui évoquait l’Occupation ce jour-là, le regard embué par les larmes.
Bernard Henri Lévy 2010 l’aura vu sur tous les fronts. On peut tout dire de BHL: gloser sur ses postures, s’agacer de ses envolées et de son omniprésence sur les tréteaux, et quand bien même… Il reste le dernier intellectuel de ce pays à mener sans relâche des combats aux quatre coins de la planète et de la blogosphère, afin de secouer l’opinion. Tantôt en faveur de Aung San Su Ki, tantôt pour Sakineh Mohammadi, Ashtiani. C’est pour cette raison que je m’efforce, avec d’autres, de relayer sur cette modeste page et dès que l’urgence l’impose et que nous nous parlons, lui et moi, chacune de ses initiatives. La Règle du jeu, le site que BHL a développé et dont le succès va chaque jour grandissant, est devenu en 2010, non seulement une vraie réussite sur la Toile, mais une caisse de résonnance incontournable pour tous ceux que les questions touchant aux droits de l’homme mobilisent.
Jean-Pierre Elkabbach Je l’avais étrillé au moment de l’affaire des animateurs-producteurs, qui l’emporta dans la bourrasque et le poussa vers la sortie, alors qu’il était PDG de France-Télévisions. Elkabbach n’a jamais oublié, mais a eu l’élégance de tourner la page. De mon côté, j’ai appris au fil des années à connaître ce journaliste complexe, bosseur, généreux, secret et enthousiaste. JPE est une machine sans nulle autre pareille dans ce métier. Un jeune homme d’instinct qui renifle et débusque le politique comme personne. Un funambule du journalisme politique que l’on a tort d’étiqueter à l’emporte-pièce (mitterrandien hier, sarkozyste aujourd’hui), alors qu’Elkabbach est fasciné par une seule chose, l’Homme. Dès lors que celui-ci fait l’actualité, se sublime ou incarne un courant de pensée, Elkabbach s’en rapproche. Passez une heure avec lui, ce que j’ai fréquemment fait en 2010, et vous le verrez vous interroger sur le dernier roman que vous avez lu, le dernier film que vous avez vu et la dernière rencontre que vous avez faite. Quand il ne vous parle pas d’un chercheur dont il a fait la connaissance ou d’un responsable politique oublié qu’il continue de fréquenter: l’élégance de ceux qui ont connu les traversées du désert…
Alain et Patrice Duhamel Je connaissais peu le premier, le second est devenu un ami. Un jour de février 2010, ce dernier m’avait invité dans la salle à manger de France-Télévisions, dont il était alors le numéro 2. Usé par les attaques de Nicolas Sarkozy et convaincu, déjà, que Patrick de Carolis et lui ne feraient pas de vieux os au sein de cette maison, il avait évoqué l’idée de faire un livre d’entretiens sur ces cinq années passées à ferrailler avec l’Elysée et son locataire.
Mais, au cours de ce déjeuner, l’idée m’était venue d’y associer son frère Alain: n’avaient-ils pas tous deux souffert en 1981 d’une étiquette de giscardien qui leur colla longtemps à la peau? L’un et l’autre n’avaient-ils pas côtoyé et fréquenté les mêmes hommes politiques et la même génération de journalistes, sans jamais confronter leurs vécus et leurs souvenirs? L’idée a vite muri, les Duhamel ont réfléchi et nous nous sommes retrouvés quelques mois plus tard à travailler tous les trois au domicile d’Alain Duhamel, dont j’ai pu vérifier et apprécier la courtoisie, la monumentale culture politique et la force de travail. Publié en novembre dernier, cet ouvrage (Cartes sur table), fait un joli chemin: il reste sans nul doute le meilleur souvenir de l’année écoulée.
Patrick de Carolis Ma toute dernière rencontre avec lui date de l’hiver dernier. Nous avions déjeuné dans l’une des salles à manger de France-Télévisions et il m’avait longuement raconté sa difficile cohabitation avec Nicolas Sarkozy. J’avais trouvé l’homme vieilli, élimé, racorni par ces mois d’escarmouches échangées avec le chef de l’Etat: Sarkozy l’avait usé. Mais il y avait chez lui quelque chose de fascinant: cette volonté farouche de ne pas vouloir voir la réalité; cette propension à croire que rien n’était perdu, que l’histoire n’était pas finie et que le chef de l’Etat, dans un éclair de lucidité, finirait par lui accorder un répit et un nouveau ticket. Bref, par reconnaître que Carolis faisait finalement un bon PDG de France-Télévisions.
Ce qu’il fut. Il m’a fallu du temps pour comprendre qu’il avait placé les valeurs qu’il défendait pour France-Télévisions au-dessus de son destin personnel. Le PDG de M6, Nicolas de Tavernost, m’a dit un jour qu’il reprendrait à ses côtés le producteur et journaliste Carolis le jour où ce dernier chuterait. Qu’attend t-il pour le faire?
En tous les cas et avec le recul et à la lumière des confidences de Patrice Duhamel, je me dis aujourd’hui que ce Carolis avait un mental en titane et une volonté d’airain: ses allures de marquis dissimulaient une lame, ses manières de dandy aux postures d’aristo ampoulé cachaient un tempérament de bretteur. Le seul tort de cet homme est d’être grand par la taille. Ne souriez pas, je suis sérieux et reste convaincu – certains, à l’Elysée, partageaient ce sentiment – que Nicolas Sarkozy ne supportait pas d’avoir à affronter physiquement quelqu’un qui le toisait de son mètre 93…
Arlette Chabot Rémy Pflimlin, je l’ai déjà dit, a eu tort de limoger, sans beaucoup d’égards, cette figure du journalisme politique. «Arlette», ainsi communément appelée par ses pairs, est une perle. Drôle, culottée, vacharde et dotée d’un talent d’analyste politique aiguisé, l’ancienne responsable de l’info de France-Télévisions est de ces femmes qui forcent l’admiration.
Il faut en effet une sacrée écorce pour résister aux intempéries d’une maison tenue par une rédaction aux réflexes de pitbull. Chabot avait connu la mitterrandie, traversé la chiraquie sans encombres, mais a fini par tomber victime de l’animosité du chef de l’Etat. Je ne serai pas surpris que l’on finisse par l’expulser de l’îlot où elle s’est réfugiée et que son émission politique, A vous de juger, disparaisse de la grille de France 2 à la rentrée de septembre.
Rémy Pflimlin Je l’ai rencontré à la mi-décembre. Chaleureux et enthousiaste, l’homme mérite bien mieux que sa réputation. Dépeint comme une personnalité de consensus tout en rondeur et sans aspérités, j’ai trouvé face à moi un roc décidé à prouver que sa nomination n’était pas le résultat d’une improbable partie de bonneteau.
Je suis convaincu que l’intéressé aura à cœur de démontrer que bien que désigné par le chef de l’Etat, il n’a pas pour vocation de jouer, au poste qu’il occupe, les télégraphistes de l’Elysée.
Rien n’a changé dans le bureau dont il a hérité et qu’occupait encore cet été Patrick de Carolis. Seul variante: là où Carolis vous emmenait dans un coin de la pièce pour échanger, Pflimlin vous entreprend assis à son bureau. Le ton est convivial, l’homme est ambitieux pour le groupe qu’il dirige. On sent chez lui l’envie de réussir. Et rien ne transparaît dans l’attitude d’un homme qui doit se plier aux pressions et convocations d’un président de la République téléphage. Pourquoi Pflimlin aurait-il un traitement différent de celui de son prédécesseur?
Côté face
Eric Nauleau Il est avec Eric Zemmour l’un deux serres-livres et snipers de Laurent Ruquier. A l’été dernier, il avait été convenu avec Paris Première, où il officie aux manettes de Ca balance à Paris, que je participerais régulièrement à cette émission. Jusqu’à ce que l’intéressé mette son veto à ma participation, en raison d’une philippique que j’avais dû lui adresser un jour dans ces colonnes, sans que je m’en souvienne précisément. Et je suis sincère.
Considérant que cela faisait partie du jeu et qu’il était légitime qu’un animateur choisisse les gens avec lesquels il entend travailler, je ne m’étais pas formalisé. Mieux, bonne pâte et curieux de nature, je l’avais convié à déjeuner afin de faire plus ample connaissance, puisque nous ne nous étions jamais croisés. Cette invitation, plusieurs fois réitérée, est finalement restée lettre morte, Nauleau ayant prétexté d’un emploi du temps d’animateur: comprenez de ministre.
Mathieu Kassovitz Pour avoir contesté sur ce blog les propos hallucinatoires du réalisateur de La Haine, tenus chez Frédéric Taddéï, sur les événements du 11 septembre et m’être étonné que l’on puisse les réviser avec un tel aplomb et une si belle imagination – l’homme devrait écrire des films – j’ai reçu un beau matin du papier bleu. Une plainte en bonne et due forme qui me vaut un procès, dont l’instruction est en cours. J’y reviendrai.
Christophe Dechavannes L’incident s’est produit un jour d’été. Ayant rapporté dans les colonnes de L’Express des propos qu’il m’avait tenus quelques jours auparavant, mais dont il contestait soudainement l’exactitude, j’eus droit un dimanche à un coup de fil qui reste gravé dans ma mémoire. Dechavannes était-il dans un état second? Toujours est-il que je fus copieusement insulté durant de longues minutes par un homme perché dans les ceintures et dont je ne pus me débarrasser qu’en lui raccrochant au nez. Je me suis juré de ne plus jamais avoir à faire à de tels agités. Promesse tenue à ce jour.
Alexandre Pougatchev L’exotique propriétaire russe de France Soir et fils d’oligarque n’aime pas que l’on dise que son destin de patron de presse bat de l’aile. Bien mal m’en a prit en faisant un jour son épitaphe. Non content d’avoir poussé vers la sortie les quelques talents qui garnissaient son journal et d’en avoir plombé les ventes, l’intéressé, qui prépare une énième nouvelle formule de son quotidien, a porté plainte contre L’Express. Là aussi, l’instruction suit son cours. Mais ce procès n’étant pas dépaysé à Moscou, je ne désespère pas d’obtenir gain de cause.
Johnny Hallyday Quelle idée saugrenue que d’avoir accepté d’écrire au printemps 2010 et au côté de ma consœur Catherine Rambert un petit livre sur «L’affaire Hallyday»! Jamais attaquée, factuellement irréprochable et plutôt bien accueillie par mes confrères, cette enquête me vaut aujourd’hui de figurer en tête de gondole parmi ceux que le chanteur rêve, me dit-on, de corriger de ses propres mains: se faire démolir le portrait par Johnny? L’œillet à ma boutonnière… J’ai pu mesurer à l’occasion de cet ouvrage – qui s’est plutôt bien vendu – combien la sphère de ce chanteur, un aréopage composite constituée de courtisans, de margoulins et de pique-assiettes, formait une faune peu fréquentable.
Audrey Pulvar Journaliste émérite au minois charmant, la journaliste de France Inter et de I>Télé s’est prise les pieds dans le tapis au début de l’hiver en se livrant à un plaidoyer enflammé, contestant le procès en sorcellerie qui lui serait intenté en raison de sa liaison avec Arnaud Montebourg. Lequel vint à la rescousse, oubliant qu’en son temps, il exigea d’une voix de stentor le départ de France 2 de Béatrice Schoenberg, en raison de sa liaison avec Jean-Louis Borloo. Oups! Inaudibles, les prises de positions souvent contradictoires de la journaliste m’ont ainsi surpris. Comme ils ont surpris bon nombres de mes confrères et la classe politique, à l’exception de quelques parlementaires isolés. C’est l’un des couacs de l’année.
Christine Ockrent Un gâchis, une énigme… De quels bois est faite celle avec laquelle j’ai déjeuné un jour, alors que nous tentions de recoller la porcelaine brisée de notre relation, après que la rédaction de L’Express, journal qu’elle dirigea d’une poigne d’haltérophile, l’eut forcée à l’exil. Je me souviendrai toujours du bureau nu qu’elle laissa à son départ: même la moquette bleu roi qui ornait la pièce avait disparu, évanouie avec son ancien locataire… Une terre brûlée.
Lors de ce tête à tête à fleurets mouchetés, je vis la «reine» déployer ses mandibules et tenter de m’amener dans sa toile. Evitant les questions qui fâchent, nous nous étions quittés avec le sentiment d’avoir fait un pas l’un vers l’autre et d’avoir signé un semblant d’armistice. J’avais même été touché par les fêlures que je devinais sous l’écorce d’une dame de fer à l’intelligence au laser, dont la carrière semble n’avoir été qu’une guerre de tranchée quotidienne. Là voilà aujourd’hui embourbée sur son chemin des Dames, France 24, au bord d’une déroute annoncée et d’une capitulation programmée. Et le mystère demeure: qui est-elle?
Emmanuel Beretta L’ostracisme pour éthique, le degré zéro de la confraternité, Beretta porte bien son nom: celui d’une arme de poing. Je dois à mon confrère du Point, justement, de m’avoir tiré comme un lapin, «blacklisté» – décidément – d’une émission médias diffusée sur TPS Star chaque samedi, à laquelle son producteur m’avait convié à participer. De ces journalistes qui vous font perdre par moment l’amour de ce métier et «le goût des autres», comme écrit Denis Jeambar dans son prochain livre. Après cet incident que je n’ai jamais voulu aborder avec l’intéressé, j’ai adressé un mot à Franz-Olivier Giesbert, le directeur de l’hebdomadaire qui l’emploie, afin de simplement vérifier si l’attitude de son jeune collaborateur était le résultat d’une consigne maison: FOG, m’assure t-on, jura que non. Ce que je crois. Reste Beretta…
Denis Jeambar Justement. Je m’oblige ici à faire bref, même s’il faudrait consacrer un traité de psychanalyse à cette figure complexe de la presse française. Cet ancien patron de L’Express, que j’ai côtoyé de longues années et dont je garde le souvenir d’un formidable journaliste, publie ces jours-ci chez Flammarion, un ouvrage intitulé Portraits crachés, une galerie de portraits au fil de laquelle il consacre un court chapitre à son aventure à la tête de L’Express.
Je crois n’avoir jamais lu des lignes aussi violentes de toute ma vie, parcouru un chapitre aussi lourd de ressentiments et de hargne aussi longuement macérée: dix pages qui ne sont que le reflet continu d’une haine rancie régurgitée sans fioritures. En dix pages, écrites d’une plume talentueuse, acide et acérée, «DJ» exécute, lamine, écrabouille, piétine, insulte et humilie ceux-là même avec lesquels il partagea dix années d’une belle carrière. Plus de quatre ans après son départ du journal, l’homme règle ainsi des comptes tardifs avec une collectivité composée à ses yeux de «scribouilleurs», qu’il accuse d’avoir fomenté dans son dos de fantasmagoriques complots afin de l’évincer d’un journal dont il démissionna, il faut le rappeler, sans que personne ne l’y oblige.
Outre les portraits au vitriol et désobligeants de quelques hiérarques de l’Express, atomisés, avec lesquels il partagea le pouvoir et des moments de vrai bonheur de longues années durant, avant de rompre, Denis Jeambar dresse un état des lieux du journal qu’il dirigea – et où j’ai le sentiment de bien vivre depuis plus de 20 ans, sans m’y déshonorer- avec une violence qui laisse tout simplement pantois.
Comment peut-on verser à ce point dans l’amertume, la rancœur et les rancunes? Comment en vient-on à détester de la sorte la nature humaine et verser dans une littérature aussi putride? Pourquoi tant de haine? Je n’épiloguerai pas au-delà, mais raconterai une seule et unique anecdote:
L’épisode remonte à octobre 1997. A cette date le propriétaire de L’Express, l’ancien PDG de Vivendi, Jean-Marie Messier, s’était mis en tête de vendre le titre au groupe Le Monde, que pilotait alors Jean-Marie Colombani.
L’affaire était si avancée que Colombani lui-même avait annoncé à la société des rédacteurs, dont je faisais alors partie, que la toute première décision qu’il prendrait à son arrivée consisterait à limoger Denis Jeambar et à le remplacer par l’un de ses caciques.
Nous avions alors pris nos risques et responsabilités, mobilisé la rédaction, menacé Jean-Marie Messier d’une crise majuscule et mis en garde Jean-Marie Colombani lui-même, lors d’un petit-déjeuner mémorable, sur les risques qu’il encourrait à sacrifier un homme de consensus doublé d’un journaliste de talent, garant à nos yeux de l’indépendance d’un titre qu’il avait redressé de belle manière et défendu bec et ongles.
Devant ce front compact, J2M avait fini par caler et par renoncer à vendre L’Express. L’annonce en fut faite par ses soins un soir, aux alentours de 20 heures. Je me souviens être allé annoncer la nouvelle à Denis Jeambar en me précipitant dans son bureau, accompagné alors du président de la Société des rédacteurs de l’époque, Vincent Hugeux, exécuté lui aussi dans cet ouvrage.
Je me souviens avoir vu tomber Denis Jeambar dans nos bras. Je me souviens d’un homme bouleversé et ému aux larmes qu’une rédaction soudée et solidaire avait contribué à sauver d’une éviction programmée.
Je me souviens, enfin, que cet épisode contribua à cimenter durablement nos liens avec celui qui nous fait aujourd’hui un procès en déloyauté. J’en suis pour ma part abasourdi. Denis Jeambar écrit dans son livre que les gens de L’Express ne le méritaient pas. Certains d’entre nous se diront aujourd’hui, à la lueur de ces propos, que s’il est un homme qui ne nous méritait pas, c’est bien l’auteur de ce livre.
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janvier 2, 2011
A pile ou face, la pièce ne retomberait pas toujours du (des) même(s) côté(s) que vous. Mais l’image médiatique – souvent éclairante pour peu que l’on s’attache aux détails -, que j’ai de certains n’enlève pas l’intérêt de votre regard, plus proche évidemment, sur ces mêmes personnes.
On frôle les limites de l’exercice, entre journalisme et débordement personnel : c’est sûrement à sa place sur un blog. Pourtant, j’ai aimé ce billet. J’ai surtout aimé le côté pafois iconoclaste de vos choix, signe d’une sincérité rarement feinte chez vous.
Bonne année RR.
janvier 6, 2011
M. Bompard
j’ai pris du plaisir à vous lire.
merci
janvier 2, 2011
Ca a l’air sympa, la presse.
janvier 2, 2011
Triste époque si « le dernier intellectuel (vraiment?) de notre pays à mener ces combats » s’appelle BHL.
http://www.monde-diplomatique.fr/dossier/BHL
janvier 3, 2011
Quel palmares!
janvier 3, 2011
Tout d’abord je vous souhaites une année 2011 aussi sympa en rencontres que celle-ci 🙂 Voilà pour le positif !
Maintenant je note votre regard négatif envers Beretta que je partage, mais je suis assez surpris, concernant France Télévisions, vous aviez le même regard, à tel point qu’on aurait cru que vous vous concertiez parfois pour faire le même papier.
A moins que vos interlocuteurs ne soient les mêmes et aient réussi à vous charmer tous les deux …
Comme quoi !
Bonne année !
janvier 3, 2011
janvier 2011 23 h 04 min
« Triste époque si « le dernier intellectuel (vraiment?) de notre pays à mener ces combats » s’appelle BHL. »
Oui c’est à ce moment de lecture qu’on éclate de rire et qu’on comprend le ridicule de celui qui a écrit cette note.
janvier 6, 2011
Et en fait oui, vous avez raison. Non pas qu’il faille se plier en deux de rire et de rage chaque fois que l’on associe BHL et Intellectuel.
Non non tout simplement pour se rendre compte à travers les qq lignes de ce billet de blog à quel point le journalisme français est vide …. et finissant.
Un petit monde qui s’aime et se déteste comme dans une caricature des salons de Mme La Comtesse d’un autre siècle.
Un petit cénacle qui se regarde, s’épie, se jauge, s’écoute parler, réfléchir (?), s’auto attribue des compétences ou récompenses, se dissout patiemment année après année mais ne manque aucune occasion de se parer de la plus grande vertu indignée et ultra corporatiste à chaque attaque qui ne vient pas de son sein. Pour au bout du compte une corporation totalement éloignée d’un monde réel devenu trop complexe pour elle. Le journalisme cette drôle d’institution qui se définit comme un Quatrième Pouvoir sans légitimité des urnes ou d’expertise reconnue.
M. Renaud: c’est quoi la chronique d’un journaliste qui invite à déjeuner ses confrères (j’imagine au frais de votre journal) pour nous faire part de leur humeur .. et de la votre ? On ne prend pas la température d’un mourant …..
janvier 3, 2011
On a les admirations qu’on mérite ! Qualifier BHL comme c’est fait ici, faut le faire. Ce type est un escroc intellectuel, démasqué dès le départ par Castoriadis et Vidal-Naquet. Comment peut-il avoir un tel crédit ? C’est simple, grâce aux Renaud Revel, qui ne savent pas distinguer la fausse monnaie et font leur chemin en flagornant les puissants. Il n’est que » de cliquer sur n’importe quel lien pour voir à qui on a affaire :
http://www.acrimed.org/spip.php?page=recherche&lang=fr&recherche=BHL
janvier 6, 2011
@dDuroux
Parce qu’évidemment Acrimed est un modèle, s’il en est, d’objectivité, et sans idéologies sous-jacentes… Je parle de celles que ce pays, qui s’en fatigue à force, traîne depuis tant d’années, du coté des miasmes des impasses totalitaires !
janvier 6, 2011
Mon pauvre Freephil,
Bien évidemment que les gens d’Acrimed ont des convictions. Pas vous ? Pas BHL ? Pas Revel ? Les idéologies, c’est toujours les autres…
J’espère au moins que votre quête du qui pense quoi, est influencé par qui ne vous fait pas oublier la question qui prime : toutes les révélations sur les mensonges, les manipulations, les truquages, les approximations, les bidonnages, c’est vrai ou c’est pas vrai ?
Allez, suivez les fils, allez à la source…
janvier 3, 2011
Très instructif !
janvier 3, 2011
Nous apprenons que l’auteur est à tu et à toi avec le tout Paris des décideurs de presse. C’est touchant.
Difficile de décerner la palme de l’hagiographie, entre un BHL grand chevalier des intellectuels et Cricri Ockrent qui serait une « de ces femmes qui forcent l’admiration. »
janvier 3, 2011
Christine Ockrent, c’est pas la femme de ménages à 18 000 € la demi-journée ?
Dis-moi qui tu admires et je te dirais qui tu es. Comment peut-on admirer, lorsqu’on est journaliste, celle qui est considérée comme la honte de la profession ? Savez-vous, M. Revel, que le code de déontologie des journalistes interdit de se servir de son image à des fins lucratives comme le fait régulièrement Mme Ockrent ? Mme Ockrent aurait dû se voir retirer sa carte de presse depuis longtemps :
http://www.acrimed.org/rubrique294.html
janvier 4, 2011
Vu que j’ai le QI d’une huître, forcement le verset sur Johnny Hallyday m’interpelle, pour quand un » petit livret » sur la Dame de fer ? doit y avoir matière !
» Ange ou Démon » ?
janvier 4, 2011
la presse…..pays où évoluent les bisounours?
Beaucoup de flagornerie dans ce papier qui n’est produit que pour faire l’apologie ( en langage populaire on dit : cirer les pompes)de vieilles lunes de l’audiovisuel empêtrées dans leurs contradictions, leur soif de servir le pouvoir en place et la volonté de se maintenir en place quelle que soit les compromissions.
janvier 6, 2011
Rien à ajouter, d’accord totalement.
février 7, 2011
itou
janvier 4, 2011
BHL rhabillé pour l’hiver :
http://www.medelu.org/spip.php?article696
janvier 6, 2011
trop de haine de l’épicier du coin aux grands pontes intello, c’est quif quif , trop facile de lacher ainsi ses poubelles, un peu de tenue
bonne année à tous
janvier 6, 2011
En gros, et si j’ai bien compris, vous passez votre vie à bouffer au resto à flagorner des flagorneurs…
janvier 6, 2011
En tout cas ça déjeune sec, aux frais de qui?
janvier 6, 2011
Monsieur Revel ,
Vous avez atteint votre but :la levée de boucliers
que vous cherchiez ,(pour vous rappeler aux lecteurs
et justifier votre gagne-pain rassis ).
Passer des tonneaux de pommade à ceux dont vous espérez
des aumônes , vilipender les agonisants , casser la croûte gratos à perpète ETC
Bien dangereux tout ça , pour votre cholestérol, votre bedaine , votre avenir et ce qui vous reste peut-être
de conscience .
Pouvez-vous faire encore pènitence ?
janvier 6, 2011
les portraits sont intéressants, un peu trop souvent excessifs (tout le monde a entendu Michel Drucker parler de son père et de Compiègne), trop souvent également faisant appel au soutien des confrères anonymes pour justifier telle ou telle opinion. Bien que je partage certaines de vos réflexions, je ne peux m’empêcher de trouver que ces « commentaires » fleurent bon le service commandé et le politiquement correct, bref j’ai un peu l’impression d’assister à des « cirages de pompes » et « flinguages d’affreux » effectués pour rendre service à certains….
Concernant l’Express, si on excepte que tous les journalistes se prennent pour des éditorialistes, que le service modération élimine des commentaires sans en avertir les auteurs, voire même ne les publie pas toujours sans en avertir les auteurs et ne répond même pas aux questions posées ou aux commentaires on peut considérer que ce « journal » a quelque intérêt dans certains papiers mais pas plus que Libération, ce qui ne le met pas très haut…..
janvier 6, 2011
concernant Drucker vous devriez vous renseigner sur les activités exactes de son père au camp de Drancy,vous verriez que tout n’est pas que bisounours!
janvier 20, 2011
A propos de Drucker, « cette figure du journalisme et du petit écran m’embarque dans sa vie et ses souvenirs avec le souci de se raconter par le menu »
Un communicant tel que vous n’est même pas capable de voir que monsieur Drucker vous fait chaque année du story-telling et que visiblement, ça fonctionne à fond!
Quelle candeur de votre part ! Il fait sa com tout simplement
Avant même que le très grand public ne soit informé de ses déconvenues littéro-amoureuses, il suffit de le voir en gros plan sur un plateau, d!s que c’est à lui de vendre son dernier opus : son visage se fait soudain grave et en avant pour le même refrain !
En quoi est-ce que son passé l’autorise à jouer avec le POS dans les Alpilles !!?
février 1, 2011
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février 9, 2011
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février 14, 2011
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