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Il était assez inouï de regarder le journal de 20 heures de France 2  nous expliquer hier soir, par la voix de David Pujadas, que le procès du chroniqueur de RTL et de Laurent Ruquier, Eric Zemmour, faisait figure d’événement. Séquence politico-mondaine parisienne, ce procès qui s’étale tout de même sur trois jours, est en train de se transformer en un show qui voit la justice transformer ses prétoires en plateau de télévision. Et le petit écran en caisse de résonance d’un procès à paillettes, dont Eric Zemmour sortira immanquablement vainqueur.

Qu’il soit en effet condamné pour ses propos amalgamants tenus sur le plateau de Thierry Ardisson et l’intéressé aura beau jeu de fustiger une insupportable remise en cause de la liberté d’expression et le triomphe du politiquement correct. Qu’il soit blanchi et notre héros ainsi enrubanné verra dans ce jugement une breloque épinglée à son veston et un encouragement à continuer dans cette même veine. Qu’Allah et Dieu réunis nous en gardent.

Vous l’avez compris et je l’ai déjà dit, Eric Zemmour n’est pas ma tasse de thé: ses sentences assénées avec l’aplomb de ceux qui ne doutent jamais de rien m’indisposent, ce plaisir à aller tisonner ceux-là même qu’il sait incapable de tenir un débat sur un plateau de télé, car ce n’est pas leur métier, me dérange, ce plaisir affiché à planter des banderilles dans l’échine d’invités venus à l’abattoir, après que l’attachée de presse un peu sotte d’une maison d’édition les aient benoîtement poussés à aller se faire étriller, est assez pathétique.

Et pourtant, après avoir dit tout cela, je pense que les propos incriminés de Zemmour ne relèvent pas de l’incitation à la haine raciale. Que tout son discours, qui consiste à établir un lien direct entre délinquance et immigration, relève plus chez lui d’une analyse, certes simpliste, des conditions économiques et sociales dans lesquelles vivent des populations ostracisées, marginalisées, que d’une démarche, à proprement parler, raciste.

Si l’on peut contester la faiblesse, l’indigence même, de son raisonnement -en raison notamment de l’inexistence de statistiques ethniques dans ce pays, ce dont il faut se féliciter- on ne peut rapprocher les propos d’Eric Zemmour de ceux tenus dans un autre cadre par Brice Hortefeux, qui, s’agissant des arabes, estimait que : « Un, ça va, c’est quand il y en a plusieurs qu’il y a des problèmes ». Dans son cas, la justice est passée.

Faut-il pour cela que Zemmour passe à travers les gouttes? Qu’il sorte indemne de ces trois jours de procès? Que la justice ne retienne rien des mots prononcés, qui ont un sens, et de leur interprétation par un grand nombre de téléspectateurs? Sans crier à l’échafaud, j’estime que non.