Au moment même ou un tsunami balayait les cotes du Japon, une autre tempête secouait les têtes des dirigeants de TF1. Voilà quelques semaines, en effet, que les séismographes de la chaîne battent la chamade en raison d’un affaissement inquiétant des audiences du journal de 20 heures. Cette érosion se traduit notamment par une fuite des fameuses «ménagères de moins de 50 ans» qui, telles des plaques tectonniques en mouvement, migrent à l’heure du JT vers d’autres chaînes, notamment M6.
Forcément déboussolés, les dirigeants de TF1 tentent de trouver une explication. Longtemps accusée, la TNT fait aujourd’hui un bouc-émissaire peu crédible : en témoignent la bonne tenue du journal de 20 heures de David Pujadas, qui résiste et grappille, certains soirs, des parts de marché et les bonnes audiences du rendez-vous d’information de M6, « 19h45 ».
Longtemps pointée du doigt, également, le succès du feuilleton de France 3, Plus belle la vie, ne suffit plus à expliquer, là aussi, cette migration. Quant à la concurrence des chaînes tout-infos, (LCI, BFM TV et I>Télé), elle reste très marginale. Un marché de niche.
Dernière explication : le contenu, l’ergonomie même, du 20 heures de la chaîne et ses présentateurs. Sujet sensible. Car du côté de TF1, on reste pour l’heure convaincu que le caractère anxiogène de l’information contribue à éloigner le téléspectateur. Et que seule une information moins roborative et plus digeste, est de nature à rassembler le plus grand nombre. Lexomyl et Témésta : las d’une actualité mortifère et cataclysmique, les Français exigeraient des patrons de chaînes et de leurs rédactions, une info en forme d’anti-dépresseur. La preuve, Jean-Pierre Pernaut et son journal, avec effet placebo immédiat et audiences pétaradantes.
Tout cela bien sûre ne tient pas une seule seconde et implose au premier événement venu: On le vérifie chaque jour avec le drame du Japon, qui mobilise l’attention de téléspectateurs de plus en plus nombreux.
La question n’est donc pas de savoir si telle information, supposée légère, est plus à même de rassembler qu’une avalanche d’images traumatiques. Mais, au contraire, de mettre le pied sur l’accélérateur quand l’information – aussi cruelle soit-elle- l’impose. Pourquoi ce qui serait valable pour un quotidien papier du matin ne le serait pas pour un journal télé du soir?
Car l’époque a changé. La violence et la rapidité d’Internet transforment le moindre événement en un Barnum planétaire et cathartique, qui condamne les chaînes historiques à redoubler d’efforts et de moyens. Sauf à subir à terme les diktats de Youtube et Daylimotion, TF1 et consors n’ont pas d’autre choix que de prendre à bras le corps chaque événement, aussi infime soit-il, et à l’exploiter jusqu’à la corde.
Fini le temps des grandes messes, l’époque où les journaux de 20 heures faisaient et défaisaient une information formatée, selon des publics choisis et ciblés par des directions de marketing omnipotentes. La déferlante des images venues du Japon, via Internet, ont montré que le sujet était plus fort que le vecteur. Et que des chaînes comme TF1 et France 2, si elles veulent survivre à terme, vont devoir faire ce que font, de longue date, les chaînes américaines ou britanniques les plus puissantes: décupler d’effort au moindre friselis.
C’est ainsi que le retrait d’Harry Roselmack du journal de 20 heures de TF1, -une décision d’ordre purement cosmétique – n’est pas le sujet. Et son remplacement demain par X ou Y ou par son clone blanc, (Laurent Delahousse, Michel Beaugosse, Catherine Bombasse…), n’est pas non plus la question: une gravure de mode n’a jamais fait un bon journal. Si Laurent Delahousse est bon, c’est d’abord et avant tout en raison de la qualité de son JT: Hiérarchisation de l’info, choix des sujets, angles de traitements, type de reportages…Tout y est. Et l’empathie qu’il dégage, -la « beaugossattitude »-, n’est que pur emballage.
Il est assez inouï que TF1 en soit encore à s’interroger sur l’opportunité de lancer un magazine politique, (en avril, en septembre, en janvier, à la Saint Ferrari ?), quand celui-ci devrait être à l’antenne depuis des mois ! Les Français se défient de leurs dirigeants et tournent le dos à la politique, nous dit-on. Ah bon ? L’explication est tout aussi bancale que le reste. Et elle risque d’être balayée à l’approche d’une campagne présidentielle qui sera l’une des plus spectaculaire et passionnante de ces vingt dernières années. J’en fais ici le pari. Malheurs aux absents.
0
mars 17, 2011
Comment expliquez vous qu’hier soir (le 16 mars), le journal de 20h de TF1 a fait l’un de ses meilleurs scores de l’année (30,5 % de part d’audience et 8,1 millions de téléspectateurs)et que celui de France 2 se tient plutôt bien ? Est-ce l’effet « Japon » ou alors le fait que de plus en plus de monde s’intéresse à l’information ?