C’est l’un des témoins privilégié de la révolution des médias au tout début des années 80, quand le PAF émergeait de sa préhistoire sous les coups de boutoirs et les réformes de François Mitterrand: Georges Fillioud ( au centre sur la photo), est mort. Qui se souvient de ce moine soldat discret de la mitterrandie, secrétaire d’Etat à la communication du gouvernement de Pierre Mauroy, au lendemain du mois de mai 1981, et artisan de quelques unes des réformes fondamentales d’un paysage transfigurée? Peu de gens et c’est dommage. Fillioud, dont je garde le souvenir d’un homme chaleureux, passionné et pétri de convictions, porta sur les fonds baptismaux les premières « radios libres », participa à l’éclosion des toutes premières chaînes de télévision privées, aussi, et installa au passage la Haute Autorité, c’est-à-dire la toute première instance de régulation indépendante du pouvoir politique.
C’est de ses bureaux de la rue Saint Dominique à Paris que cet ancien journaliste, passé par Europe 1, réforma des pans entiers d’un secteur ankylosé et cadenassé par 30 années d’un pouvoir gaullo-giscardien empesé. La page était blanche et Georges Fillioud, encouragé par François Mitterrand et par celui qui, alors directeur de cabinet du nouveau président, allait devenir, en 1984, le PDG de Canal+, André Rousselet, réforma au pas de charge. Jamais l’audiovisuel français de toute sa jeune histoire, ne connut, sous son autorité, autant d’évolutions et de chambardements. C’est ainsi que les années 80 furent foisonnantes et passionnantes, notamment pour les quelques journalistes qui eurent le privilège d’assister à ce que la démocratie peut produire de plus noble, quand il s’agit d’émanciper la parole ou de libérer les ondes.
Ce furent des réformes fondamentales. Au point qu’au moment de l’alternance politique de 1986, qui voit alors Jacques Chirac s’installer à Matignon, la droite n’eut pas d’autre choix que de poursuivre l’ouverture engagée par la gauche, avec les créations de M6 et de La 5, et la privatisation de TF1. Jacques Chirac, à sa manière, contribua largement à cette émancipation.
Et puis, il y avait l’autre Georges Fillioud, le compagnon de Danielle Evenou. Personnage pittoresque et échevelée, cette comédienne, dont les sorties publiques bouleversaient les codes et usages de la République, irradiait le quotidien d’un homme soumis à la pression d’un secteur explosif. Madame Sans Gène et monsieur le ministre formaient à la ville le couple le plus inattendu qui soit, au point que François Mitterrand avait plaisir à les inviter à sa table, à l’Elysée, ou à les convier à Latché, sachant que Danièle Evenou ferait le show. Pour le reste, dans la très longue lignée de ceux qui se sont succédés à ce poste, au gauche comme à droite, de François Léotard à Philippe Douste-Blazy, en passant par Catherine Trautmann, Alain Carignon ou, aujourd’hui, le bien pâlichon Frédéric Mitterrand, pas un n’arriva à la cheville de celui qui vient de disparaitre.
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