La presse est un univers où l’irrationnel tient une large place, un monde dont les règles échappent aux logiques de l’entreprise classique. Ainsi du limogeage expéditif, hier, de l’emblématique figure des Echos, Nicolas Beytout, débarqué contre toute attente de son siège de dirigeant. L’homme avait pourtant tout pour plaire: un parcours manucuré de jeune premier de la presse; des relations d’amitié solides avec Nicolas Sarkozy, qui l’avait convié en 2007 à son banquet du Fouquet’s, avant de tenter de le parachuter, en vain, à la tête de l’information de TF1; et des convictions libérales ripolinées qui cadraient avec la ligne éditoriale d’un journal plus proche des aspirations du CAC 40 que de celles des altermondialistes.
Mais tout cela n’a pas suffit: en conflit larvé avec les barons de sa maison-mère, LVMH, dont Nicolas Bazire, (autre sarkozyste et témoin de mariage du chef de l’Etat en délicatesse avec la justice dans l’affaire Karachi), sur la stratégie à mener pour le groupe de presse qu’il manageait, Nicolas Beytout a été prié de rendre son tablier, après qu’on lui a imputé une perte de 5 millions d’euros en 2010 et la même somme pour l’exercice en cours : des chiffres qui font tranquillement sourire au regard des milliards d’euros brassés par le numéro 1 mondial du luxe. Mais qui veut noyer son chien… Remercié, Beytout n’a pas fait pour autant son paquetage, puisqu’il hérite en compensation de la perte de son poste d’un titre d’éditorialiste, à la colère des journalistes du quotidien qui, rassemblés ce matin en assemblée générale, ne comprennent pas cette immixtion dans leurs colonnes de celui avec lequel ils entretenaient des relations plutôt fraîches, mais un homme que Bernard Arnault, le patron de LVMH, n’a pas voulu humilier.
La suite de l’histoire est tout aussi exotique. Car on a appris dans la foulée que c’est l’ancien grand manitou du Figaro, Francis Morel, débarqué lui aussi manu militari il y a quelques semaines de son poste par Serge Dassault, qui hérite du poste. Banni tout aussi promptement de l’immeuble du boulevard Haussmann, après que l’avionneur lui eut reproché certaines initiatives (restées mystérieuses) en terme de développements, ledit Francis Morel se retrouve aujourd’hui dans le fauteuil de celui qui dirigea un temps… Le Figaro, justement.
Ainsi va la presse, entre révolutions de palais, parties de ball-trap, chassés-croisés, renvois d’ascenseur, connivences et petits arrangements entre amis. Fauché en plein vol, Nicolas Beytout, garant de la pérennité de la branche presse du groupe LVMH, peut être amer. Et son départ devrait en tout état de cause relancer les spéculations quant à l’avenir incertain de cette branche presse. N’a-t-on pas, à de nombreuses reprises, prêté à Bernard Arnault le souhait, tantôt de développer ce secteur en rachetant notamment le Financial Times de Londres, tantôt de tout vendre, Les Echos en tête? Réponse à suivre…
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septembre 30, 2011
Pas un mot, cher Renaud Revel, sur la « querelle déontologique » entre N. Beytout et Erik Izraelewicz et qui a vu le départ, des Echos/LVMH, de ce dernier…
E. Izraelewicz est aujourd’hui patron de la rédaction du Monde
septembre 30, 2011
Tout à fait d’accord avec Mr Martin.
Mr Izraelewicz n’est pas seulement patron de la rédaction du Monde, mais directeur du Monde.
septembre 30, 2011
Beytout qui passe à Morel qui passe à Beytout, qui passe à Morel…..On tourne en rond, on tourne en rond….
septembre 30, 2011
La presse, « ton univers impitoyable ». Nicolas Beytout est un excellent journaliste qui parle bien aux gens nuls comme moi en économie, sans fanfaronnades. Clair, précis, pédagogue, bref un pro. de classe !.
Débarqué par B. Arnault ? Allez savoir pourquoi il l’a remplacé par Morel ancien du FIG ?.
Aux journalistes : restez humbles, et professionnels jusqu’au bout des ongles. Après 2012, si la droite est reconduite ou si la gauche l’emporte.. gare à vos fesses !
A bon entendeur..Salut.
septembre 30, 2011
Je me permets d’éclaircir 2-3 choses dans ce qui est raconté ici.
Lorsque N. Beytout était au Figaro, il était directeur de la rédaction, patron des journalistes, si on veut. C’était le même poste aux Echos auparavant. Francis Morel était directeur général, chef d’entreprise, pour faire court. Ils ont donc travaillé ensemble pendant quelques années mais dans des fauteuils différents.
En revenant aux Echos, Nicolas Beytout a pris la direction générale du groupe, un poste sans fonction éditoriale – en théorie du moins car cela ne l’empêchait pas à l’occasion de venir causer dans le poste.
Et c’est à ce poste que vient le remplacer Francis Morel.
octobre 1, 2011
Cette affaire n’est que la partie visible de l’iceberg. La plupart des (petits) producteurs vous le diront : il y a quelque chose de pourri dans la maison FTV. Pillages de projets, appels d’offres pipeautés, cadeaux voire dessous de table pour décrocher un programme, telle est la réalité ! Les maisons de production qui travaillent pour le groupe sont de moins en moins nombreuses et ces grosses structurent qui raflent tout, assurent en cas de problème, un parachutage aux responsables des programmes. Ainsi entre copains on se partage le cadeau et ceux qui protestent sont blacklistés ! Bref à quand une véritable enquête sur ces pratiques plus que douteuses et bien d’autres encore trop longues à développer ici, qui se répandent telle la lèpre dans tout le groupe ?
octobre 6, 2013
nicolas baziiiire, encore un gars du Sentier !