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Il est des réactions saines, revigorantes et presque inattendues par leur ampleur. L’imposant mouvement de soutien de la presse française, (et pas seulement), et de l’ensemble de la classe politique, jusqu’à Claude Guéant, à l’équipe de Charlie Hebdo, dont les locaux ont été incendiés la nuit dernière par des inconnus, donne une réconfortante image de notre démocratie. En effet, il n’est pas une sensibilité du monde médiatico-politique, qui n’ait pas condamné ce geste imbécile. Mais quel cadeau fait aux journalistes de cet hebdo satyrique, qui ont pu mesurer à cette occasion que la liberté d’expression dans ce pays avait un sens. Et qu’un journal aussi petit soit-il pouvait fédérer politiques et journalistes! L’initiative de ces incendiaires est d’autant plus contre-productive que ce qui serait resté sans doute une couverture un brin provocatrice de plus, isolée parmi tant d’autres à travers la longue histoire de ce journal habitué à dégoupiller, apparait aujourd’hui comme le symbole de la mise en cause d’un bien commun et fondamental : la liberté d’expression.

On se souvient de l’émoi provoqué par le tombereau de critiques, (accompagnées de menaces), entendues en 2006 lors de la publication, par ce même hebdo, des caricatures de Mahomet parues dans des journaux danois. La publication de ces dessins au Danemark, puis d’autres pays d’Europe, avait déclenché de violentes protestations dans nombre de pays musulmans. Un caricaturiste Kurt Westergaard avait été attaqué chez lui à coups de hache l’année dernière. A sujets sensibles, réactions épidermiques et intolérables: ce regrettable épisode, survenu la nuit dernière, a finalement un côté salutaire : Comme une piqure de rappel à tous les ayatollahs qui s’imaginent tester par ce type de gestes la solidité des digues d’une société faite de clivages, d’antagonismes et de confrontations idéologiques et religieuses. On pensait que Charlie Hebdo n’était plus qu’un hebdomadaire parcheminé confectionné par quelques vieux héritiers de mai 68 aux réflexes potaches. Mais voilà qu’à l’occasion d’une couverture volontairement décapante, ce titre permet à la classe politique et à la presse de rappeler, unanimement, les contours d’une république laïque dressée sur ses ergots dés lors que l’on  tente de rogner ce qui fait son socle : la liberté de penser et de s’exprimer. C’est pour cela que l’on aime ce pays. C’est dans ces moments là qu’on en oublie ses pesanteurs, ses corporatismes, ses rodomontades, son égocentrisme, ses querelles de clocher et ses certitudes aveugles. Il y avait ce matin sur les télescripteurs, où tombaient, comme à Gravelotte, les communiqués  de soutien à Charlie Hebdo, comme un parfum d’union nationale autour d’un thème soudainement fédérateur – la libre pensée. C’est si rare.