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L’affaire est d’importance et risque de prendre un tour politique. En décidant d’attribuer de nouveau aux qataris d’Al Jazeera une nouvelle brassée de matchs de Ligue 1, au dépens de Canal+, la Ligue Nationale de Football présidée par Frédéric Thiriez prend le risque de déclencher un début de polémique. Car la décision de la LNF, qui repose sur de simples arguments financiers, est de nature à fragiliser le modèle économique de l’un des rares fleurons de notre industrie audiovisuelle.
A quoi joue, en effet, le président moustachu de la Ligue, Frédéric Thiriez, qui après avoir ouvert la boite de Pandore, fait tranquillement le lit des milliardaires de Doha, au risque de fragiliser l’un des rares acteurs, non anglo-saxons, de l’audiovisuel européen? Au risque de paraitre politiquement incorrect et franchement cocardier, n’y-a-t-il pas quelque chose d’indécent à pénaliser une entreprise qui a contribué depuis plus de 20 ans à maintenir à flot la quasi totalité des clubs de Ligue 1 et pas seulement, dont beaucoup auraient mis depuis longtemps la clé sous la porte sans la manne financière de Canal+? N’y-a-t-il pas quelque chose d’un peu curieux à privilégier les intérêts d’investisseurs étrangers, aux motivations discutables, quand l’ensemble de la classe politique de ce pays, attachée à protéger ce qui reste de nos entreprises patrimoniales, défend le «consommer français» ? Cela fait prés de 30 ans que, à gauche, comme à droite, de François Mitterrand à Nicolas Sarkozy, que les politiques plaident pour l’émergence de groupes de communication solides, susceptibles de résister aux mastodontes qui rodent à nos portes.
Et voilà qu’un organisme contrôlé par une poignée de barons du foot accrochés à leurs fauteuils, jouent aux pyromanes et cèdent au mirage de pétrodollars déversés sur un championnat prêt à se vendre au plus offrant! Et tout cela, dans l’indifférence la plus totale. Les boutiquiers de la LNF savent-ils que sans Canal+, le cinéma français serait mort et que le monde du Rugby serait à l’agonie, pour prendre deux exemples radicalement différents: Au nom de l’exception culturelle, Canal+, soumise depuis sa création, en 1984, à une réglementation draconienne, assortie de quotas, a contribué, plus que toute autre, à faire de notre 7e art le plus vivace d’Europe, quand les cinémas Allemand et Italien disparaissaient de la carte. Et au nom de la survie d’un sport enraciné dans nos terroirs, cette même chaîne cryptée a su médiatiser une fédération et un sport aujourd’hui parmi les plus dynamiques en Europe.
Canal+ a ainsi contribué, tout au long de son histoire, à garantir les équilibres économiques de pans entiers de notre patrimoine, culturel ou sportif. Mais il aura suffit qu’un fourgon de la Brink’s, à l’effigie du Qatar, fasse un arrêt à la buvette des grands argentiers du foot pour que Canal+ soit sanctionnée et fragilisée. Il y a de quoi s’interroger…