Pour toute une génération de «quinquas» et de nostalgiques d’une époque, pas si lointaine, qui a vu une génération incarner le métier de journaliste dans ce qu’il avait alors de plus flamboyant, Pierre Lescure est une sorte de référence. Iconique pour certains, « enfant du rock » comme il s’est institué, compagnon de route de quelques-unes des figures les plus marquantes de ce métier et personnage incroyablement créatif, l’ancien patron de Canal+ avait quelque peu disparu du paysage médiatique à son départ de cette chaîne, jusqu’à ce qu’il refasse surface là où on ne l’attendait pas forcément. Butinant sur Paris Première, où il anime cette saison l’émission Tôt ou tard, et concomitamment directeur du théâtre Marigny, l’ex amiral de la chaîne cryptée a mal vécu son éviction de « Canal » en 2002 et le carambolage de cette entreprise passée à deux doigts du dépôt de bilan. En l’espace de quelques semaines, à l’époque, l’intéressé avait été balayé, déboulonné sans ménagement de son piédestal, après qu’il ait régné plus de quinze ans au sommet de l’une des entreprises les plus «succesful » que le Paf ait engendré. Un beau matin, Lescure débarqué, le téléphone s’était soudainement arrêté de sonner et l’armée des courtisans et des pique-assiettes, qui faisait son siège quand il était encore au pinacle quelques semaines plus tôt, s’était égayée comme une volée de moineaux : l’icône d’hier était devenu un renégat infréquentable.
Etrangement, Pierre Lescure n’a jamais vraiment rebondi. Nous étions pourtant nombreux à penser que, fort de l’incroyable carnet d’adresses que l’homme s’était constitué à la tête de Canal+, dans l’orbite d’André Rousselet son fondateur, durant toutes ces années, il n’aurait qu’à faire le tri dans la montagne de postes qu’on lui proposerait. Mais rien : portes closes et copains d’avant aux abonnés absents, Lescure s’est retrouvé seul. J’ai même entendu que la nouvelle direction d’Europe 1 lui avait proposé, il y a un an, d’animer le multiplex des soirées foot de la station! Croyant d’abord à une blague, L’intéressé, dit-on, en resta sans voix…
Et les mois ont passé. Or avec la montée en puissance de François Hollande au PS, on a vu se constituer autour de celui qui allait devenir le candidat du Parti socialiste à l’élection présidentielle un petit cercle d’affidés. Entrainés par le vent des sondages et galvanisés à l’idée que Hollande pourrait bien franchir les grilles de l’Elysée début mai, une brochette de personnalités lui a emboité le pas. A quoi songent- t-il les Jérôme Clément, David Kessler, René Bonnel, Olivier Poivre d’Arvor ou encore Pierre Lescure, justement? Tous ont occupé des postes reluisants par le passé et tous rêvent, secrètement, d’un hochet : qui, un maroquin ministériel, qui un poste de PDG de chaîne ou un bureau de conseiller au Château.
Or c’est dans ce contexte de quête aux honneurs que le nom de Pierre Lescure est apparu lundi dans les colonnes du Nouvel Obs.fr où l’on a appris la création de « Radio Hollande ». Créée par le propriétaire du Nouvel Observateur, cette station a pour but d’accompagner la campagne du candidat socialiste : un outil de promotion et une vitrine. Diffusés chaque jour sur un site dédié, baptisé tout simplement françoishollande.fr, les programmes de cette radio vont proposer, explique-t-on, « des “décryptages” des mesures du candidat, une analyse de chiffre ou de sondage dans “C’est quoi la tendance?” ». On évoque aussi une libre antenne, intitulée “Allô François”, des témoignages des volontaires faisant campagne sur le terrain ou encore, un suivi des déclarations du candidat au quotidien dans “Le fil d’Ariane”. Bref, une succursale médiatique du candidat socialiste, dont une grande partie de l’antenne et du pilotage ont été confiés à Pierre Lescure.
Que faut-il en penser ? Pour ma part, que du mal. On a suffisamment reproché au journaliste et patron du Figaro, Etienne Mougeotte, de s’être égaré en faisant preuve d’un zèle démesuré à l’égard de Nicolas Sarkozy pour ne pas s’interroger, tout autant, sur la démarche militante de cet autre journaliste. Persifleur, jouisseur, libre et indépendant, Pierre Lescure avait jusqu’ici l’image foisonnante d’un libertaire jetant sur les hommes, sur les choses et sur la politique, un regard distancié, corrosif, désabusé et mâtiné d’autodérision. C’est pour cela qu’il nous séduisait. Or le voilà, aujourd’hui, réquisitionné pour « la » cause: encarté. Je trouve l’histoire dévastatrice pour la profession et triste pour l’intéressé. Car que dira-t-on demain, quand une fois installé à l’Elysée (hypothèse), François Hollande distribuera quelques prébendes, les agios de la campagne, à celles et ceux qui auront mené le combat ? Que rien n’a changé sous le soleil, que la nature humaine est fragile. Et que nous l’avons « In the baba », titre du livre de mémoires que Pierre Lescure vient justement de publier.
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mars 27, 2012
« On a suffisamment reproché au journaliste et patron du Figaro, Étienne Mougeotte, de s’être égaré en faisant preuve d’un zèle démesuré à l’égard de Nicolas Sarkozy pour ne pas s’interroger, tout autant, sur la démarche militante de cet autre journaliste. » Mais comme vous êtes naïf… Il y a pourtant un petit élément qui aurait dû vous mettre sur la piste : Étienne Mougeotte vote à droite, Pierre Lescure vote à gauche… Droite : mal. Gauche : bien. Je ne vois donc pas du tout ce qu’il y a d’étonnant à ce que la démarche (tout sauf journalistique) de Pierre Lescure passe comme une lettre à la poste.
Dans le même ordre d’idée, il a été très fortement reproché à Sarkozy de placer ses hommes, alors même qu’il a placé aussi nombre d’hommes de gauche et modifié les règles parlementaires pour donner plus de place à l’opposition. Il ne faudra pas venir faire l’étonné quand, une fois Hollande élu (hypothèse), il placera, lui, uniquement des hommes de son bord dans l’indifférence la plus générale – mieux, on applaudira sa clairvoyance d’avoir su placer des hommes de valeur, blablabla.
Deux poids, deux mesures, ou le paradigme bien français et très manichéen qui veut que la « gauche » représente tout ce qui est bon en l’homme et la droite tout ce qui est mauvais. Si vous voulez mon avis, tant que ce pays méprisera à ce point une bonne moitié de sa population, la gauche aura beaucoup de mal à gagner une élection présidentielle.
Au passage… « Successful » ? « L’armée (…) s’était ÉGAYÉE comme une volée de moineaux » ? (Ça s’écrit « égaillée ».) « Que diraS-t-on » ? Faites attention, quand même…
mars 27, 2012
merci monsieur REVEL de cette juste analyse
mars 27, 2012
Cette information prouve une fois de plus l’hypocrisie des socialistes qui donnent des leçons de morale à tout le monde et appliquent scrupuleusement le principe du « Fais ce que je dis, ne fais pas ce que je fais ». D’autre part, pour moi, cela confirme l’opportunisme forcené de Lescure qui s’allie au plus mauvais des socialistes pour avoir une grosse part de gâteau en cas de succés. C’est assez écoeurant !
mars 28, 2012
pas d’accord … comparer Lescure à Mougeotte fallait osé comparé le Figaro (diffusion nationale et ligne editoriale sans nuance) avec radio web Hollande (engagé certes mais audience plus confidentielle et surement moins outrancière) Comparer Mougeotte copain des puissantsdepuis Matusalem et conformiste comme jamais avec Lescure tricard depuis 10 ans et plutôt iconoclaste … le journalisme de qualité n’est plus ce qu’il était
mars 28, 2012
Tout a fait juste Monsieur Revel. Je ne suis pas initialement ou fondamentalement de droite, par contre la bien pensance doctrinaire me révulse. En proportion il est très clair qu’il y a beaucoup PLUS de personnalités du showbiz et des médias qui se prononcent ouvertement ( sans parler des autres) en faveur de Hollande que de Sarkozy. Malgré cela le PS et ses amis continuent de prétendre avec la plus grande mauvaise foi le contraire. Après avoir voulu nous imposer DSK le PS idolâtre un candidat de remplacement qui attendait son tour dans les coulisses de la médiocrité.
mars 29, 2012
Vous n’avez pas de rate, mon pauvre garçon (et pas d’orthographe non plus, mais c’est une autre histoire). Je vous appréciais beaucoup dans l’émission de Philippe Vandel dans laquelle vous ne ménagiez pas vos critiques à l’égard de N. Sarkozy. Le ton a changé.
Vous n’imaginez pas un seul instant que Pierre Lescure puisse s’engager pour F. Hollande par conviction d’une part et par dégoût des propos haineux tenus à longueur de discours par celui qui est censé représenter la France. Quand je l’écoute, j’ai vraiment honte d’être Française.
De plus, à 67 ans, il sait bien que son avenir professionnel est limité ; il n’a peut-être pas les arrières-pensées carriéristes que vous lui supposez.
avril 3, 2012
Bonté soir ! L’information décrivant mon travail est littéralement rempli , passez à l’étape mise en œuvre .