L’anecdote est célèbre et elle a fait longtemps la joie des journalistes, au lendemain de la privatisation de TF1 en 1987. Tout nouveau propriétaire de cette chaîne, Francis Bouygues, – un personnage truculent et haut en couleur-, avait décidé à l’époque de constituer le plus beau cheptel de journalistes et d’animateurs que le Paf puisse imaginer. Moyennant une politique du chéquier particulièrement efficace, il avait attiré dans ses filets le ban et l’arrière ban : d’Anne Sinclair à Christine Ockrent, en passant par Etienne Mougeotte et PPDA. Et à chaque fois, la méthode était la même: installé dans ses bureaux cossus de l’avenue des Champs-Elysées, il recevait ces stars du métier en leur tendant une feuille blanche et un stylo. « Mettez un chiffre et j’ajouterai les zéros », disait-il en s’esclaffant, avant de lancer, hilare, un tonitruant « topons là, maintenant !»
Ainsi fonctionnait «FB», figure de légende (photo) d’un secteur, le BTP, où les affaires se font à la parole donnée. Sinclair et consorts décuplèrent leurs salaires et Francis Bouygues, qui ne laissa à personne le soin de négocier ces contrats, constitua le plus beau pack qu’ait connu l’audiovisuel.
25 ans plus tard, Martin Bouygues, l’héritier de l’empire, répète les mêmes réflexes avec plus de subtilité dans la forme. S’il y a moins d’argent sur la table, -les extravagances des années 80 ont laissé place à la raison et à une meilleure gestion -, c’est dans les bureaux du propriétaire de TF1 que se décide le sort de cette chaîne. C’est ainsi qu’après avoir personnellement décidé de l’embauche de Laurence Ferrari en son temps, -après qu’il s’en soit entretenu, à l’époque, avec Nicolas Sarkozy-, voilà qu’il négocie depuis quelques semaines maintenant son remplacement par Laurent Delahousse. C’est en effet ainsi au sein de ce groupe : quand le bateau tangue, les cadres dirigeants des filiales sont réduits au rôle de simples consultants et c’est le patron qui reprend la main et tranche.
L’ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay, en fit la rude expérience. Longtemps patron chez lui, ce dernier dirigea La Une en toute liberté, jusqu’au jour où Martin Bouygues se décida à regarder de plus près cette chaîne. C’est ainsi qu’il découvrit que, contrairement à ce que lui affirmait Patrick Le Lay, depuis des années, TPS n’était pas parvenu à tuer Canalsat. Et par ailleurs, la TNT qu’avait âprement combattu le même Le Lay, n’était pas le désastre annoncé, mais une technologie d’avenir. Pour ces deux raisons, Patrick Le Lay sauta comme un bouchon de champagne.
Autre époque, autre contexte : la crise d’audience et d’identité que connait TF1, n’avait pas préoccupé jusqu’ici Martin Bouygues. Confiant dans l’homme qu’il a installé à la tête de cette chaîne, – l’insaisissable et très rugueux Nonce Paolini-, Bouygues a laissé faire, jusqu’à ce que l’élection présidentielle et ses audiences en berne soit synonyme de désastre pour TF1. Martin Bouygues, qui n’aime pas les journalistes et encore moins cette chaîne, pour tous les problèmes qu’elle engendre, ne se mêle que ponctuellement de la vie de cette entreprise. Sauf quand le feu couve et que l’urgence s’impose.
Et c’est le cas aujourd’hui. L’élection présidentielle enjambée, l’exfiltration de Laurence Ferrari devenait inéluctable. Et l’intéressée aura été débarquée cet été par Martin Bouygues, si elle n’avait pris intelligemment les devants en rejoignant Direct 8. S’engage alors la question de sa succession. Et très vite, le nom de Laurent Delahousse apparait. Balayée d’un revers de main par le PDG de TF1, Nonce Paolini, – qui défend de longue date un autre profil, celui de Gilles Bouleau-, la rumeur Delahousse n’en continue pas moins de cheminer.
Et pour cause : Martin Bouygues, qui a repris la main, conduit seul la manœuvre. C’est lui qui noue il y a quelques jours le contact direct avec le journaliste de France 2, un homme à qui il a fait une proposition « sèche »: le fauteuil de, Laurence Ferrari, sans conditions, ni aménagements. Or le journaliste favori des français veut plus: notamment, l’installation à ses côtés d’un homme de son choix qui prendrait la direction adjointe de l’information de la chaîne : une exigence à laquelle se refusent les dirigeants de TF1. Tout cela fait partie de discussions qui pourraient assez vite aboutir.
Car ce que Bouygues veut, Bouygues l’obtient et l’impose. Bouygues et Delahousse « toperont-ils »? On le saura vite. Et personne ne pourra nous démentir la réalité de ces tractations.
Mais que de faux-semblants et de démentis de façade! Je ne résiste pas à cette dernière anecdote qui a déclenché l’irritation de quelques-uns de mes confrères de l’Express, invités à déjeuner avec Martin Bouygues le 29 mai dernier, c’est-à-dire le jour où Laurence Ferrari officialisait son départ de TF1 et rencontrait les journalistes du Parisien pour un entretien à paraitre lendemain. Durant ce dejeuner, l’industriel, interrogé sur la cas Ferrari, dont il savait le départ depuis plusieurs heures, expliqua que tout cela relevait d’élucubrations de journalistes.
Passons. En marche, la réforme de l’informationn de TF1 ne devrait pas s’arrêter là. Car au-delà du fauteuil emblématique de Laurence Ferrari, – anecdotique-, c’est toute l’ergonomie de ce JT et de l’information de cette chaîne qu’il va falloir repenser. Un tout autre chantier qui, là aussi, s’accompagnera sans doute d’un changement de casting.
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juin 11, 2012
« Après qu’il s’en soit entretenu, à l’époque, avec Nicolas Sarkozy » – est-ce que M. Renaud Revel ne devrait pas savoir que « après que » n’est pas suivi du subjonctif, mais de l’indicatif? Donc : « après qu’il se fut entretenu ».
juin 12, 2012
pour ceux qui s’intéressent aux relations entre le casto du riche et les politiques, adressez-vous à Pierre Carles il en connait toutes les subtilités, si il est censuré par tous les médias c’est pas pour rien.
juin 13, 2012
Contrairement à ce qui est écrit dans cet article, Martin Bouygues tient à préciser qu’il n’avait pas connaissance du départ de Laurence Ferrari lors de son déjeuner organisé le mardi 29 mai 2012 avec les journalistes de l’Express. Il a appris cette nouvelle par l’intermédiaire de Nonce Paolini en début d’après-midi à l’issue du déjeuner.
Martin Bouygues était donc sincère dans ses propos. Il s’étonne que les journalistes présents à ce déjeuner ne l’aient pas appelé pour vérifier cette information.
Emilie
Service Presse
Groupe Bouygues
juin 14, 2012
Chère Emilie, pourriez-vous transmettre cette contribution à M. Bouygues : Laurent Delahousse est la seule solution pour faire redémarrer le JT de la Une. Il FAUT une greffe extérieure, VITALE! Cet homme a apporté tellement à l’info de la 2, c’est LA valeur montante de l’info de ces 5 voire 10 dernières années. Y’a qu’à voir ce qu’étaient encore les JT du week-end de la Deux avant 2007… Il est LE présentateur préféré des français, du reste. Le JT de TF1 se meurt. Ce n’est pas en titularisant quelqu’un déjà d’assez vieux (10 ans de plus que Delahousse qui en a 42) et qui n’a aucun charisme, qui n’est là en tant que joker que depuis à peine 1 an que la solution sera trouvée. Il FAUT frapper un grand coup! Envoyer un signal fort. Actuellement, sur la place publique, il n’y en a pas 2! Titulariser quelqu’un qui fait déjà partie de TF1 n’est pas ce que les téléspectateurs attendent. Ils attendent un nouveau souffle, qu’on ouvre les fenêtres et d’être de nouveau charmés, attirés. Laurent Delahousse, nouvelle vitrine du 20h de TF1, apporterait tellement de dynamisme, de fraîcheur et de professionnalisme. Il en a assez des week-end et ne peut plus progresser à France 2 à cause du duo Thuillier / Pujadas qui verrouille tout. L’heure, pour lui, est venu de devenir le titulaire du plus grand journal de France. Mais cela ne doit pas s’arrêter là! Il FAUT aussi changer la direction de l’Info avec un vrai patron décisionnaire. Mettre Lapix le week-end. Chazal a fait son temps, bégaie et ne voit plus que d’un oeil. Pernaut a 62 ans et largement ses annuités. Il est grand temps pour lui de prendre sa retraite. Les journaux de TF1 ont besoin d’un nouvel écrin graphique, sonore et architectural. Trop de bleu, un décor anxiogène et riquiqui. Il faut une nouvelle musique mythique (l’actuelle, légèrement remixée, est ARCHI usée!), un nouveau décor avec une newsroom, une nouvelle façon de présenter, titres debout ou autres… Avec DELAHOUSSE!!!
juin 14, 2012
Revel, vous êtes vraiment un menteur doublé d’un imposteur!!! HONTE À VOUS!!! Delahousse reste sur la 2. Bravo pour l’intox! Beaucoup de personnes espéraient ce changement. Écoeuré. Je vous bannis de mes favoris. Crédibilité : zéro!!! (déjà que vous aviez une réputation exécrable dans le milieu)…