C’est une guerre qui en rappelle une autre, un conflit tout aussi déséquilibré et incertain que celui qui opposa, au début des années 90, Hollywood et sa phalange de Majors du cinéma ricain à l’armée en guenille des créateurs français, rameutée par Jack Lang.
Il s’agissait alors de dresser des digues, une ligne Maginot, afin de défendre « L’exception culturelle française ».
David contre Goliath, Google contre Gutenberg! Nous sommes vingt ans plus tard et l’industrie du cinéma américaine s’est trouvée une descendance bodybuildée et une nouvelle tête de pont en Europe, avec ce portail à l’hégémonie galopante.
Car que l’on ne s’y trompe pas: si les époques et la problématique ne sont pas les mêmes, la toile de fond reste identique. Il s’agit, d’un coté, de la bataille engagée par un porte-avion de l’internet pour la suprématie d’un modèle planétaire.
Et de l’autre, de la résistance d’un ilot attaché à défendre sa culture et ses contenus éditoriaux, aujourd’hui allègrement pillés par l’ogre US.
C’était hier….
En mars 1993 un certain Jack Valenti, puissant président octogénaire de l’association regroupant les grands studios américains de cinéma déclarait, lors d’une interview accordée au journal » Le Monde » : » Les Etats-Unis ne signeront pas un accord qui fasse de la culture un secteur d’exception. […] Notre gouvernement ne fera pas l’impasse sur l’audiovisuel, qui représente l’un des principaux actifs économiques de ce pays. »
Le 20 septembre 1993, la demande du gouvernement français de maintien de « l’exception culturelle » est à l’ordre du jour du Conseil des Ministres de Bruxelles. Alain Carignon, alors ministre de la communication, suivi d’une brillantissime délégation (G. Depardieu, C. Clavier, I. Huppert…) sont à Bruxelles pour défendre » l’exception culturelle « . Des français isolés face à une Europe divisée et déjà largement inféodée à Hollywood.
Lors du sommet francophone tenu à Maurice, en octobre 1993, des résolutions sont pourtant prises en faveur de cette » exception culturelle », selon la volonté de François Mitterrand.
Fin 1999, à l’approche du Millenium round, les mêmes responsables français devront lutter à Bruxelles pour qu’une position commune des Quinze soit définie. La délégation française devra cependant accepter le principe de négociations sur les questions culturelles et fera des concessions à la demande de certains pays européens qui ne partagent pas l’intransigeance française en la matière.
Nous étions alors déjà bien seuls à ferrailler…
Ce mémorable bras-de-fer entre Paris et Hollywood, entre Astérix et l’armada des majors américains, verra la presse française prendre des accents guerriers pour défendre un patrimoine attaqué de toutes parts.
Correspondant du Nouvel Observateur aux Etats-Unis, à l’époque, Jean Gabriel Freydet publiera toute une série d’articles qui n’ont pas pris une ride presque vingt ans plus tard, à la lueur du conflit, tout aussi déséquilibré, qui oppose aujourd’hui Google aux patrons de presse français et européens.
L’intéressé, qui tirait alors le signal d’alarme, écrivait …
«La culture américaine va-t-elle nous dévorer ? La menace de l’Accord multilatéral sur l’Investissement s’est à peine dissipée que la communauté française du cinéma s’interroge. « La machine à raboter les cultures », qui, selon Jack Lang, «ravale la création au rang de produit», va-t-elle reprendre sa marche fatale? Les majors hollywoodiennes, qui ont failli liquider notre « exception culturelle » en 1994, vont-elles repartir à l’assaut ? Les coups de boutoir des studios américains contre toute préférence nationale, comme le formidable succès du « Titanic », symbole de leur force de frappe, le rappellent : si l’Amérique domine aujourd’hui le monde, elle le doit autant à l’hégémonie de sa culture qu’à sa puissance économique. A l’aube du troisième millénaire, elle est le seul pays capable de produire massivement des biens culturels (films, séries télé, musique…) consommés par tous les publics. Après les excès du cinéma d’auteur et les philippiques contre l’impérialisme yankee, les créateurs français sauront-ils prendre le meilleur des méthodes américaines au moment où la planète Hollywood s’essouffle et cherche elle-même de nouvelles recettes ? Entre le tout-Etat culturel et la « pop culture », l’armistice est-il possible? L’avenir de nos industries culturelles est à ce prix” (…)Mercantilisme contre intellectualisme, libéralisme contre protectionnisme, l’affrontement culturel franco-américain qui continue avec l’AMI n’a guère changé de nature depuis cinquante ans.
L’Amérique accuse la culture française d’élitisme et lui reproche sa «fermeture », deux péchés mortels alors que triomphe la pop culture, la culture populaire de masse. La France, elle, voit dans les producteurs (de films ou de disques) américains, les apôtres d’un salmigondis universel qui, dans les meilleurs cas, arase la diversité nationale. Et dans les pires débouche sur un «Tchernobyl culturel ». Lorsqu’ils formulent plus subtilement leur acte d’accusation, les intellectuels des deux camps ne sont pas plus conciliants. « La barbarie a fini par s’emparer de la culture. C’est l’industrie des loisirs, cette création de l’âge technique, qui réduit les oeuvres de l’esprit à l’état de pacotille ou, comme on dit en Amérique, d' »entertainment » », fulmine Alain Finkielkraut dans « la Défaite de la pensée ». « Pour nous, il y a « high culture » et « low culture », rétorque Ezra Suleiman, professeur de sciences politiques à Princeton. Personne ne conteste à la France sa littérature ou son théâtre, même s’il ne touche qu’un petit nombre de personnes. Mais pour la « low culture », la culture de masse, celle qui met les biens culturels au niveau des marchandises, la France ne compte pas. Elle a rarement cet universalisme qui fait le succès de la rock music, des séries télé ou des superproductions généralement associées au modernisme américain. La France doit admettre la logique de la mondialisation et apprendre les formules qui font les succès populaires.»
Dialogue de sourds. Ces deux thèses ont au moins le mérite de mettre le doigt sur l’essentiel. Si le différend franco-américain a tourné au choc frontal, ce n’est pas tellement en raison d’une conception différente de la Culture (avec un grand c), dont la France est convaincue de défendre seule les droits sacrés : l’Amérique n’a pas de prétention à rivaliser sur ce terrain. En revanche, elle revendique le leadership de la culture populaire, avec des produits qui, simples marchandises, sont faits pour circuler librement dans une économie mondialisée. Pour le plus grand profit – et la plus grande gloire – de ceux qui savent les fabriquer et les distribuer partout dans le monde. Conception inacceptable pour la France qui voit la culture comme indissociable de son identité et de sa pérennité. Marchandise contre œuvre, industrie contre culture, pot de fer contre pot de terre.
Difficile d’imaginer antagonisme plus fort. Violés par la France « avant même que l’encre ait fini de sécher », comme le raconte Dean Acheson, successeur de James Byrnes, les accords Blum-Byrnes, symbole d’une double méprise, ont pourtant réglé pacifiquement les rapports franco-américains pendant un demi-siècle. Le paradoxe est d’autant plus fort que le système des studios, clé de la puissance du cinéma américain, est celui du monopole, de l’expansion, et que la France se flatte toujours de prendre la tête des croisades de libération. Pourquoi?”
Freydet parlait d’or et appliqué au bras-de-fer qui oppose aujourd’hui Google aux patrons de presse français, cette longue tirade n’a pas pris une ride. Les questions restent les mêmes. Comment juguler, en effet, l’offensive d’un rouleau compresseur qui tient entre ses mains l’avenir d’une industrie à l’agonie? Comment faire plier un géant décidé à passer en force et à ne lâcher que des miettes à des journaux qui exigent, légitimement, d’être rémunérés en vertu de l’utilisation de leurs contenus publiés sur le portail d’un Google omnipotent? Lequel en tire des recettes publicitaires en pleine expansion?
Pot de fer contre pot de terre
Car même la presse semble divisée sur la question d’une taxation de Google, explique l’AFP. « Les médias traditionnels y sont favorables, estimant que leurs articles contribuent à drainer du trafic vers le géant du net, quand les « pure players » sont contre, craignant une dépendance économique. Voici leurs différents arguments:
LES ARGUMENTS DES « ANCIENS »
En France, la charge pro-taxe est menée par les éditeurs de quotidiens et de magazines d’information politique et générale, regroupés au sein de l’association de la presse IPG. Ils reprochent aux moteurs de recherche de réaliser d’importants profits publicitaires en se contentant simplement de référencer leurs titres.
L’association de presse IPG déplore « un déséquilibre entre la capacité en bout de chaîne des sites d’information de monétiser le trafic renvoyé par les moteurs, et la monétisation que les mêmes moteurs peuvent en faire ».
La présidente de l’Association de la presse d’information politique et générale, Nathalie Collin, estime que « chaque visiteur rapporte entre 40 et 50 euros par an à Google », et ce « grâce aux contenus des journaux, rafraîchis en permanence ».
Elle est soutenue par les éditeurs italiens et allemands. Réunis le 24 octobre à Rome, les éditeurs de presse de ces trois pays ont relevé qu’ils subissaient « de plein fouet la crise économique », alors qu’ils remplissaient « avec succès leur fonction d’intérêt général essentielle à la vitalité démocratique ». Ils ont également déploré « une captation de la valeur de leurs contenus numériques par les seuls acteurs technologiques, qui rend impossible l’équation du modèle économique pour leurs activités en ligne ».
LES ARGUMENTS DES « MODERNES »
Les sites d’information, représentés par le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil), ne sont pas favorables à une « taxe Google ».
Leur syndicat, qui déplore ne pas avoir été contacté par les éditeurs de presse dans leur initiative d’une taxe Google, regroupe des sites comme Atlantico, rue89, Mediapart ou Slate. « La presse est déjà totalement dépendante de Google au niveau de l’audience, si à cela on ajoute une dépendance économique, Google pourra décider de tout », explique Maurice Botbol, président du Spiil.
Dans une initiative indépendante du Spiil, le site de Jol Presse Editions a adressé lundi une lettre ouverte au gouvernement, l’invitant à ne pas accéder à la demande du « lobby des éditeurs de presse, représenté majoritairement par de grands groupes ». « Il est facile de désigner un bouc émissaire pour tenter de régler les problèmes de trésorerie et de chercher des sources financières alternatives », écrit ce site. « Google est un rapporteur d’affaires pour la presse, qui permet d’augmenter le trafic de ses sites », a expliqué lundi à l’AFP Olivia Phélip, sa directrice générale et directrice de la rédaction.
Plutôt qu’une taxe, le Spiil suggère que l’Etat fasse payer à Google des impôts sur ses bénéfices. Google échappe à la fiscalité de droit commun grâce aux niches fiscales européennes, notamment en Irlande et au Luxembourg ».
On le voit : c’est en ordre dispersé que gouvernements et professionnels européens de la presse écrite abordent cette question pourtant vitale pour l’avenir de nos journaux. Quand, dans le camp d’en face, les dirigeants de Google semblent somptueusement ignorer ce débat.
Il y a de quoi s’inquiéter.
0
octobre 31, 2012
Je rigole de ce pamphlet, comme de tout les autres, qui entretiennent volontairement (ou de façon amateur? ) la méprise pour justifier une industrie de rente à la française, qui voudrait aller chercher l’argent « là ou il est » (c’est Google, et ça aurait pu être n’importe quel entreprise riche du secteur).
Alors, stupidité? Jalousie? Méconnaissance? Tout à la fois? Surement et malhonnêteté intellectuelle aussi, pour cette presse qui essaye d’expliquer au pauvre français comment combattre le Satan américain !! Vade rétro Google !!
Je rappelle, à effet de désintoxication, certains faits :
-Internet est un réseau, le réseau support en l’occurrence. La partie visible d’internet et le WWW (World Wide Web), inventé par le CERN! Il ne s’agit ni plus ni moins qu’un système de lien (les fameux hypertexte) permettant de mettre en relation deux document entre eux!
-Depuis, ce WWW est devenu plus riche, et on a vu apparaître d’autre forme de ressource sur internet. Il s’est surtout « complexifié » ! La masse des informations a rapidement enflé exponentiellement, à tel point qu’il devient impossible de trouver quelque chose sans les outils adapté (a part si on connait l’adresse !)
-Dans ce contexte, est sortie Google, un outil permettant d’indexer toute ces ressources, et permettre à l’internaute de trouver ce qu’il veut ! Le Page Blanche/Page Jaune d’internet
-Google s’est rapidement diversifié sur le type de recherche, et est devenu aussi hébergeur de vidéo (mais là c’est une autre histoire). Dans le cas qui nous concerner, il s’est mis à trier les informations d’actualité pour permettre à l’internaute de trouver des journaux qui traitaient d’un sujet particulier !
-Google se rémunère sur la pub, car en sa qualité d’acteur OTT (Over The Top), il a une plus grande visibilité et une plus grande connaissance des internautes.
-Comment?? Google gagne de l’argent sur la publicité? Bigre alors, se disent les journaux! c’est de l’argent en moins pour nous ! Après tout, on produit du contenu, mais on ne se rémunère pas dessus, ce serait trop facile ! Notre métier rêvé, c’est annonceur publicitaire ! (et on parle vraiment d’exception culturelle? )
-Du coup, attaquons google, après tout, il nous pille en mettant des liens hypertexte qui pointe vers notre site. Mais, attendez, ce n’est pas le principe d’internet, que de pouvoir « lier » des sites entre eux? Et un lien n’est il pas juste une redirection? Ah ok, donc Google ne dispose pas des contenus de ces journalistes, renvoi, comme le ferait n’importe quel index, vers le journal voulu, mais c’est un grand méchant, car il est riche (on note évidement dans mon propos la simplification derrière le discours, avec l’argumentaire digne des enfants de CE2 que font nos élites intellectuelles !).
-Mais au fait, Google ne nous rend il pas un service? Ah oui, on pourrait donc se désindexer et ne rien demander, se débrouiller par nous même, mais non, nous on veut pas se bouger le cul, profiter des services de google et d’une rente en plus !! Ben voyons !! Alors plutôt que de se désindexer pour empêcher le vilain google de nous hyper-piller nos contenue, comme l’a fait la presse brésilienne, on va demander à l’état français de légiférer dessus !! Si google refuse de nous payer, on essaiera de faire passer l’abus de position dominante, et de toute façon, ça prouvera aux yeux des français que c’est rien que des méchant!
Alors, je suggère, dans le même état d’esprit :
-Que tout le monde figurant dans les pages jaunes demandent à légiférer pour que les pages jaunes leur paye un due !! Non mais…
-Que JC-Decaux fasse un procès à nos cher journaux. Après tout, si on suit leur logique, le marché de publicité d’affichage est trusté par les pages de journaux, c’est de l’argent en moins pour l’affichage sur panneaux !! Et c’est grâce au abris bus de JC Decaux que les lecteurs peuvent allez acheter leur journal !!
-Que les commerçant fassent payer l’état français pour, oula, quelle honte, amener des visiteurs, grâce au route, devant leur restaurant !! Après tout, ils en ont de l’argent, notre état !
-On peut même affiner cette dernière remarque, au fait que les parc d’attraction devrait demander aux entreprise gérant les autoroutes , un prix pour chaque visiteur amené !! Les autoroutes pillent le contenue des parcs !! Vilain !!
Sinon, en moins stupide , plusieurs propositions à nos chers « élites » :
-Le contenu ne peut vivre de la publicité sur internet ! Enfin, pas professionnellement ! Les annonceurs privilégie toujours la plus grande visibilité (simple logique)! Sur internet, ce ne sont plus les pages de contenue, mais les pages des moteur de recherches ou autre service Over The Top !
-Puisque ce modèle n’est pas le bon, changez en !! Vous trouvez que votre contenue vaut un certain prix? vendez le !
-Vous voulez persistez dans la pub? Désindexez vous de Google et devenez acteur OTT en créant un service de recherche d’informations typiquement français! Après, le métier de régie publicitaire est bien différent de celui de journaliste, et vous le faite déjà en version papier !!
Alors pourquoi ne pas tenter ces chose là? C’est simple! Derrière les grands mots, il y a la résistance au changement de paradigme : le lecteur , sur internet, ne se contente pas d’un sujet intéressant pour lire les autres sujets du même journal, mais vont chercher ailleurs ! Et ça, ça fait peur à nos journalistes !!