C’est le procès d’un homme peu commun qui s’ouvre aujourd’hui à Paris. Journaliste et paparazzi dans un lointain passé, confident et familier de personnalités aussi diverses que Françoise Sagan, Johnny Hallyday ou encore Jean-Paul Belmondo, lobbyiste, homme d’affaires aux multiples casquettes et à l’entregent impressionnant, et pour finir, compagnon de route et source intarissable d’informations pour un chapelet de journalistes-amis, (de Guillaume Durand à Pierre Lescure), tous tombés sous le charme de ce funambule hors pair, Marc Francelet est un personnage de roman.
C’est ainsi l’histoire d’un personnage haut en couleur, d’un ancien journaliste aux états de service ronflants et d’un conteur hors pair, auteur d’un livre-confession d’Ariel Sharon, jamais publié, qui dort dans le coffre de son éditeur : l’un des nombreux volets de la vie d’un homme dont le carnet d’adresse molletonné ressemble à une imbrication de poupées russes.
« Un sacré loustic », en effet, comme l’écrit ce matin Libération, à qui Le Monde et Le Nouvel Observateur ont récemment consacré plusieurs pages d’un long portrait dessiné à l’eau forte. Carambouilles, escroquerie, faux…Une dizaine de ses amis, hommes d’affaires fortunés pour la plupart, sont également cités à comparaître, pour avoir émis entre 2003 et 2006 au bénéfice de Francelet des chèques tirés sur les comptes de leurs sociétés, faits relevant selon l’accusation d’abus de biens sociaux ou abus de confiance. Ces gens auraient contribué à hauteur d’environ 2 millions d’euros au financement de la vie privée et des goûts de luxe de Marc Francelet, en retour de conseils, lobbying, articles complaisants et mises en relation, le tout n’étant pas clairement défini. Voilà pour le dossier.
Or la justice a sorti l’artillerie lourde pour tenter de coincer celui autour duquel tournent en vain depuis plus de 3 ans une poignée d’enquêteurs encalminés et à bout de souffle.
Mis en examen dans l’affaire pétrole contre nourriture, l’intéressé, qui a été placé sur écoutes début 2007, s’est retrouvé un jour dans les locaux de la Brigade financière, après que le juge Philippe Courroye l’ait pris dans sa ligne de mire. Bien qu’au fait de sa puissance, ce magistrat, longtemps bras armé de Nicolas Sarkozy dans la magistrature, qui enverra Marc Francelet 3 mois sous les verrous, ne parviendra pas à faire plier celui qui affiche une profonde sérénité face à un dossier d’accusation particulièrement vide.
Ironie de l’histoire : honni et banni par ses pairs, tombé en disgrâce, car convaincu de manipulations diverses et grossières, son procureur de l’époque, l’intriguant Philippe Courroye, aujourd’hui en chute libre, est en passe d’être rayé de la carte judiciaire !
Ce ne sont pourtant pas des manches les enquêteurs qui se jettent aux trousses de celui à la table duquel défilent depuis plus de 30 ans tout ce que la planète « politico-médiatico-jet-setteuse» compte de figures ! Les limiers, diligentés par Philippe Courroye, justement, auront beau tisonner Francelet durant des années, auditionner une liste impressionnante de ses familiers, ausculter ses comptes et faire pressions sur ses proches, c’est un dossier désespérément vide que la justice a aujourd’hui sous les yeux. Alors pourquoi ce ramdam ? Pourquoi ces projecteurs braqués sur cet homme aux mille vies et au parcours pittoresque ? Pourquoi cette obstination à vouloir faire « plonger » celui qui sortit un jour du fossé Johnny Hallyday, quand l’icône est à deux doigts de s’enliser dans une sombre affaire de viol sauvage, prétendument perpétré sur un yacht, laquelle affaire sera sanctionnée d’un non-lieu, en 2006?
Est-ce parce que ce personnage au franc-parler légendaire n’a jamais mâché ses mots publiquement, traitant au téléphone et dans les diners en ville Philippe Courroye de « sombre enculé » et Nicolas Sarkozy de « corrompu» ? L’homme, qui n’a rien d’un fantaisiste, dispose de fait d’éléments qui finiront par inquiéter, jusqu’au Château. N’a-t-il pas évoqué le plus sérieusement du monde, une opération de corruption impliquant un ami de Nicolas Sarkozy, Alain Carignon, et l’ancien patron de la Lyonnaise des Eaux, Jérôme Monod? Pour l’Elysée, à l’époque, de la Nitroglycérine…Longtemps qualifié d’affabulateur et d’illuminé, Marc Francelet mènera ainsi, des années durant, un combat inégal avec le juge Courroye, l’accusant notamment d’agir sur les instructions de l’ancien locataire de l’Elysée. Pot de fer contre pot de terre.
Silencieuse, la presse prendra avec des pincettes les confidences à l’emporte-pièce de l’ex-reporter de Match, avant de l’écouter plus attentivement, quand Courroye plonge à son tour, blacklisté par ses pairs et exfiltré de la magistrature.Quant aux journalistes en charge de ces questions dans les rédactions, ils ont longtemps mangé dans la main d’un magistrat qui les nourrissait d’informations et qui avait alors l’oreille de Nicolas Sarkozy. Et plus encore…
Soyons honnête jusqu’au bout : je connais Marc Francelet de longue date : je figure ainsi dans son cercle d’amis, au nombre de quelques autres nombreux confrères. Au point d’avoir été entendu par les enquêteurs, quand la chasse a démarré : un souvenir peu agréable, compte tenu du caractère inquisitorial d’un interrogatoire qui visait à accabler l’intéressé. Et j’ai donc appris à connaitre, à jauger, au fil des ans cet homme aux amitiés fidèles, aux enthousiasmes revigorants et à l’entregent spectaculaire. Lequel, entre les deux tours de l’élection présidentielle, déjeunait dans un restaurant en compagnie, notamment, de Guillaume Durand et de l’ex commandant Prouteau, gendarme de Mitterrand. Avant que François Hollande ne déboule dans l’établissement et ne vienne le saluer, avec chaleur…
Attachant, prolixe, doté d’une acuité et d’un sens du métier rares, Marc Francelet traverse la vie en dehors des chemins balisés et aux confluents d’horizons divers: toujours en lisière, jamais en ligne droite. C’est ce qui fait sans doute le charme de ces personnages habitués aux chemins de traverse, sans qui la presse serait un univers bien aseptisé et nos journaux, des copiés-collés de dépêches. Tout à la fois mondain, baroudeur, homme de l’ombre et bateleur, cette masse de jovialité et d’énergie mérite ainsi le détour. Marc Francelet est une espèce journalistique en voie de disparition qu’il convient de défendre bec et ongle.
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octobre 15, 2012
Inutile de préciser « Soyons honnête jusqu’au bout », cela va évidemment de soi
octobre 15, 2012
Vous écrivez : « Marc Francelet est une espèce journalistique en voie de disparition qu’il convient de défendre bec et ongle. »
Hum…. Pas si sûr…
octobre 15, 2012
En gros, ce que vous pourfendriez chez tout autre, vous êtes près à l’admettre de Francelet, parce que c’est votre pote ! On dirait Baupin défendant sa copine Lamblin, après avoir des années joué les chevaliers blancs contre les « autres », tous pourris…