«Une nomination très gauche », titre ce matin Libération. Bien vu! La désignation d’Olivier Schrameck à la présidence du CSA fait depuis ce matin l’objet de nombreuses interrogations dans la presse. Non pas que l’homme, enrubané d’éloges, ait une mauvaise réputation ou un cursus médiocre, -c’est tout le contraire-, mais ses antécédents, comme les conditions de son installation, laissent un goût amer. Compagnon de route de Lionel Jospin, dont il dirigea le cabinet à Matignon et fidèle de François Hollande, dont il est l’un des thuriféraires, Olivier Schrameck s’inscrit dans une longue tradition qui veut que l’on installe depuis bientôt maintenant 30 ans à la tête de la Haute-Autorité et de la CNCL, hier, et du CSA aujourd’hui, des intimes du pouvoir en place. C’est ainsi.
La déception est d’autant plus grande avec François Hollande que chacun se remémore les propos au vitriol qu’il tint quand Jacques Chirac installa à ce poste l’ancien directeur de cabinet de Jean-Pierre Raffarin, Michel Boyon. Et les porte-voix du chef de l’Etat, à commencer par Najat Vallaud-Belkacem, ont beau s’époumoner, l’installation à ce poste d’un hiérarque socialiste est regrettable. Voilà 30 ans en effet que la gauche nous bassine avec ce fameux « cordon ombilical », reliant la politique aux médias, ce nœud qu’il était si urgent de trancher. Les propos de Hollande promettant un état irréprochable, enfin déconnecté de la sphère médiatique, n’auront pas résisté longtemps: chassez le politique et il revient au galop.
François Mitterrand, en 1982, donna le ton en installant à la tête de la Haute-Autorité une fidèle, en la personne de Michèle Cotta. Si celle-ci ne s’en laissa pas compter, elle entretint avec le locataire de l’Elysée des relations ténues. Hervé Bourges, autre proche de l’ancien président disparu, fut parachuté à la tête du CSA avec le même parrainage. Et l’une comme l’autre veillèrent scrupuleusement à entretenir les meilleures relations du monde avec celui qui veilla particulièrement au grain.
La droite, avec Jacques Chirac, qui balaya la Haute-Autorité pour la remplacer par la CNCL, ne fit pas dans la dentelle. Nommé en 1986, Gabriel de Broglie, en fit un instrument politique mis à la disposition du RPR. C’est sous sa présidence que Francis Bouygues hérita de TF1, après que l’affaire se soit nouée dans le bureau de Jacques Chirac, à Matignon. Une majorité chassant l’autre, le PS repris la bride en 1989 et François Mitterrand, la main en nommant Jacques Boutet, un ancien PDG de TF1 aux ordres, désigné par la gauche en 1981, où il fit un ménage sérieux dans les étages de la rédaction, remplissant les placards avec un certain zèle.
Modernisant l’institution, Hervé Bourges lui succèdera, non sans talents, avant que Jacques Chirac, une fois installé à l’Elysée n’y place Dominique Baudis. Cet ancien journaliste, discret et attentif, souffla à Chirac l’idée de la TNT: un instrument politique dont le locataire de l’Elysée s’empara aussitôt.
Dominique Baudis cèdera son siège à Michel Boyon, lequel laisse derrière lui un bilan solide, avec notamment un paysage télé boosté par la TNT. Petit rappel: bien que venu de la politique, Michel Boyon fut aussi PDG de Radio-France.
Que fera Olivier Schrameck de cette institution qu’il découvre, comme de ce secteur qu’il ne connait pas? L’avenir le dira. Une chose est sûre : A l’heure où le sort du PDG de France Télévisions, Rémy Pflimlin, est dans toutes les têtes, ce n’est pas dans les huis-clos du CSA que se réglera cette affaire. Mais bien dans le bureau de François Hollande où le nouveau président du CSA ira débattre de la question. En tête à tête. Un rituel.
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