La nouvelle, qui aurait du faire deux lignes dans un communiqué, a déclenché une secousse tellurique dans le landerneau : prêcheur d’une paroisse cathodique dont il est le vicaire indiscuté depuis près de 40 ans, Alain Duhamel décidait, en fin de semaine dernière, d’abandonner son billet matinal sur RTL : Délaissant la grand messe pour les vêpres, il choisit d’aller trouver refuge auprès du comptoir de Marc Olivier Fogiel, là où une brochette de journalistes et de personnalités refont chaque soir le monde.
Ce jet de l’éponge, Alain Duhamel le motiva sur les antennes en exprimant, notamment, toute sa déception à l’égard d’une classe politique souvent disqualifiée, indigne de figurer dans un bas-relief où voisinent Mendes France, De Gaulle, Giscard, Delors ou encore Pompidou, Malraux…Quand ce ne sont pas figures telles que Raymond Aron ou Hubert Beuve-Méry, autant d’hommes que l’éditorialiste de RTL côtoya de près. Cet amoureux de la politique, dans ce qu’elle a de plus statutaire et sacerdotale, affichait donc une forme de dépit face au spectacle affligeant des affaires, (DSK et autres Cahuzac…), qui abîment l’image d’un personnel politique habité par les ambitions personnelles, une sphère dont les principaux tribuns sont aujourd’hui de pacotille, et ses figures tutélaires, supposées, de pâles copies en carton-pâte.
Il suffit de passer un peu de temps à converser avec Alain Duhamel, -ce que je fis lors de l’écriture d’un livre de conversation entre ce dernier et son frère, Patrice, Cartes sur table-, pour toucher du doigt cette passion qui l’habita plusieurs décennies durant et qui semble s’être émoussée, effilochée, avec la paupérisation intellectuelle d’une génération déclinante d’hommes et de femmes politiques à des années lumière de leurs illustres aînés.
De fait, Alain Duhamel ressemble aux français. Bien qu’appartenant à une caste très fermée d’éditorialistes installés sur leur Aventin, ayant leur rond de serviette à la table du Gotha, il a des hommes politiques une opinion intransigeante. Et le voir prendre ainsi du recul, de la distance, avec un personnel politique dans lequel il ne se retrouve plus, a quelque chose d’inquiétant. Imaginez un pape, affolé par l’état des mœurs de la Curie romaine, qui renoncerait à sa tache et rendrait chape et toge! Le patron de Lehman Brothers, pris d’une soudaine prise de conscience face aux méfaits du monde de la finance, rendre ses stocks options et jeter l’éponge! Ou encore, un lauréat du Goncourt renoncer à son Prix, après qu’il ait découvert le dessous des cartes, biseautées, des délibérations d’un jury traversé de « combinazione »!
Tout comme elle désespère les français, la politique ne fait plus vraiment rêver Alain Duhamel. Même l’Elysée a perdu de sa magie. Emmené par un huissier enrubanné, on y pénétrait autrefois avec ostentation, irradié, fasciné par la majesté du lieu et de son locataire : Aujourd’hui, on se prend à fouler le gravier de la Cour d’honneur comme l’on traverserait un bac à sable. Avant de pénétrer au cœur de ses entrailles comme dans la première administration venue. L’épicentre du pouvoir en France a perdu de son lustre.
Et « tonton » Duhamel, qui semble avoir cessé d’y croire, ne sait plus comment nous commenter l’Histoire de notre beau pays.
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