On apprend seulement aujourd’hui la disparition de Willy Stricker. Ce nom dira peu de choses aux plus jeunes, mais cet homme dirigea le groupe Express, en 1987. Ceux qui l’ont connu garderont le souvenir d’un patron de presse peu commun.
Car Willy Stricker fut pour cet hebdomadaire un formidable bouclier. Chaleureux, attachant et d’une grande indépendance d’esprit, cet homme solide, au franc-parler réjouissant, protégea cette rédaction de bien d’intempéries, politiques et autres. Un rôle d’autant plus inconfortable parfois, qu’il eut à gérer les humeurs d’actionnaires particulièrement regardants, qui plus est proche du RPR, à l’époque. Puisque c’était la Générale des Eaux de Guy de Jouanny et d’Ambroise Roux qui tenait alors ce titre bride serrée.
Stricker n’en dit jamais rien. Chaloupant dans les couloirs du journal cigare au bec, il adorait la fréquentation des journalistes, les protégeant de sa carcasse imposante et d’un flegme très british. Jamais on le vit intervenir pour brider l’un d’entre nous. Seule une moue amusée trahissait chez lui un semblant de crispation.
Et tout s’arrêtait là. On ne peut rêver meilleur patron de journal. Et meilleur compagnon, également, à l’heure où tombant la veste ce seigneur à la gouaille réjouissante alimentait les conversations d’un café du commerce de belle facture : au cœur du monde des affaires, Willy Stricker disposait en effet d’un entregent imposant, d’un réseau de relations influentes qu’il mettait souvent à la disposition des journalistes de cette maison. Tous ceux qui l’ont côtoyé ont ainsi en mémoire ces goupillons qu’ils lâchaient au détours d’une phrase, avant de tourner les talons le sourire en accroche-coeur, trop heureux de son effet.
L’homme s’en est allé de la même manière. Sur la pointe des pieds.
mai 21, 2014
Je garderai un exceller souvenir de Willy : charmant, attachant, rigoureux, bon vivant et sachant garder les pieds sur terre.