Les conditions de l’interview de Nicolas Sarkozy par Laurent Delahousse ne cessent de faire des vagues. Réuni en plénière ce matin, le CSA a examiné la requête du député de la 3e circonscription de Seine-et-Marne et ex-président par intérim de l’UDI, Yve Jego, qui s’est agacé de la durée de l’entretien, indiquant dans la foulée qu’il avait saisi le président du CSA « pour demander l’équité pour l’UDI ». Le CSA dans son courrier, adressé ce jour à ce dernier, indique qu »en raison du caractère exceptionnel de l’émission considérée, le Conseil entend signaler au président de FranceTélévisions qu’il lui incombe de veiller avec une particulière attention au respect par la chaine des équilibres dans les temps d’expression et les modes d’exposition des divers courants politiques, en prenant compte les personnalités qui aspirent à les représenter« .
Reste le fond de cette affaire.
Plus de 40 minutes d’une interview sanctuarisée, une arrivée dans les studios de France Télévisions devant un parterre de cadres en révérence, un PDG en maitre de cérémonie, ou liftier, c’est selon, Rémy Pflimlin : tout avait été réuni pour que le retour au premier plan de l’ancien chef de l’Etat prenne une résonnance toute particulière.
La démarche d’Yves Jego est d’autant plus recevable que le déploiement d’attentions et de moyens pour le battu de la dernière présidentielle fut proprement démesuré. On passera sur la tonalité des questions de Laurent Delahousse, qui n’était pas dans son meilleur jour. On oubliera la prestation médiocre d’un responsable politique qui n’aura pas attendu trois minutes pour que son armure se fende. Pour que l’on retrouve le sarko hachant en bas morceaux du journaliste. On pardonnera aux communicants de « l’ex » de l’avoir laissé porter une veste déstructurée, qui semblait sortir d’un surplus. Et à la maquilleuse, ce teint d’ivoire blanc cassé par les veilles ou la tension.
France Télévisions avait donc bien fait les choses : Nicolas Sarkozy était son hôte d’honneur. On l’attendait. On avait dressé un imaginaire trépied sur lequel on ne doutait pas qu’il grimperait pour vaticiner à nos oreilles éblouies. Et qui, pour ne rien rater de ses prophéties, s’ouvriraient comme des pavillons : 45 minutes pour tout savoir.
On s’étonne d’abord que cette interview n’ait pas été réalisée au cœur même du JT de 20 heures. Et qu’il ait fallu faire appel à Marie Drucker, supplétive d’un soir, pour que le choc tant attendu Delahousse-Sarkozy se déroule en aparté. Pourquoi ce traitement de faveur ? D’anciens Présidents de la République, tels VGE ou Jacques Chirac, ont-ils bénéficié d’un tel déploiement d’attentions quand ils eurent quitté l’Elysée ? Je ne crois pas. Trainait-il dans le subconscient des responsables de France Télés l’idée d’un retour programmé de « Sarko » en 2017 ? Et si oui, y avait-il chez eux l’impérieuse obligation de ne pas injurier l’avenir?
Tout cela n’est pas très clair et pose problème. On ne déroule pas de la sorte le tapis rouge à un homme que le suffrage universel a rejeté. Une chaine de télévision, qui plus est de service public, n’a pas à faire la courte échelle à un dirigeant politique en quête d’exonération. Elle ne peut se faire la complice d’une entreprise de communication montée de toute pièce par un homme qui avait décidé de la date de son intervention. Qui avait fait le choix de la chaine où il s’exprimerait. Et du présentateur qui l’interrogerait.
Quand vous avez contrôlé une cage d’ascenseur, vous avez droit à des retours : Est-ce le raisonnement qu’a tenu Nicolas Sarkozy, qui installa Rémy Pflimlin à la tête de France Télévisions? Si l’on ne fera pas cette injure au PDG de France Télés, il va sans dire que l’ ancien locataire de l’Elysée disposait de quelques agios au sein de cette grande maison. Reste ainsi le désagréable sentiment d’une mascarade médiatico-politique qui aurait pu être évitée si la raison l’avait emporté sur l’émotion. Si Nicolas Sarkozy avait été traité à sa juste et simple valeur, sans traitement de faveur: celle d’un politique que 51,63% du corps électoral a renvoyé dans ses foyers en 2012.
septembre 24, 2014
Dans votre article (je passe sur votre analyse subjective sur le « Sarko-show » avec laquelle on est d’accord ou pas), vous laissez penser que le CSA a donné raison à Yves Jego. Une lecture complète de la lettre du CSA adressée à M. Jego montre au contraire que ce dernier n’a pas eu gain de cause et que les temps de parole sur France 2 sont équilibrés pour l’heure.