Inquiets de la dégradation de leur maison après 21 jours de grève, les huit directeurs d’antennes de Radio France se sont associés autour d’un texte publié ci-dessous. Tous exhortent l’Etat à prendre ses responsabilités dans un conflit dont plus personne n’entrevoit l’issue. Face à cette situation de blocage, le CSA souhaite la nomination d’un médiateur, alors que les syndicats exigent toujours le départ du PDG, Mathieu Gallet.
Pour la première fois de son histoire, du moins à cette échelle et avec cette intensité, Radio France se trouve face à son destin. Nous sommes tous mobilisés.
Pour restaurer une situation financière dont la gravité nous a tous frappés, pour retrouver le chemin de la confiance réciproque et d’un dialogue constructif entre tous, mais d’abord pour affirmer, comme nous le faisons aujourd’hui, nous directrices et directeurs des sept chaînes et du numérique de notre groupe, les valeurs inaliénables du service public de l’audiovisuel. Celles pour lesquelles, comme les 4600 collaborateurs du groupe, nous sommes fiers d’œuvrer et de nous battre aujourd’hui, pied à pied, pour la réussite d’un véritable projet stratégique pour les années à venir.
Cette vision met l’Etat, unique actionnaire, face à ses responsabilités. Celle, notamment, de nous permettre d’achever une réhabilitation dont la dérive des coûts est choquante et dont les prochaines étapes doivent être au service de nos métiers et de nos publics. Celle de nous assurer des moyens suffisants, ce qui ne nous dédouane évidemment pas de chercher, dans le respect de nos missions, des ressources complémentaires.
Nos exigences sont connues et nous nous portons, comme vous tous, garants de leur accomplissement. En maintenant la gamme de nos antennes, la qualité et la diversité de la production radiophonique et musicale, qu’il s’agisse d’information, de divertissement, de création ou de programmes, en réaffirmant le primat de l’offre contre le diktat de la demande, Radio France restera fidèle à une grande histoire qui lui vaut, quotidiennement, l’attachement de ses 14 millions d’auditeurs.
Pour autant, ne nous versons pas de cendre sur la tête. N’attisons pas non plus le feu de la colère pour la colère. Evitons stigmatisations et simplifications.
Car beaucoup de choses ont été dites ces derniers mois et semaines. Toutes les hypothèses ont été mises sur la table. Jamais le diagnostic n’a été aussi clair, y compris dans son partage auprès de tous les salariés dont l’expression forte montre, à tous les niveaux, l’implication.
Beaucoup de choses ont été également faites en peu de temps. Les antennes ont repensé leurs grilles à l’été 2014 et rencontré de nombreux nouveaux auditeurs. Elles l’ont fait en s’appuyant sur des fondamentaux comme en prenant des risques, découvrant des talents, proposant des rendez-vous. Les quatre formations musicales sont revenues à la maison cet automne et y resteront, c’est un acquis de la récente négociation : la maison des artistes, du spectacle vivant, de la culture, de la fiction et de la création, un lieu ouvert à tous, à tous les publics, y compris dans une dimension éducative affirmée.
De nombreux défis nous attendent maintenant, déclinés dans le plan stratégique de Radio France et, chaîne par chaine, comme collectivement, nous sommes prêts à les relever. L’accès de nos programmes à des publics plus jeunes et moins socialement favorisés en est un. Un maillage territorial plus serré qui passe, entre autres, par la réallocation interne des fréquences. Une information toujours plus de référence et de proximité. L’ouverture de la politique musicale à tous les publics, y compris avec les musiques actuelles. L’évolution des modes de production, à l’ère numérique, est déjà et sera notre préoccupation constante. Quant au numérique justement, nul n’ignore, à Radio France, comment il a permis à nos chaînes de rayonner hors de nos frontières traditionnelles, y compris sur le terrain francophone. L’heure est bien venue d’enrichir notre offre d’antenne par des webradios et de nous doter d’une démarche active d’innovation au service des usages du public et d’assurer la démultiplication de l’offre de contenus.
De tous ces sujets, nous souhaitions ardemment pouvoir discuter aujourd’hui avec les élus du CCE.
Radio France, nous l’avons tous au cœur. Cette Maison Ronde et ses relais régionaux, c’est la maison des arts et des métiers. Ceux des artisans du son, techniciens, chargés de réalisation, réalisateurs de fictions, journalistes, assistants, producteurs et collaborateurs spécialisés, animateurs, documentaristes, attachés de production, comédiens, musiciens, personnels administratifs, d’établissement… Ces métiers sont bien la ressource de Radio France. Si un plan de départ volontaire venait à être mis en place, nous veillerons à ce qu’il respecte la diversité de ces métiers et que dans chaque service il puisse être équitablement et durablement supporté. Car que nous soyons dans le réseau des 44 stations locales de France Bleu ou au sein de la Maison de la Radio, nous habitons tous la même radio.
A Radio France, nous sommes évidemment au cœur de la société, au cœur des nouvelles du monde. Nous n’ignorons rien de la dégradation des comptes publics, rien de l’environnement du paysage culturel et radiophonique hors de nos frontières. Plutôt que de voir notre groupe s’enfoncer dans la crise, dans l’affrontement ou se replier sur son passé, nous sommes mobilisés dans le processus d’évolution et de modernisation de l’entreprise. Vigilants et éclairés dès lors que la transformation est transparente et honnête. Fiers de notre histoire, porteurs des valeurs du service public, épris de dialogue social, conscients de nos responsabilités envers nos équipes mais aussi de nos auditeurs. Ne les oublions pas, ils sont au cœur de notre mission.
Laurence Bloch, directrice de France Inter
Claude Esclatine, directeur du réseau France Bleu
Laurent Frisch, directeur des nouveaux médias
Laurent Guimier, directeur de France Info
Bruno Laforestrie, directeur de Mouv’
Olivier Poivre d’Arvor, directeur de France Culture
Anne Sérode, directrice de FIP
Marie-Pierre de Surville, directrice de France Musique
juin 1, 2015
Une bonne chose