Le Monde et quelques 106 rédactions dans 76 pays à travers le globe, sous la houlette du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), sorte de FBI médiatique, ont eu accès à une masse d’informations inédites: 11,5 millions de fichiers, qui prennent l’aspect d’une bombe à fragmentation jetée au beau milieu d’un establishment planétaire débusqué dans ses paradis fiscaux offshore. Cette masse impressionnante de fichiers provient des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias. Baptisée « Panama papers » cette constellation de publications constitue une force de frappe qui rappelle l’opération SwissLeaks ou Swiss Leaks, le nom donné à la révélation par plusieurs médias dans le monde, en février 2015, d’un système international de et de blanchiment d’argent qui aurait été mis en place par la banque britannique HSBC, terme forgé sur le modèle de WikiLeaks puis de Luxleaks.
Outre des milliers d’anonymes, de nombreux chefs d’Etat, des célébrités ou des personnalités (telle que Michel Platini) on trouve dans cette liste douze chefs d’Etat et de gouvernement, dont six en activité, ainsi que 61 personnalités proches de ces dirigeants mondiaux. A l’image de Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi du Maroc Mohammed VI, Sergueï Roldouquine, ami intime de Vladimir Poutine, ou encore Rami Makhlouf, cousin de Bachar Al-Assad.
Orchestrées par une fédération de journaux liés par des clauses de confidentialité drastiques, ces traques planétaires, menées pour l’occasion par quelques 350 journalistes tenus au secret, pnt quelque chose de revigorant et de jubilatoire: elles redonnent des lettres de noblesse à une presse écrite laminée par Internet, que l’on s’échine à dépeindre comme moribonde. Elles sont un formidable pied de nez ou bras d’honneur aux institutions de la finance mondiale, ces sanctuaires jusqu’ici inviolables où règne l’opacité. La mise à nue par une poignée d’enquêteurs indépendants d’un système de triche et de blanchiment à l’échelle du globe, au nez et à la barbe des cathédrales du milieu bancaire mondial, est également un camouflet pour nos dirigeants politiques : un exécutif peu enclin à nettoyer les écuries d’Augias d’un système bancaire surprotégé. Il aura fallu l’enquête SwissLeaks pour que la cathédrale HSBC vacille sur son socle, alors que l’ensemble de la finance mondiale connaissait depuis des lustres les ficelles et les pratiques délictueuses de cette machine à laver du dollar, de l’euro ou du peso. Et pour que la Suisse déverrouille un système bancaire cadenassé.
Sans la presse et ses révélations, jamais les établissements bancaires de ce pays n’auraient posé un genou à terre. Salvatrices, ces investigations ébranlent des citadelles que l’on pensait jusqu’ici inébranlables. Elles pointent du doigt l’incurie de nos démocraties qui couvrent depuis des décennies un système connu comme le loup blanc. Voici venu le règne de l’investigation mondialisée, le sacre du journalisme globalisé et sans frontières.
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avril 4, 2016
Bravo à ces 350 journalistes qui méritent de figurer sur la liste « secrète » des candidats au Prix Nobel de la Paix de 2016.
avril 4, 2016
Et pourquoi ne pas avoir cité Patrick Drahi (PDG de Numericable-SFR) ?
avril 7, 2016
Chapeau aux Journaliste mais cette affaire sera vite oubliée en sachant q’une partie des méthodes utilisées est tout à fait légal. Pour les cas plus graves, j’espère que nos hommes politiques auront l’envie et le courage de faire changer les choses.
On sous-estime réellement le problème en sachant que tous les dossiers trouvés par les journaliste ne concerne qu’un seul cabinet panaméen.