En décidant de garder Les Visiteurs 3 sous le boisseau avant sa sortie en salles, de ne montrer aucune copie de ce film à la critique cinéma, la Gaumont s’est mis à dos une bonne partie de cette même critique. Par peur de voir son film se faire étriller et qu’un mauvais « buzz » éloigne les français des salles obscures, le producteur a donc décidé de tenir en lisière la petite cinquantaine de snipers prêts pour la plupart à vitrifier un long métrage « populaire » dont le succès est néanmoins assuré. En témoigne d’ailleurs les excellents scores d’audiences réalisés par la énième diffusion du premier volet des Visiteurs sur TF1 en début de semaine, dont chaque Français connait au moins une réplique. Long métrage ? Une terminologie qui en l’espèce serait plus proche, aux yeux de cette poignée de mormons de la cinéphilie, de la chaine d’arpenteur que de l’œuvre cinématographique !
Reste la question : Gaumont a-t-il eu raison de tenir à distance de ce film ce petit cercle d’initiés prêt à succomber au premier film d’auteur venu d’Ouzbékistan et à réduire en confettis la plus légère des comédies populaires ? Bien évidemment non et pour deux raisons.
1: Avec la marque des Visiteurs – une marque pourvue d’un taux de notoriété de 98%- la Gaumont ne risque rien. Le producteur et distributeur devrait savoir que la puissance du concept fait que les critiques même les plus assassines n’auront strictement aucun effet sur ses résultats en salles : une fois passé le périphérique parisien et intra- muros, les limites de Saint-Germain-des-Prés, le vent du boulet ne sera plus qu’une brise insignifiante. Inscrite dans l’ADN populaire, au même titre que La traversée de Paris, Les tontons Flingueurs ou les Bronzés, ce troisième opus coulera des beaux jours à l’ombre des salles obscures. Un peu de «teasing», quelques apparitions des principaux comédiens du film sur les plateaux de talk, – du « Grand Journal », à « C à vous » en passant par « Les enfants de la télé »- auront suffi à attirer le chaland, avant que des familles entières ne prennent en cortège la direction du complexe le plus proche.
2 : Se pose ensuite la question, en forme de ritournelle, de la critique cinéma : A quoi sert-elle ? A-t-elle un impact aussi petit soit-il sur le succès d’un film ? Vient en écho un souffle de nostalgie avec ces quelques noms que l’on égrène, – Bazin, Bory, Daney, Ciment, Chalais…L’âge d’or et ses figures. L’indiscutable perte d’influence de la critique cinéma tient d’abord à la pauvreté des journalistes qui la composent, à leurs liens de consanguinité avec cette industrie et à l’« entre soi » qui caractérise cette famille. Une critique devenue inaudible et dont les Français n’ont que faire : les enquêtes réalisées sur la question de l’influence de cette profession sur le marché donnent ainsi un résultat à peu près constant depuis des décennies, un résultat très bas, de l’ordre de 7%. Le bouche à oreille, la prolifération des critiques amateurs et cette caisse de résonnance que constituent les réseaux sociaux ont supplanté une chapelle dont la perte d’influence n’est plus à démontrer. Portés par la rue et les Smartphones des films comme Etre et avoir, Lady Chatterley, La Graine et le mulet ou Des hommes et des dieux en ont été ces dernières années des exemples spectaculaires. Si l’effet commercial de la critique est à peu près nul sur une très grosse sortie, il a pu jouer à la marge un rôle sur des films qui n’avaient pas d’autres moyens de promotion hier : c’est-à-dire quand Truffaut et Godard hantaient la Croisette. La préhistoire.
La presse écrite, qui l’a compris, a d’ailleurs réduit comme peau de chagrin l’espace dédié à cette forme de journalisme sur le déclin. La paupérisation de la presse écrite et la fonte de ces effectifs ont obligé les patrons de rédaction à des arbitrages drastiques. La critique cinéma a été reléguée dans les bas-côtés des rubriques: passer en contrebande des films fragiles sur la rive de la visibilité, en tentant d’échapper aux sentinelles toujours plus nombreuses du marketing et du formatage est devenu une prouesse et un art confidentiel. » Quelle merdasse »‘ a hurlé le Figaro à propos des Visiteurs: ils seront demain plusieurs millions à venir s’y vautrer.
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avril 7, 2016
Enfin une bonne nouvelle !
Ca fera un article avec de la consistance pour une fois !
Gaumont semble donc avoir trouvé un moyen de mettre les critiques au travail