Le 3 mai dernier, Delphine Ernotte dévoilait devant le CCE de France Télévisions, dont elle est la présidente un ambitieux et très roboratif plan stratégique « 2016-2020 »: un document confidentiel dont voici l’intégralité
1 /UN NOUVEL ELAN CREATIF France Télévisions fait aujourd’hui la différence dans le paysage audiovisuel français. Ses programmes sont reconnus pour leur qualité et leurs audiences sont la marque d’un succès auprès du public. Cest une offre, sans équivalent en France, qui est une vitrine de la diversité culturelle de notre pays. La création française y est à l’honneur, notamment le cinéma. La fiction française connaît son plus fort succès depuis des années. Le documentaire est un genre qui fait la spécificité du service public, marqué par une grande diversité et une qualité du traitement des sujets reconnue. L’animation française rencontre un succès international incontestable, grâce au soutien déterminant de France Télévisions, et est fortement appréciée des jeunes publics. Les divertissements de service public constituent des rendez-vous populaires et positifs qui rassemblent la communauté nationale. Mais pour continuer à se distinguer dans les années à venir, France Télévisions doit opérer un sursaut créatif. Le service public a la possibilité d’être le fer de lance de l’innovation éditoriale et de l’invention des nouveaux formats. Le développement numérique ne doit pas être perçu comme un frein, mais au contraire comme la possibilité d’un nouvel essor pour cette créativité. Ce sursaut, France Télévisions ne l’accomplira pas seul. Il exige d’associer l’ensemble des parties prenantes, les équipes de l’entreprise et les créateurs. Les producteurs, les auteurs, les réalisateurs doivent être les piliers de cette transformation, au service d’un rayonnement de la culture française à l’international. En développant des œuvres nouvelles adaptées à tous les supports, la télévision publique peut être le moteur de l’exception culturelle française.
1er projet: Des chaînes, « éditeurs» de contenus Depuis vingt ans, France Télévisions est parvenu à fédérer les publics autour de chaînes qui rassemblent et sont fortement ancrées dans l’imaginaire national. Son bouquet s’est construit dans le temps et rassemble aujourd’hui près de 30% de l’audience totale de la télévision, ce qui en fait le premier groupe audiovisuel français. Cette réussite est la preuve de l’attachement des citoyens à des univers culturels partagés. Mais sous les effets de la révolution numérique, la télévision change ; elle ne disparaît pas, elle se transforme. Elle passe d’une seule à trois dimensions : la diffusion linéaire, la diffusion délinéarisée et ses relais permanents sur les réseaux sociaux. Le numérique n’est plus une dimension à côté des chaînes, il doit être au cœur des activités. Le renforcement de l’identité des offres s’impose non seulement pour améliorer leur compétitivité au sein du paysage TNT, mais aussi pour exister sur tous les supports dans un environnement d’hyper concurrence. le service public doit porter des stratégies de distribution permettant de penser l’accès le plus large à ses contenus et des stratégies d’édition répondant aux usages spécifiques sur chaque support. Les lignes éditoriales des chaînes doivent être renforcées, plus spécifiques et plus distinctives. Inscrites dans une logique de groupe dont il faut renforcer le rôle et réaffirmer les valeurs fondamentales, chaque chaine doit affirmer et renforcer sa spécificité dans un ensemble mieux coordonné et endossant l’ensemble des logiques éditoriales.
France 2, chaîne de tous les Français et de tous les talents, média d’information et de divertissement, met à profit toutes les écritures journalistiques et créatives pour incarner la société française dans toute sa vivacité, sa diversité et sa capacité à se rassembler autour de valeurs communes et d’évènements, qu’ils soient politiques, sportifs, créatifs ou artistiques. Pour ce faire, elle s’appuie sur une grande diversité de genres, de l’information à la création audiovisuelle patrimoniale et au cinéma en passant par le magazine et le divertissement. France 3, chaîne des régions, doit poursuivre son rôle essentiel dans la création française et revendiquer sa diversité au plus près de la réalité du territoire, en donnant une meilleure visibilité aux productions régionales et en les modernisant. France 4, chaîne de la jeunesse et de la famille doit poursuivre sa progression auprès des jeunes publics, proposer un univers préservé et rassembleur favorisant l’éveil, la citoyenneté et le divertissement intelligent à toute la famille et offrir une meilleure exposition à l’animation, qui demeure un secteur déterminant pour la création en France comme à l’international. France 5, chaîne du savoir et de la connaissance, doit renforcer sa vocation de passeur des sciences, de la culture et de la compréhension du monde, en s’appuyant sur une offre large de documentaires et de magazines. France ô, chaîne des Outre-mer, sera mise au service de l’exposition des identités et des cultures d’Outremer, en s’appuyant davantage sur le réseau des Outre-mer 1ère et en développant des productions ultra-marines.
2ème projet :Soutenir la création française La culture est un bien commun qui doit être mieux partagé. France Télévisions doit jouer à cet égard un rôle de passeur culturel. Elle le fait au travers de toutes les formes de création, du cinéma à la fiction, en passant par le documentaire, le spectacle vivant et l’animation. Les programmes doivent garantir la diversité de l’offre culturelle, mais aussi permettre sa plus grande exposition, notamment en la diffusant en Europe et dans le monde. Dans les difficultés économiques qu’a connues France Télévisions, les programmes ont pris une part importante, avec une économie réalisée de 90 millions d’euros au cours des quatre dernières années. France Télévisions occupant toujours une place centrale dans le secteur de la création (50% du secteur et 60% de la fiction), ce recul fragilise l’ensemble du secteur. C’est pourquoi le service public porte la responsabilité d’assurer un véritable plan de développement de la création. La fiction française, désormais incontournable pour toucher et fidéliser tous les publics, notamment les plus jeunes, bénéficiera d’un effort significatif avec l’ouverture de nouvelles cases et une diversification de l’offre présente sur les antennes. Le cinéma disposera d’une meilleure exposition et d’une meilleure éditorialisation. L’animation, industrie créative française très dynamique, bénéficiera d’une meilleure visibilité, portée par la montée en puissance de France 4. La diversité de l’offre documentaire sera pleinement garantie. Cet élan vise à favoriser la diversité des styles et des tons et à encourager l’audace dans les écritures. De nouveaux formats doivent être inventés, à travers de nouveaux procédés narratifs. De nouveaux thèmes devront être abordés, reflétant ainsi la complexité de la société. De nouveaux visages et de nouveaux personnages doivent permettre de mieux refléter la diversité de la société française.
Ce plan de développement s’inscrit dans le cadre d’une politique publique favorable à la création, avec les évolutions récentes du crédit d’impôt cinéma et du crédit d’impôt audiovisuel. En renforçant ses investissements dans la création, France Télévisions disposera d’un patrimoine plus important et accompagnera le secteur dans sa modernisation, visant à produire des créations et notamment des fictions, à un rythme accéléré et à des coûts plus compétitifs. C’est par cette rénovation du secteur que la création française pourra rayonner à l’international. La France doit être capable de davantage exporter ses œuvres, en s’appuyant sur une politique de coproductions internationales, notamment via des partenariats européens. Il s’agit de renforcer le marché francophone et le marché européen pour rester compétitifs face au marché américain.
3ème projet : Lancer une plateforme vidéo pour les nouveaux usages Aujourd’hui, une part croissante des téléspectateurs ne consomme plus les œuvres qu’à travers les plateformes numériques. Cette transformation des usages est aujourd’hui principalement portée par des nouveaux entrants, à commencer par les plateformes américaines. Le service public doit donc disposer d’une plateforme numérique puissante, qui réponde à l’ensemble de ses usages, pour ne pas subir une éviction du marché et ne pas se couper de toute une partie des publics. Le rajeunissement des audiences dépend notamment de notre capacité à atteindre les jeunes publics par ce biais. Cette plateforme a vocation à être fortement éditorialisée. Elle pourra accueillir de nouveaux formats, directement conçus pour le numérique. Une partie de notre public souhaite désormais choisir son programme sur le support de son choix. Il peut vouloir-visionner la totalité d’une saison de fiction d’un seul tenant, voir certains programmes avant leur diffusion ou revoir des programmes qui ne sont plus à l’antenne. La télévision de rattrapage est en développement constant et peut représenter jusqu’à 20% de l’audience de certaines fictions sur France TV Pluzz. Pour être plus puissant sur nos plateformes, il nous faut donc concentrer nos développements sur leur amélioration. Il s’agit de repenser l’ergonomie, en tenant compte du plaisir d’usage et de la recommandation. Une redéfinition qualitative est nécessaire pour suivre l’évolution du marché. Il doit s’accompagner d’une offre payante qui permet de répondre à ces attentes en dehors des fenêtres d’exposition gratuite. Le paiement à l’acte existe déjà au sein de l’offre Pluzz VAD. Son développement doit être favorisé dans un environnement commun avec la télévision de rattrapage. Parallèlement, le paiement par abonnement (VàDA) va prendre de l’ampleur, à l’image des transformations observées dans l’économie de la musique ou de la presse. Ce champ doit être pleinement investi par France Télévisions à travers une offre nouvelle, alimentée par une profondeur de catalogue issu tant de ses propres programmes que de ceux d’éventuels partenaires. Les ressources que peut générer cette offre seront mises au service de la création et viseront à intéresser l’ensemble du secteur audiovisuel au succès des œuvres.
POUR TOUS, PARTOUT, TOUT LE TEMPS Depuis sa création, France Télévisions répond à une mission de cohésion sociale et territoriale. Elle la remplit notamment à travers une offre d’information riche et diverse. Elle s’appuie pour y parvenir sur un maillage territorial puissant dans les régions comme outre-mer. Dans une société marquée par l’hypermobilité et l’immédiateté, ces moyens peuvent être un atout déterminant. Au plus près de l’actualité, mais aussi du regard des publics, France Télévisions peut fournir une offre d’information et de programmes qui répondent à l’instantanéité de la diversité des attentes. Pour y parvenir, elle va s’appuyer sur les nouvelles technologies qui permettent de toucher tous les publics.
4ème projet: Créer une nouvelle offre d’information L’information de service public reste reconnue comme une référence. Elle se distingue à la fois par ses éditions et par ses magazines, qui disposent d’un important succès. Elle s’appuie sur des équipes profondément attachées à cette mission démocratique majeure, en toute indépendance à l’égard des pouvoirs politiques et économiques. Au cours des dernières années, cette mission s’est vue concurrencée par deux phénomènes. Tout d’abord, les chaînes d’information télévisées ont rencontré un succès rapide. Exclusivement détenues par des groupes privés, contrairement à d’autres pays européens ou à l’offre internationale proposée par France 24, elles ont contribué à changer les réflexes d’information du grand public, la temporalité de l’actualité et les métiers. Au même moment, les sites d’information numériques sont devenus un outil quotidien des citoyens dans le monde entier. La presse s’est trouvée confrontée à une mutation numérique rapide. Les réseaux sociaux ont pris une place déterminante dans l’information. Formidables vecteurs de diffusion de l’information et d’expression des citoyens, ceux-ci ont cependant ouvert une ère du« buzz »favorisant l’émotion, l’immédiateté, la viralisation de la rumeur. Face à cette double évolution, qui fait peser des menaces sur la qualité et l’indépendance de l’information, il est décisif, pour que l’information de service public demeure l’information de référence et de préférence des Français, de disposer d’une nouvelle offre d’information publique qui puisse peser face à ces nouveaux acteurs. La nouvelle offre d’information publique, en place au 1er septembre 2016, répondra à deux défis majeurs. Le premier est de parvenir, avec les équipes en place et en s’appuyant sur le succès de France TV lnfo, à offrir une information orientée prioritairement vers les détenteurs de terminaux digitaux, fixes et mobiles, pour aller conquérir des publics qui ne regardent plus les éditions d’information. Cela implique d’être innovant, notamment sur les formats plus courts, plus synthétiques et visionnables sans son. Le second est d’être capable de trouver une alliance et une façon de travailler, sans lien capitalistique, avec les autres entreprises de l’audiovisuel public. C’est la condition pour construire un média global, à la fois radio, télévision et web. Dénuée de publicité et s’appuyant prioritairement sur les forces qui existent dans les différents services publics, cette offre sera développée à coût marginal limité. Parce qu’elle est innovante dans ses formats et dans sa priorité donnée au numérique, elle encourage aussi la transformation numérique et l’évolution des métiers attendue pour chacun des groupes : le recours aux compétences complémentaires et la capacité à produire des formats numériques. Dès l’automne, une consultation des instances permettra de définir la pleine association des réseaux France 3 et Outre-mer à cette offre d’information.
4ème projet: Développer l’offre régionale de France 3 La France est un pays marqué par la richesse de sa diversité territoriale, tant en termes géographiques, économiques que culturels. Au cours des dernières années, on assiste à une aggravation de la fracture territoriale due à des dynamiques économiques contrastées et à l’émergence de nouvelles inégalités. Les services publics jouent un rôle déterminant dans le maintien d’une cohésion nationale forte et dans la solidarité entre les territoires. France Télévisions, à travers le réseau France 3, en est un acteur majeur à double titre : à travers l’information et les programmes, il reflète cette diversité; il est l’un des acteurs de l’ancrage territorial des services publics. Les Français se reconnaissent dans l’information locale, dans les journaux régionaux. C’est à partir de cette force que nous devons bâtir une offre adaptée aux évolutions territoriales et qui réponde aux aspirations des publics. Le premier chantier sera de renforcer, à la mesure de nos moyens financiers, l’offre de programmes régionaux sur France 3 prioritairement orientée vers l’information et l’actualité politique, économique, sociale ou culturelle des territoires. Les équipes pourront disposer de nouvelles fenêtres d’exposition des évènements et de l’information locale pour valoriser les contenus d’intérêt régional. Par ailleurs, l’antenne nationale de France 3 continuera de jouer pleinement son rôle de chaîne majeure dans la création française et sera davantage tournée vers les territoires. Plus d’un tiers de la grille devra être constitué de programmes à caractère régional, par une augmentation des programmes produits en régions et par un accroissement progressif des programmes nationaux à fort ancrage territorial à l’instar de la fiction et de certains magazines. Enfin, le réseau France 3 contribuera à la chaîne publique d’information. Pour répondre à cet objectif, une réorganisation du réseau sera engagée. Elle permettra de simplifier le fonctionnement, de responsabiliser les managers de proximité et d’accompagner la réforme territoriale. Treize directions seront créées, disposant de l’autorité éditoriale et d’une délégation de gestion en matière de ressources humaines et de moyens financiers. Les antennes actuelles seront maintenues et continueront à produire des éditions, harmonisées régionalement.
Ce découpage en 13 régions constitue une opportunité de refléter l’identité et la diversité de ces nouvelles régions, tout en maintenant 24 éditions de proximité.
Sixième Projet: Rapprocher les Outre-mer Les Outre-mer 1ère forment aujourd’hui un réseau de 9 chaînes de télévision et 9 radios de plein exercice, complétées d’autant d’offres numériques, dotées d’identités locales fortes. En tête des audiences dans la quasi-totalité des territoires malgré un environnement hyperconcurrentiel, les télévisions du réseau ont su accomplir leur mue et renforcer leur spécificité lors de l’arrivée de la TNT outre-mer fin 2010, en s’appuyant sur des volumes importants de production locale (20% de leurs grilles) et en optimisant leurs coûts grâce à une politique efficace d’acquisition de programmes spécifiques en syndication. Parce qu’elles opèrent sur des territoires à fortes identités et en même temps fortement éloignés de l’hexagone, les Outre-mer 1ère ont naturellement engagé certaines des évolutions qui apparaissent aujourd’hui structurantes pour l’audiovisuel public: la multi-compétence y est ainsi déjà une réalité et permettra au réseau des Outre-mer 1ère de prendre, lui aussi, une part active à l’offre publique d’information. A travers France C, l’entreprise dispose par ailleurs d’une passerelle sans équivalent entre l’hexagone et les outre-mer. C’est en capitalisant sur la force du réseau et le potentiel offert par la diffusion de France 6 en TNT nationale que doit être bâti le pôle Outre-mer de France Télévisions, réunissant France 6 et les Outre-mer 1ère. France 6 doit désormais être pleinement orientée sur la valorisation des programmes liés aux Outre-mer et s’appuyer plus largement sur les contenus produits par le réseau, en réorientant ses moyens vers le soutien à la production locale afin de vivifier le secteur audiovisuel ultramarin. De la même manière, les équipes présentes à Malakoff seront pleinement orientées vers le soutien au réseau.
7ème projet: Une rédaction nationale puissante et Indépendante France Télévisions dispose de rédactions puissantes et reconnues pour leur travail accompli depuis des années. Elles ont marqué leur indépendance à l’égard de tous les pouvoirs. Elles le prouvent à travers des émissions d’analyse, de décryptage et d’investigation. Ce travail est couronné de succès, avec des audiences fortes pour ses éditions et ses magazines d’information. Alors que les chaînes privées généralistes ont progressivement abandonné ce terrain, le service public est l’animateur incontesté du débat politique et démocratique, offrant une large place à de longs formats dédiés à l’actualité politique et en veillant au pluralisme et à la diversité des opinions. Ce travail de qualité s’est doublé au cours des dernières années d’une grande capacité à innover, d’une modernisation du style et d’une affirmation d’un ton propre. Pour gagner en efficacité, renforcer la diversité de ses éditions nationales et numériques et mettre plus de moyens au service de l’analyse, du décryptage et de l’investigation, France Télévisions a engagé fin 2012 un projet de fusion des rédactions baptisé lnfo 2015. Ce projet a commencé à être mis en œuvre au cours des derniers mois. Ce rapprochement des services des rédactions de France 2 et de France 3 est une étape indispensable. Cela permet de disposer de plus de ressources par thèmes d’actualité, d’étendre le périmètre des sujets à couvrir et d’accroître la profondeur de leur traitement. Le renforcement des services s’accompagne en parallèle de celui des éditions. La définition de lignes éditoriales claires et distinctes permettra de renforcer le pluralisme de l’information de France Télévisions. Il s’agit d’un projet éditorial qui ne vise pas à gommer les différences, mais à affirmer les spécificités de chaque édition, à travers des chartes éditoriales. sème projet : Conquérir des ressources nouvelles France Télévisions privilégie le partenariat avec la production indépendante à une logique d’intégration verticale de la production, prônée par les concurrents privés et qui présenterait un risque d’affaiblissement de la créativité et de la diversité de l’offre. Néanmoins, le modèle économique du diffuseur est en train de se transformer. France Télévisions doit devenir un éditeur multimédia et aussi être au rendez-vous des nouvelles recettes. La transformation des usages et l’érosion du marché publicitaire de la télévision imposent de jeter dès aujourd’hui les bases des relais de croissance de demain, en diversifiant les recettes commerciales pour être moins tributaires, à l’avenir, du marché publicitaire et des financements publics. France Télévisions dispose pour cela d’un atout majeur: son poids prépondérant dans le financement de l’industrie française des programmes, qui rend possible le développement de ressources de production et de distribution. Le nouvel équilibre issu de l’accord du 10 décembre 2015, notamment, doit permettre à France Télévisions d’amorcer cette évolution. L’entreprise dispose d’ores et déjà d’un savoir-faire interne. Sa filiale de production MFP a développé une offre reconnue, notamment dans le doublage et le sous-titrage des œuvres. Elle souhaite aujourd’hui développer le «savoir-produire ». Une expérience existe de longue date au sein de l’entreprise, mais grâce aux évolutions de la réglementation, la nouvelle part dépendante peut être investie pleinement.
Cette nouvelle opportunité doit être mise au service de la créativité et de l’efficacité dans le métier de producteur. C’est une chance pour l’entreprise de développer des talents et de travailler directement avec les créateurs. Il s’agit pour France Télévisions de créer un Studio, en s’appuyant sur les filiales commerciales existantes, qui soit le lieu de la création au sein de l’entreprise et un partenaire pour les producteurs indépendants. La suppression de la publicité en soirée a fragilisé les ressources propres de France Télévisions et a rendu l’entreprise plus fortement dépendante de la seule ressource publique. Malgré cette réglementation défavorable, la régie publicitaire est parvenue au cours des derniers mois à réaffirmer son dynamisme. Des ajustements de la réglementation permettraient de conforter son modèle mixte de financement et de disposer de ressources plus importantes. La politique commerciale auprès des annonceurs doit par ailleurs contribuer à valoriser le média TV, comme support publicitaire attractif. L’entreprise doit affirmer sa vocation à générer des ressources propres et à les voir progresser dans les prochaines années. Ce développement commercial est essentiel afin de garantir son indépendance et de maintenir l’entreprise dans un état d’esprit dynamique de conquête de ses ressources.
8ème projet: Optimiser le recours aux moyens internes France Télévisions dispose d’un outil de fabrication interne qui regroupe 1075 collaborateurs et qui contribue à l’alimentation des antennes. Les moyens internes représentent 25% de l’antenne de France 2 et de France 3, 20% des fictions produites par an, 80% des évènements sportifs et 10% des documentaires et magazines. Il s’agit d’un véritable atout pour assurer l’indépendance de fabrication du groupe audiovisuel. Ces moyens sont néanmoins perçus comme faisant peser des contraintes économiques et aussi éditoriales pour les antennes. En effet, le coût interne serait plus élevé que celui des prestataires extérieurs et la réorganisation née de l’entreprise unique peut avoir trop compartimenté et complexifié le processus de décision permettant le recours aux moyens internes. L’intérêt de l’entreprise est d’adapter l’outil de fabrication interne et d’optimiser le recours à ce potentiel. C’est une véritable stratégie industrielle que souhaite engager France Télévisions, afin de se mettre au service de Pédition de contenus exclusifs et distinctifs, tant pour le linéaire que pour le non linéaire. Il s’agit d’adapter les moyens internes et de leur confier prioritairement les programmes envisagés par les antennes. Pour y parvenir, l’entreprise doit à la fois optimiser les potentiels de fabrication et améliorer la compétitivité de l’outil interne. Cela passe par de nouveaux investissements techniques pour faciliter l’exploitation, par la capacité à fournir des prestations allégées, notamment pour le non-linéaire, et enfin par une optimisation de l’organisation des activités de la filière.
9ème projet : Faire évoluer les pratiques professionnelles et les emplois Les talents et compétences sont nombreux au sein de France Télévisions. Mais, comme dans l’ensemble du secteur, les emplois et les métiers sont en train de se transformer et il est de la responsabilité de l’entreprise d’anticiper ces évolutions afin de garantir l’emploi de ses salariés tout en offrant la meilleure qualité de service à ses usagers. La révolution numérique emporte deux conséquences au sein de l’entreprise: une évolution de son mode d’organisation, de son fonctionnement et une redéfinition parfois profonde des métiers. L’objectif doit être de suivre ces évolutions afin de s’adapter pleinement à ces bouleversements, tout en accompagnant chacun face à ces transformations. Dans le même temps, l’entreprise doit poursuivre la maîtrise de ses effectifs et de sa masse salariale. Ces dernières années, celle-ci a été obtenue par une baisse significative du recours à l’emploi non-permanent et par la mise en place d’un plan de départs volontaires. Désormais, elle doit s’opérer au travers d’évolutions de l’organisation du travail et d’une prise en compte des transformations technologiques permettant l’obtention de gains de productivité significatifs. Cette maîtrise doit s’accompagner d’une politique de renouvellement des effectifs, dans le souci d’une plus grande diversité générationnelle. La moyenne d’âge de l’entreprise se situe aujourd’hui à 48 ans, près de 50% des salariés ont plus de 50 ans tandis que 2,5% seulement ont moins de 30 ans …
Cette politique permettra notamment de disposer de salariés directement formés aux nouvelles technologies issues de la révolution numérique tout en maîtrisant l’impact sur la masse salariale (effet noria). La mise en œuvre d’un important plan de sensibilisation, de formation et d’adaptation au numérique de l’ensemble des effectifs est incontournable. Progressivement, la plupart des métiers est appelée à se transformer pour tenir compte de l’évolution de l’offre media vers plus de numérique, de la contraction de certains actes de gestion, des méthodes de fabrication qui s’industrialisent et se simplifient. Dans ce contexte, il est de la responsabilité de l’entreprise de préparer les évolutions de métiers et d’anticiper les aires de mobilité professionnelle de ses salariés. Cela rend encore plus cruciale la mise en place d’une Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, qui devra également traiter de la question des compétences complémentaires. Le réseau ultra-marin et celui de France 3 ont singulièrement avancé sur ce thème au cours des derniers mois et le projet de chaîne d’information intègre cette réalité. Les négociations devront se poursuivre partout dans l’entreprise et sur tous les métiers. La question de la mobilité doit également être traitée de manière prioritaire. Elle est une attente importante des salariés et doit contribuer à une juste répartition des emplois au sein de l’entreprise au regard de l’activité. France Télévisions doit maintenir ses efforts dans sa politique de régulation de l’emploi non permanent. Des négociations s’engagent qui doivent permettre la « permanentisation » de postes qui participent d’une activité permanente et pérenne de l’entreprise, mais aussi des solutions de parcours professionnels pour les collaborateurs en COD dits «historiques>>, et l’édiction de règles de gestion pour l’avenir, respectueuses des intérêts des salariés non-permanents et de l’entreprise.
10èm projet: Déléguer, dans une logique de confiance a priori Aucune organisation quelle qu’elle soit ne peut répondre à la complexité qu’impose le monde numérique sans repenser son fonctionnement pour favoriser la transversalité des projets, le travail collaboratif et la coopération. L’entreprise doit fonctionner comme un collectif et non comme une addition d’entités disjointes, exerçant leurs métiers séparément les unes des autres. Les structures de France Télévisions doivent gagner en agilité. Tout d’abord, l’entreprise doit engager une démarche de simplification de ses processus afin d’accélérer les prises de décisions. L’autonomie managériale doit être repensée et s’accompagner d’une responsabilisation plus forte au travers de délégations de pouvoirs permettant la prise de décision au bon niveau de proximité dans le cadre de règles partagées (sur tous les enjeux de l’entreprise, qu’ils soient éditoriaux, humains ou financiers). La logique de confiance a priori et de contrôle a posteriori doit l’emporter sur toute autre. Cette culture doit profiter à toute l’entreprise. Pierre angulaire d’une culture de l’innovation, elle doit permettre de libérer les initiatives et de faciliter l’émergence d’une logique d’amélioration continue de nos pratiques par l’expérimentation de terrain, au plus près des équipes.
CONCLUSION En 2020, France Télévisions doit être un éditeur de contenus audiovisuels regroupant des marques média fortes ayant pleinement intégré la dimension numérique, centrale sur la scène européenne, faisant rayonner la création française, reconnu comme une référence pour son information et ses programmes. Telle est l’ambition que doit se donner la télévision publique. Fer de lance de l’innovation et partenaire de la création, le groupe doit répondre aux attentes de chaque citoyen. Le maître mot de l’entreprise publique doit être celui de la diversité. Diversité des offres, à travers une programmation audacieuse, des identités assumées et renforcées qui s’adressent à tous les goûts de la nation. Diversité des écritures, des formats et des supports, qui permettra de mieux exposer la création française. Diversité des représentations, pour que chacun puisse se reconnaître dans la télévision publique. Le groupe France Télévisions dispose d’atouts pour relever ce défi: un poids décisif dans la création, la plus grande rédaction d’Europe et l’engagement de tous ses salariés. Il doit, pour y parvenir, engager de profondes transformations, dans son offre, dans ses méthodes de travail et dans ses investissements technologiques, tout en garantissant l’emploi de chacun et son adaptation aux évolutions de l’environnement. Cette transformation est absolument nécessaire, à la fois pour répondre à l’attente des citoyens qui souhaitent une plus grande efficacité des acteurs publics, mais aussi pour mieux remplir ses missions historiques de service public que sont l’information et le soutien à la création. Face aux évolutions technologiques, la redevance devra probablement tenir compte des nouveaux usages, dans le souci de l’équité fiscale et générationnelle. Le modèle économique de France Télévisions dépend fortement des évolutions de la ressource publique, qui est déterminée par le législateur, et des efforts d’économies pouvant être réalisés par l’entreprise. France Télévisions doit aussi pouvoir compter sur ses ressources propres et transformer son organisation pour rester dynamique. Un groupe agile, fier de son indépendance et capable de s’adapter aux défis éditoriaux et aux évolutions technologiques, voici ce que doit devenir l’entreprise publique.
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mai 9, 2016
Quelle ne se projette pas trop , Mai 2017 n’est plus trés éloigné, quand on est autant marqué politiquement , il faut s’attendre , à prévoir des vacances.