C’est un curieux mélange d’euphorie, de fébrilité, d’incertitudes et de profonde fatigue, tout cela confusément mêlé, qui agite l’équipe de 166 personnes, dont 33 journalistes, recrutées pour mener à bien le projet FranceTV Info, dont le lancement est programmé pour le 1er septembre. Accouchée au forceps cette chaîne au budget quelque peu anorexique (16 millions d’euros) comparé aux moyens de ses principales concurrentes, BFM TV et I Télé, (plus du triple chaque année), n’est pas encore sortie de ses limbes que les nuages s’accumulent.
Car ses plateaux flambant neufs, de très belle facture, et la campagne de pub, plutôt réussie, dévoilée hier, masquent une réalité moins clinquante. Se pose déjà la question en interne de la sous-évaluation de son budget de fonctionnement et des rythmes de stakhanovistes imposés aux équipes en place qui mettent les bouchées triples pour accoucher d’une chaîne en état de marche et tout cela en temps et en heure. Des locaux exigus, des moyens informatiques en trop petit nombre, un manque patent d’ordinateurs pour les journalistes et d’ores et déjà, des journées de travail avec des amplitudes horaires ( de 10 à 12 heures par jour) qualifiées par certains journalistes interrogés «d’intenables» – et en complète contradiction avec les conventions collectives de France 2 et de France 3 : ça couine dans les étages, où certains journalistes et techniciens frisent déjà le «burn out ».
Les rédacteurs en chef, au nombre de quatre, affichent déjà des journées de marathonien. En trop petit nombre également et multitâches, les chefs d’édition sont aux quatre cents coups : en plus de préparer les conducteurs des JT et de veiller à leurs durées, ils ont à chercher des images et du son, tout en surveillant l’état de résistance des présentateurs-phares des différentes sessions d’informations : des « anchormen » dont la présence à l’antenne s’organise par tranches de neuf heures, dont six heures en plateau. De quoi figurer prochainement, pour certains d’entre eux, au Guinness des records….
Cette équipe, pour ainsi dire commando, s’est vue dotée de moyens techniques pour les reportages en direct d’un système baptisé TVupack. Les reporters d’image de France 2 avaient fait cinq jours de grève en 2015 quand la direction de l’information avait voulu leur imposer ces matériels qui permettent à un même reporter de tout faire : du tournage au montage, jusqu’à la livraison de son sujet. Même chose à France 3 nationale où cet outil avait été refusé. Et idem à BFM TV, une chaîne passée maitre dans la compression des coûts et l’info «low-cost», mais où l’on a renoncé de longue date à dépêcher sur le terrain des reporters sans équipier.
Autre incongruité, le choix du système d’exploitation et de fabrication de l’info, ou plutôt « des » systèmes, car ils sont deux: Dalet Galaxie, d’un côté et Mozart, de l’autre. Le premier permet de monter les reportages et de les insérer ensuite dans les conducteurs des différents journaux. Quant au second, il gère à distance le positionnement des caméras – au nombre de quinze, toutes automatisées– en plateau, ainsi que l’éclairage, les écrans annexes, etc… Petit hic, ces deux outils ne sont tout simplement pas compatibles techniquement ! Et chacun de craindre le « bug » technique : l’écran noir.
Côté investissement pour la partie technique, on avance le chiffre de 3,6 millions d’euros, dont 1,2 million pour l’achat du logiciel Dalet Galaxy : un investissement au rabais, dit-on, qui inquiète en interne, où l’on redoute tout simplement, encore une fois, la panne générale.
Si FranceTV Info démarre avec si peu de moyens et dans des conditions aussi spartiates, c’est parce qu’il a fallu jongler avec une enveloppe financière contrainte. Sur le fil du rasoir budgétaire depuis sa nomination, Delphine Ernotte a dû puiser dans des maigres réserves pour lancer cette chaîne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la présidente de France Télévisions tente notamment de se séparer de l’immeuble qui abrite son groupe sur les bords de Seine et qu’elle cherche un site moins onéreux et plus excentré. C’est la raison pour laquelle elle installe cette nouvelle chaîne à marche forcée et sur un modèle social qui risque, à terme, de devenir un facteur de tensions au sein du groupe.
Certains mettent en avant,, en effet, le caractère « low-cost » de ce projet et parlent pour FranceTV Info d’un « laboratoire social » pour l’ensemble de la maison France Télévisions et ses quelques 3000 journalistes. De quoi attiser les craintes, de crisper une corporation dressée sur ses ergots dès qu’on lui parle réduction de coûts ou d’effectifs. Seule la réussite du projet et l’accueil que lui réservera le public dans les prochaines semaines seront à même de calmer (ou non) les inquiétudes.
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août 31, 2016
C’est franceinfo pas francetvinfo et la premiere capture est de lci…