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Demorand, Roi Maudit et consentant à l’être

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Par Philippe Kieffer 

 

Je sais l’avis moyennement partagé, propice même à railleries et disputes entre amis, mais c’est un fait qui ne se dément pas avec le temps : j’apprécie Nicolas Demorand. Je l’appréciais avant de le connaître, en auditeur des matinales de France Culture. Je l’ai apprécié plus encore en travaillant avec lui comme producteur, il y a quelques années, sur un éphémère magazine pour France 5. Et je n’ai pas cessé de l’apprécier depuis, quand bien même, par négligence ou hyperactivité, il veille à ne pas se hisser au rang d’ami fidèle. Il arrive qu’on se croise ou s’aperçoive. Il est oublieux, pressé…

Il n’empêche : je persiste à l’apprécier, parce qu’il sait aussi être indéniablement attachant, vif, chaleureux, drôle, grave, rieur, intuitif, d’un humour fracassant et d’une vélocité intellectuelle qui ne se rencontrent plus que très rarement chez ses confrères. Ce qu’il démontre toutes les fois qu’il retrouve un micro.

Il y a en lui ce mélange de curiosité goulue, d’appétit insatiable et d’énergie à dévorer de l’information ; ce mélange rare et précieux qui a produit des Serge July et des Jean-François Kahn, mais aussi des Pierre Lescure ou des Bernard Pivot. Il y a des gènes de tous ces « anciens » dans l’ADN du journaliste Demorand. Mélange positif et détonnant dès lors qu’il s’enrichit d’une boulimie de livres, de films, de musiques, de jeux vidéo, de voyages… En un mot : de culture. Et de culture résolument éclectique. Pour tous.

Ce qui nous amène au problème récurrent, on peut même dire à la malédiction répétitive et presque choisie de Nicolas Demorand : ses échecs devant une caméra, qui sont inversement proportionnels à son permanent succès derrière un micro. Son impuissance, depuis dix ans, à incarner et transmettre le plaisir de cette culture générale qui est la sienne à l’écran, en télévision.

Ambiance cathédrale-sarcophage

Ce n’est pas faute pour lui d’en rêver et d’avoir essayé, mais voilà, ça ne passe pas, ça ne fonctionne pas. Successivement mal à l’aise dans le costume de Serge Moati sur France 5, puis endimanché mal maquillé sur ITélé, à la peine en radio filmée amateur sur la nouvelle chaîne Franceinfo : le voici tentant le triple saut périlleux arrière d’un magazine revendiqué « culturel » sur France 3 et, bon… comment dire ? Patatras ! Encore raté !

Son Drôle d’endroit pour une rencontre est précisément tout sauf drôle ou même souriant, ce qui est un comble quand on connaît de quelle humeur à la fois sagace et joyeuse peut être le vrai Demorand dans la « vraie » vie. Comment qualifier la chose sinon de tragique erreur ? Se prêter à pareille configuration d’émission… C’en est criant de désir d’échouer. Mais quelledrôle d’idée, sous le promotionnel prétexte d’aérer la culture, que d’aller s’enfermer successivement dans une église puis au Panthéon pour y recevoir comme à confesse de fantomatiques invités !

Dispositif réfrigérant. Dômes et dorures. Éclairage tendance catacombe. Voisinage d’illustres pierres tombales établissant d’emblée un sinistre et religieux huis-clos conversationnel… Tout y était ! La pompeuse grandiloquence de la forme anéantissant minutieusement l’intérêt du fond et la qualité éprouvée de participants qui n’en pouvaient mais (Guillaume Gallienne, Ivan Jablonka, Teddy Riner…) C’était le plus sûr moyen d’éloigner ou faire fuir les téléspectateurs. Objectif atteint.

C’est peu dire que les organisateurs de la cérémonie d’ouverture de ce magazine avaient pensé à tout pour en faire, en même temps qu’un nouveauclimax des déboires télévisuels de l’animateur, le dernier point culminant de la fatalité qui frappe les relations de la télévision publique avec la Culture. Ils n’avaient rien oublié de ce qui garantit du lugubre de bon aloi et de l’audience crépusculaire. Ni l’ambiance cathédrale-sarcophage à côté de quoi la légendaire entrée au même Panthéon de Jean Moulin retransmise par l’ORTF passerait pour du Lautner (période Les Barbouzes). Ni de programmer cet enfouissement des talents de l’intervieweur Demorand dans l’expirante foulée de Thalassa, scaphandre d’émission rouillée que la marée du conservatisme local continue à rejeter, au petit malheur des vendredis soirs, sur les plages de France3.

Funeste décor, oui, savamment augmenté d’un étrange et inquiétant objet métallique roulant, genre potence en alu Ikea payable-en-quatre-fois -sans-frais d’où est suspendue une sorte de vaste couronne, façon lustre à chaînes du Moyen Âge avec, en lieu et place de bougies, de petits écrans. L’ensemble conférant au magazine une tonalité médiévale new-look. Œuvre qui pour être signée Philippe Stark n’en reste pas moins affligeant gadget audiovisuel.

Il s’agissait par là, voulait-on prévenir le badaud zappeur, de signaler le caractère nomade de l’émission en devenir. Un avertissement du type : “Attention, Road-magazine moderne à roulettes”. Plus bobo et bricolo clinquant, ça n’existe pas ! À quand l’exhibition de cet anxiogène pendentif à la chapelle Sixtine, au Capitole, sous la pyramide du Louvre… ? Difficile de mieux surligner la dimension à la fois épiscopale et monarchique de cette mise en scène. Impossible de signifier davantage le pouvoir implicitement dévolu au seul clergé culturel de délivrer la bonne parole.

Cela dit, c’était tout à fait raccord avec la prestation du Roi Maudit Demorand, comme statufié de noir sous sa couronne de moniteurs.

À toute église son mystère. Le plus attristant et pour le coup le plus mystérieuxde ce gâchis (parce que là, sauf à convoquer la prochaine fois une Kardashian ou un Poutine à Notre-Dame pour parler macarons, joaillerie et littérature, c’est plié et plombé pour longtemps, dès le premier numéro) c’est l’inexplicable consentement, pour ne pas dire la bienheureuse et masochiste adhésion de Nicolas Demorand au grotesque de ce dispositif. PK

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