L’ajournement, faute de combattants, du grand débat que prétendait organiser France 2 le 20 avril, dans le cadre de la présidentielle, suscite un profond malaise et de vives tensions au sein de la rédaction d’une chaîne abasourdie. Car jamais un tel cas de figure ne s’est produit dans toute l’histoire de la télévision publique. Et ce n’est pas la série d’entretiens individuels décidée, en lieu et place ce même jour, avec l’ensemble des onze candidats, interrogés par David Pujadas et Léa Salamé, qui est de nature à calmer la colère.
Deux facteurs sont avancés, en interne, pour expliquer ce qu’un cadre de la rédaction qualifie, sans ambages, de «carambolage inexcusable». L’inexpérience de Michel Field en la matière, pour commencer. Le directeur de l’information de France Télévisions, dont c’est le baptême du feu à ce poste, n’aurait pas tous les codes pour mener à bien les tractations avec les états-majors des différents candidats. On reproche, par ailleurs, à l’ancien journaliste de LCI et d’Europe 1 d’avoir engagé trop tardivement ces discussions, quand les responsables de BFM TV et de C News travaillaient au corps, depuis des semaines, les entourages et leurs poulains.
L’autre raison, sans doute la plus probante, tient aux rapports plus que mitigés qu’entretiennent un certain nombre de candidats avec France 2, où L’émission politique, qu’anime le tandem Pujadas-Salamé, cristallise bien des critiques. Nicolas Sarkozy, lors des primaires de la droite, avait été le premier à se montrer agacé, après qu’on lui ait imposé sur ce plateau, en «invité surprise», l’ancien trader de la Société Générale, Jérôme Kerviel. Même irritation chez Marine Le Pen, qui n’a pas apprécié qu’on la confronte à Patrick Buisson, lors de son passage dans cette même émission, le 10 février: la présidente du FN ne manque pas une occasion pour accuser France Télés de «rouler » pour Emmanuel Macron. Le candidat d’En marche ! n’est d’ailleurs pas en reste, qui s’est dit «exaspéré » à sa sortie de ce même plateau, le 6 avril, après que Léa Salamé l’ait interrogé sur la « mise en scène » de sa vie privée. François Fillon, quant à lui, est sans doute le plus sévère d’entre tous depuis sa volcanique passe d’arme avec l’écrivaine Christine Angot, le 23 mars: le candidat de Les Républicains a très clairement France 2 en ligne de mire.
C’est dans ce contexte orageux, face à un service public fragilisé, que BFM TV tente de faire une OPA sur le débat de l’entre-deux tours, de se greffer au dispositif mis en place par TF1 et France 2. Tandis que TF1 réfléchit, la présidence de France Télévisions, Delphine Ernotte, a d’ores et déjà opposé, par courrier, une fin de non-recevoir aux dirigeants de BFM TV, refus qui ne semble pas émouvoir Hervé Béroud : «France Télés est libre d’avoir un point de vue. Mais jusqu’à preuve du contraire, ce sont les candidats qui décident », soutient le directeur de la rédaction d’une chaîne tout-infos qui s’est engagée dans un bras-de-fer.
( article publié sous ma plume dans le JDD)
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