«Orange serait intéressé pour racheter Canal+, si la chaîne cryptée était à vendre » : cette phrase prononcée le 8 décembre dernier par le PDG d’Orange, Stéphane Richard, en marge d’une conférence de presse, au Maroc, ne cesse de nourrir les spéculations quant à un rapprochement entre l’opérateur télécom et la chaîne propriété de Vivendi. Depuis cette déclaration les choses se sont accélérées, au point qu’un partenariat stratégique entre les deux groupes devrait être annoncé dans les prochaines semaines. Et ce sont Stéphane Richard et Vincent Bolloré, le président du Conseil de surveillance de Vivendi, maison-mère de Canal+, qui en ont méticuleusement tracé les contours, en tête à tête, ces derniers mois.
On ne parle plus de rapprochement capitalistique entre les deux groupes, même si l’idée continue de cheminer dans l’esprit de Vincent Bolloré, mais d’un accord de distribution majeur qui verra Canal+ apporter à Orange, non seulement ses programmes, ses catalogues et sa capacité de production, (à travers Studiocanal, notamment). Mais également, les nombreux droits sportifs que la chaîne cryptée a dans son portefeuille: autant de produits d’appel pour l’opérateur de téléphonie et ses 20,6 millions de clients.
En échange de quoi, Canal+ recevra de la part d’Orange une redevance substantielle, d’un montant de 150 à 200 millions d’euros par an, selon un acteur du dossier. De quoi renflouer les caisses d’une chaîne mise à mal l’an passé, avec l’érosion de son parc d’abonnés, en France, d’une part et la baisse de son chiffre d’affaires (-4,7%), à 5,523 milliards d’euros, d’autre part
Cette accélération du calendrier et des discussions s’explique, pour grande partie, par les offensives du patron d’Altice et propriétaire de SFR, Patrick Drahi, dont la pugnacité et la surface financière inquiètent « Canal »: imprévisible, l’homme d’affaires n’a de cesse d’afficher ses ambitions sur le marché des contenus, depuis le rachat de l’opérateur de téléphonie en octobre 2014. Or l’imminence de la remise en jeu des droits télés de la Formule 1, de la Ligue des Champions de football, ainsi que, dans la foulée, à l’horizon 2018, de ceux des droits de la Ligue 1 de foot, incitent plus que jamais la chaîne cryptée et Orange à faire front commun. D’autant qu’un autre acteur, tout aussi imprédictible, reste en embuscade: BeINSport : pour rester attractif sur le marché Français, le groupe qatari s’apprête à mettre sur la table plusieurs dizaines de millions d’euros dans l’acquisition de droits.
Du sport, des films, des séries : Si Stéphane Richard a toujours affirmé qu’il ne voulait pas faire d’Orange un champion de la convergence, (cette stratégie qui consiste à intégrer contenus et tuyaux), tout ce qu’il semble vouloir mettre en œuvre en ce moment même, aux côtés de Canal + et de Vincent Bolloré, se rapproche furieusement du modèle mis en place par son rival, SFR. A la tête d’un catalogue de 1200 titres, Orange Studio, la branche cinéma du groupe, incarne d’ailleurs la stratégie d’un opérateur converti et décidé à passer à la vitesse supérieure sur le marché des droits.
Vincent Bolloré, qui ne s’y est pas trompé, entend faire d’Orange un allié de poids. Et ce qui vient de se produire en Italie, cette semaine, devrait sans doute lui permettre de resserrer un peu plus encore ses liens avec l’opérateur français: c’est tout du moins ce que l’on avance dans son entourage. En effet, l’autorité des communications italiennes, l’AGCom, vient de sommer le patron de Vivendi de choisir entre les tuyaux et les contenus, entre les télécoms et la télé : entre Médiaset et Telecom Italia. Cette autorité de régulation a donné un an à l’industriel pour réduire sa participation soit dans l’opérateur télécom, soit dans l’empire audiovisuel de Silvio Berlusconi, dont Vincent Bolloré détient, respectivement, 24% et 29% du capital. Mais qu’envisage le patron de Vivendi, Vincent Bolloré, qui devrait s’exprimer sur le sujet lors de la prochaine assemblée générale du groupe? Prendre ses distances avec Silvio Berlusconi, sans pour autant quitter le tour de table de Médiaset. Et renforcer sa position au sein de Telecom Italia, un opérateur dont Vivendi pourrait se servir comme d’un levier dans ses discussions avec Orange, pour qui la Péninsule reste un marché à conquérir, pronostique-t-on dans l’entourage de l’homme d’affaires.
Contraint de rebattre ses cartes en Italie, Vincent Bolloré est également suspendu, de ce côté-ci des Alpes, aux résultats de l’élection présidentielle de dimanche prochain. Car actionnaire d’Orange à hauteur de 13,5%, l’état reste, quel que soit l’issue du scrutin, l’incontournable arbitre d’un mécano industriel que trouvera sur sa table le prochain locataire de Bercy.
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