La démission (disons plutôt, l’éviction) de Michel Field est de ces rituels dont France Télévisions, en période d’échéances politiques, a le secret. Fusible dans l’affaire Pujadas, le patron de l’information cumulait tous les inconvénients ou avantages: mal accepté par une rédaction indocile, maladroit et caporaliste dans son mode de gouvernance, peu présent à la tête de ses troupes et enfin marqué à gauche (bobo), politiquement. En sacrifiant l’un de ses bras droit, Delphine Ernotte, qui souhaitait s’éviter une motion de défiance, sans doute fatale, a semble-t-elle réussi à désamorcer la crise. Mais pour combien de temps ?
En l’espace de huit jours, les deux principales figures de l’info du navire amiral de l’audiovisuel publique ont donc été écartées. Et on ne fera croire à personne que la concomitance de ces événements, dans le temps, avec l’installation d’Emmanuel Macron à l’Elysée, n’ont rien à voir ensemble. Sur la sellette depuis des mois, David Pujadas, dont la cote était en berne, malgré ses bons résultats, se savait en danger et tôt ou tard sacrifié. Quant à Michel Field, contesté et démonétisé, il se savait, lui aussi sursis et n’en faisait pas mystère.
Du balai ! Epargné sous le quinquennat de Nicolas Sarkoz et, dernier vestige de l’équipe dirigeante précédente, le premier, David Pujadas, un homme solitaire et sur son quant-à-soi, incarnait à la tête de « son » JT, une vision par trop libérale de la société. Quand le second, Michel Field, venu de la gauche la plus ultra, il était le symbole, romanesque et suranné, d’une génération plus proche du plateau du Larzac que celle 2.0 : un intellectuel égaré au pays des coupeurs de têtes.
France Télés à l’heure du « dégagisme » : voilà qui donne une piètre image d’une maison prisonnière de vieilles traditions héritées de l’ex ORTF. Décidés au moment même où un nouveau Président de la République installe son gouvernement, ce double limogeage se veut, que l’on veuille ou non, un signal (celui de l’alternance et du changement) donné au nouvel exécutif. L’Elysée, qui n’a pas apprécié la manœuvre, observe avec attention gourmande le numéro équilibriste d’une Delphine Ernotte fragilisée, qui doit peser au trébuchet le choix du successeur de Michel Field. Le tout sous les regards de la rédaction de France 2, qui dicte la ligne et pose aujourd’hui ses conditions. C’est ce qui s’appelle, en politique, une cohabitation.
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