La pièce qui se joue sous nos yeux est un grand classique de l’audiovisuel. Il n’est de voir l’affiche de ce psychodrame et son casting pour comprendre que tout cela risque de finir mal. Dans le rôle-titre, un Président de la République dressé sur ses ergots qui fustigent des dirigeants de chaîne comme aux plus heures de l’ex ORTF. Et au balcon, des médias comme à la corrida qui attendent avec une forme de voyeurisme la mise à mort d’une présidente (Delphine Ernotte), à qui l’on coupe peu à peu l’oxygène. Pour mieux l’asphyxier et l’évincer ? Les précédents Jean Ducker, Philippe Guilhaume ou Jean-Pierre Elkabbach, trois ex PDG pris dans la tourmente, peuvent le laisser supposer.
Décision en a été prise : un projet de loi, d’une ampleur jamais vu depuis les fameux textes de 1982 ou de 1986, sera déposé à l’Assemblée à l’automne 2018 : un train de dispositions destinées à bouleverser la physionomie d’un audiovisuel public profondément réformé. Réduction du nombre de chaînes, rapprochement (puis fusion, à terme) entre France Télévisions et Radio France, réforme du mode de désignation des PDG (par les conseils d’administration des entreprises), alliances avec le privé, réforme de la redevance, sur le modèle allemand…Détaillées dans le JDD, les mesures sont nombreuses et vont sans doute dans le bon sens.
Reste le climat délétère qui entoure ces grandes manœuvres. Emmanuel Macron a beau dire que tout cela n’est pas affaire de personnes, la personnalisation du débat est criante. Menacée par une motion de défiance (un classique du genre à France Télévisions) Delphine Ernotte concentre toutes les critiques. Or il y a quelque chose d’exaspérant et de médiocre dans cette chasse, qui voit l’état et le chef de l’état avancer masqués, sans assumer clairement leurs responsabilités. Sans feuille de route claire, ni moyens alloués, la présidente de France Télés est livrée à elle-même à la tête d’une entreprise en ébullition. Qu’elle propose un plan d’économie et on l’accuse d’affaiblir la télévision publique. Qu’elle y renonce et l’on mettra en avant son inertie. L’état se révèle dans cette affaire d’une incroyable hypocrisie, quand anglais, allemands ou belges ont clairement affiché leurs intentions et profondément transformé leurs modèles depuis longtemps. Quitte à prendre le risque d’une implosion sociale et de l’écran noir.
Frédérique Dumas
Sur la corde raide, Delphine Ernotte est condamnée à jouer les funambules, en difficile équilibre, jusqu’à la fin de son mandat. Sauf à ce que celui-ci soit interrompu avec le vote d’une loi qui remette les compteurs à zéro : c’est le vœu caché de l’exécutif. C’est le 21 décembre que cette dernière proposera à son conseil un plan forcément pesé au trébuchet dans ce contexte explosif. Forcément minimaliste face à une entreprise gangrenée par les corporatismes et la défense d’acquis sociaux anachroniques, à l’heure où les géants de l’internet et des télécoms sont en passe d’atomiser une télévision analogique sur le reculoir et exsangue financièrement.
Emmanuel Macron n’en a pas dit un mot, qui a préféré concentrer ses critiques sur des dirigeants tenus bride courte, sans cap précis et sur la sellette. Comme aux plus belles heures de notre République, qui ont vu encore une fois les Guilhaume, Elkabbach, Drucker ( Jean) et tant d’autres par le passé, sacrifiés au nom d’une reprise en main. L’honneur serait de laisser Delphine Ernotte conduire la réforme qui s’annonce. De l’accompagner dans l’immense chantier qui va s’ouvrir. Plutôt que de jouer le pourrissement.
Histoire de ne pas apparaître en première ligne dans ce qui a a désormais tout l‘air d’un début de purge, l’Elysée a confié à la députée d’En Marche et ex cadre dirigeante d’Orange, Frédérique Dumas, la tête d’une commission parlementaire chargée de débroussailler des pistes en vue d’un texte de loi, dont la mouture finale s’écrira dans le bureau du chef de l’état. Là où se dessine le nouveau visage d’un audiovisuel publique au bord de l’implosion.
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décembre 11, 2017
Orthographe : Revel fait sa loi.
Renaud, mon bon ami :
– Audiovisuel public et non publique
– un président qui fustige et non qui fustigent
– d’une ampleur jamais vue et non jamais vu
– Anglais, Allemands ou Belges prennent un majuscule, et l’Etat aussi d’ailleurs.