France 5 a décidé de ne pas diffuser le documentaire consacré à la SNCF signé du réalisateur et documentariste de renom Frédéric Compain. Ce document de 70 minutes, dont le tournage a démarré il y a maintenant trois ans, ne sera donc pas programmé : une décision qui laisse son auteur, joint par mes soins, décontenancé, amer et profondément perplexe. Étonnant pour le moins, en effet, l’escamotage d’un film alors que la SNCF connait l’une des crises les des plus longues de son histoire…
Durant ses trois années de travail et de tournage au sein de l’entreprise, qu’il a sillonné de part en part, (avec le feu vert de son PDG Guillaume Pepy, qui s’était engagé à ce que toutes les portes lui soient ouvertes) Frédéric Compain a eu à surmonter de multiples obstacles : des blocages venus à la fois de cadres dirigeants de l’entreprise opposés à ce film, d’un petit nombre de directions régionales, que ses caméras dérangeaient également, ainsi que de responsables syndicaux, que l’intrusion du réalisateur indisposait de la même manière. «Sans le soutien de Pepy, qui a magnifiquement joué le jeu, je n’y serais jamais arrivé», confie celui qui livre à France 5, au début de l’année, un film de grande qualité, à l‘écriture léchée et au contenu solide: une immersion chirurgicale au cœur d’une grande entreprise public. Ce que Frédéric Compain avait fait précédemment au sein de grandes entreprises comme Airbus et EADS. Non seulement ce doc est réussi, mais il a la bénédiction de Guillaume Pepy : « En le visionnant avant tout le monde, il m’a dit tout de suite qu’il le trouvait certes très rude pour l’entreprise qu’il dirige, mais de qualité. Et il m’a ajouté qu’au nom de mon travail et de mon investissement, il ne s’opposerait en aucun cas à sa diffusion. Je peux dire qu’il a tenu parole».
Mieux, le patron de la SNCF passe un coup de fil à la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, pour lui dire tout le bien qu’il pense de ce documentaire, ajoutant qu’il ne voit aucune contre-indication à ce qu’il soit diffusé en l’état sur l’une de ses antennes.
Les premiers problèmes sont apparus au moment du montage : quand la direction de France 5 juge le film trop écrit et pas assez journalistique: «Pas assez journalistique ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Allez comprendre…Mes interlocuteurs au sein de la chaîne et sa directrice, Nathalie Darrigrand, qui doit avoir une haine cachée pour les documentaristes, ont commencé par me dire qu’ils regrettaient l’absence de micros-trottoirs, d’interviews de voyageurs, de témoignages au débotté d’usagers sur les quais de gares : comme si nous étions sur une chaîne tout-infos ! Peu à peu, mon travail de documentariste s’est trouvé remis en cause, caricaturé. Jusqu’à cet épilogue désespérant. C’est consternant».
La décision de France 5 est-elle la conséquence de simples divergences éditoriales? Si oui, comment se fait-il que durant ces trois années de tournages et d’enquêtes France 5 n’a pas fait valoir, à aucun moment, ses arguments ? Ou tenté d’infléchir la ligne éditoriale de ce documentaire parti aux oubliettes au moment où la SNCF implose ?
Restent aujourd’hui des questions que se pose le réalisateur : « Y a-t-il eu des pressions pour empêcher sa diffusion? Du gouvernement ? De syndicats de la SNCF ? De quelques cadres dirigeants de l’entreprise ? Je n’en sais rien, mais j’aimerai savoir», conclue celui pour qui cet épisode ressemble à un immense gâchis.
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mai 9, 2018
Surement pas assez télé-réalité (j’ai failli dire « vulgaire »), ni bien-pensant, ni politiquement correct.
mai 10, 2018
Et pourquoi ne pas le diffuser sur une autre chaîne ou sur internet, ce documentaire ?
mai 14, 2018
France 5 est détenteur des droits…