Qui a dit qu’Emmanuel Macron regardait de loin le train de nominations que l’on attend pour ces tous prochains mois dans l’audiovisuel public, ainsi qu’à la tête du Festival de Cannes ? L’entourage du chef de l’État a beau dire que ces questions sont subsidiaires, que les priorités sont ailleurs dans l’esprit de celui qui aurait pour unique préoccupation le dossier des retraites, il n’en est rien.
Présidence France Télévisions, holding de l’audiovisuel public, Arte, Festival de Cannes…le locataire de l’Élysée entend suivre de très près l’ensemble de ces dossiers. Comme le casting des futurs responsables d’un audiovisuel public profondément réformé avec la loi qui s’apprête à être débattue à l’Assemblée et au Sénat.
Malgré les propos de tribunes, qui ont vu le chef de l’État prôner une rupture avec les mœurs précédents, rien n’a en effet changé sous le soleil avec son élection: l’Élysée et son locataire restent l’épicentre. Et l’audiovisuel, au sens large du terme, un domaine réservé.
Plusieurs signes le confirment depuis quelques jours avec, d’une part, l’appel à candidatures pour la présidence de France Télévisions, la succession de Véronique Cayla à la tête d’Arte et d’autre part, la nomination du prochain président du Festival de Cannes, qu’occupe aujourd’hui l’ancien PDG de Canal+, Pierre Lescure. Un ensemble de dossiers que suit le chef de l’État avec une extrême attention.
On l’a vu ainsi récemment s’agacer de l’agitation qui règne au sein du conseil de surveillance d’Arte, que dirige le philosophe Bernard-Henri Lévy : Emmanuel Macron a fait comprendre que la nomination de celle ou celui qui prendra prochainement les rênes de cette chaîne franco-allemande était une affaire qu’il entendait suivre de près. Née sur les fonts baptismaux de la réconciliation franco-allemande, cette chaîne reste un enjeu politique et diplomatique. Et l’une des chasses gardées de l’Élysée.
De même des candidats qui se préparent, en coulisses, à postuler pour la présidence de France Télévisions. Tous ont compris que l’Élysée et son locataire vont très fortement peser dans cette nomination. Et que se lancer dans cette bataille la fleur au fusil, sans un blanc-seing de d’Emmanuel Macron, était non seulement périlleux, mais illusoire. C’est ainsi que certains des candidats qui se préparent à se lancer dans cette bataille vont aller sonder le château et son locataire. Prudente démarche…
Car c’est une tradition bien française, presque aussi vieille que la cathode: point de salut sans l’onction présidentielle. Si le CSA désigne, c’est bien le Président de la République qui tranche et donne l’imprimatur. Ce fut ainsi le cas précédemment avec François Hollande qui fut consulté par l’ancien président du CSA Olivier Schrameck, quand il s’est agi de nommer Delphine Ernotte à la tête de France Télévisions. Et ce sera encore le cas en avril prochain, quand l’actuel patron de l’instance de régulation, Roch-Olivier Maistre, aura sur son bureau la liste des candidats en lice. Lui aussi ira sonder celui qui l’a nommé à la tête du CSA. À quelques mois des municipales et à quelques encablures de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron, comme l’ensemble de ses prédécesseurs, entend garder un œil aiguisé sur le Paf.
À ce titre, il est instructif de regarder dans le détail le dispositif législatif mis en place pour la nomination des futurs responsables de chaînes publiques, ainsi que de celle ou celui qui prendra les rênes de la holding de tête de l’audiovisuel public, son vaisseau amiral : la composition des conseils d’administration, qui désigneront demain les dits directeurs généraux et PDG, en lieu et place du CSA, est un chef-d’œuvre de savant équilibre, un verrouillage digne des plus belles heures de l’ex–ORTF. Les représentants de l’État y occuperont une place prépondérante et déterminante. De telle sorte que ce sera l’État qui aura in fine la haute main sur l’ensemble de ces nominations.
Quant au patron de la future holding de tête, sa désignation revient en dernier lieu au Président de la République : une nomination paraphée par un décret gouvernemental. Bien que consultés, le parlement et le CSA pèseront demain peu de choses dans la balance.
Il est au passage étrange d’entendre régulièrement l’état brandir l’exemple de la BBC comme modèle absolu d’une télévision indépendante. Poussé vers la sortie par le gouvernement travailliste et son premier ministre, Boris Johnson, son directeur, Tony Hall, vient de faire ses valises.
Même le Festival de Cannes n’échappe pas à ce particularisme. On aurait pu imaginer que la direction de ce prestigieux organisme soit désormais l’affaire du monde du cinéma et uniquement de celui-ci. Or ce n’est pas le cas. Le président du Festival de Cannes est élu par le conseil d’administration de l’Association Française du Festival International du Film : laquelle instance, qui compte 28 membres, repose sur un subtil dosage entre le monde du septième art et les pouvoirs publics, représentés par deux membres de cabinets ministériels, l’un de la Culture et l’autre des Affaires étrangères. Or ce mode de désignation n’a pas été réformé avec l’élection d’Emmanuel Macron. C’est ainsi que le sort de Pierre Lescure -dont le fauteuil est notamment brigué par la présidente sortante d’Arte, Véronique Cayla- reste aujourd’hui entre les mains du chef de l’État.
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