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C’est une photo qui a fait le tour du monde. Une photo qui a pour ainsi dire lancé la campagne d’Emmanuel Macron il y a cinq ans. Et dont le ministre-candidat à l’époque s’était félicitée, après qu’il l’ait choisie parmi une centaine d’autres réalisées ce jour d’août 2016 sur une plage de Biarritz. Un cliché qui a une histoire.

Ce jour d’été Emmanuel et Brigitte Macron avaient décidé de faire quelques pas sur cette longue langue de sable biarrote. Le tout devant l’objectif d’un paparazzi spécialement réquisitionné pour l’occasion et dépêché sur place par la taulière de cette profession et dirigeante de Bestimage, Michèle Marchand.

A l’époque l’entourage du jeune ministre estime que l’image de leur poulain est quelque peu brouillée. Celle d’un ancien banquier d’affaires parachuté en politique que les français découvrent. D’un jeune ministre venu du monde de la finance avant d’être propulsé au sommet de technostructure de l’état. D’un homme plus proche de Wall Street que de nos terroirs.

Il s’agissait alors dans l’esprit des communicants qui l’entourent et le conseillent d’arrondir, de populariser, l’image d’Emmanuel Macron qu’une majorité de français connaissaient en fait assez peu quand il annonce son intention de se lancer à l’assaut de l’Élysée. Or le hasard a voulu ce jour-là que le couple croise sur son chemin et de manière totalement inopinée un nudiste.  Le fameux nudiste.

Après avoir visionné la totalité des photos réalisées par le photographe Brigitte Macron avait estimé, la première, que cette photo-là précisément, plus que toutes les autres, ferait inévitablement mouche. Ce qui fut le cas avec un effet boule de neige et des sondages à la hausse dans les jours qui suivent sa publication dans les colonnes de Match.

Je rapporte dans ce livre (*) – publié ces jours-ci chez First-  un déjeuner qui eut lieu quelques semaines plus tard entre le couple Macron et Guillaume Durand. Déjeuner au cours duquel Brigitte Macron avait glissé, amusée, à l’oreille du  journaliste: «  j‘ai bien plus fais avec cette photo qu’Emmanuel en cent réunions électorales aux quatre coins de la France ! ».

Cette remarque, qui mériterait réflexion, n’est pas anodine. Elle dit l’importance qu’attachent déjà à l’époque Emmanuel et Brigitte Macron à la photo comme outil de communication.

L’image plus que le texte. Le cliché plus  que le verbe. On serait bien en peine de citer un discours de Macron depuis cinq ans. De même de Georges Pompidou il y a maintenant plus de 60 ans qui, lui aussi,  ne fut pas un très grand orateur. Macron et Pompidou?  Deux présidents de la République dont l’iconographie est tout simplement monumentale.

Si Pompidou permit aux photographes de l’immortaliser sur toutes les coutures et à maintes reprises tout au long de sa mandature (avec une collection de clichés parmi les plus belles d’un président de la République sous la Ve) Emmanuel Macron est quant à lui et sans conteste le président le plus photographié de ces 70 dernières années. Le fonds photographique Getty Images comptait  à lui seul en 2018 près de 35 000 photos.

Le poids des images : comme Georges Pompidou, qui fait figure de précurseur en la matière, Emmanuel Macron a tout de suite compris l’importance de la photo en politique. Etonnante conversion  pour un homme de cette génération qui à l’heure des réseaux sociaux et de l’info en continue attache une importance toute particulière à cet art que l’on pensait suranné en politique, mais dont il su faire un  vecteur.

Macron est ainsi le premier candidat à l’élection présidentielle à incorporer dans son dispositif de campagne et ensuite tout au long de son quinquennat, des paparazzi qu’il embarque à ses côtés dans son aventure. . Sébastien Valiela, l’un des plus célèbres d’entre eux, à l’origine notamment des photos de François Mitterrand et Mazarine au restaurant Le Divellec et de François Hollande, débusqué en descente d’adultère rue du Cirque, est aux premières loges. Jamais loin de lui tout au long d’un quinquennat dont ce chasseur d’images aura immortalisé bien des séquences.

C’est ce photographe qui réalise notamment la toute première photo de Brigitte Macron prise en 2015  au détour d’une rue de la butte Montmartre à Paris où elle se balade en compagnie de son époux : une fausse paparazzade que publie Voici et qui signe le début d’une longue collaboration entre Sébastien Valiela et le couple.

J’en viens du coup au sujet qui m’occupe ici : alors que nous bouclions cet ouvrage, au sein duquel est broché un cahier photos, l’Elysée nous a fait savoir que deux d’entre elles, acquises par mon éditeur  auprès de l’agence Bestimages qui ont détient les droits, ne pouvaient être publiées. Il s’agit de celles ci-dessus de Biarritz (justement) et d’un autre cliché pris celui-ci à l’été 2020 au large du fort de Brégançon : celle d’un Emmanuel Macron photographié aux commandes d’un jet ski. Sommés de les retirer de l’ouvrage nous n’avons pas eu d’autre choix que d’obtempérer.

Je vous avoue sur le moment ma surprise.

Pourquoi une telle demande pour des photos qui avaient été en son temps non seulement décidées, mais dûment choisies par Emmanuel et Brigitte Macron ? Après enquête et réflexion je me suis rendu à ce qui me semble être une évidence, puisqu’il ne s’agit pas de censure. Ce serait la facilité que d’écrire cela.  J’en suis arrivé à la conclusion qu’il s’agit là de la volonté d’un dirigeant qui  parce que rentrant en campagne pour un nouveau mandat décide de remettre les compteurs de sa communication à zéro.

C’est aussi le réflexe d’une figure politique attachée au moindre détail. Qui estime que  les photos de 2017 ne peuvent plus  être celles de 2022. Qu’à nouvelle campagne, nouvelles images, nouveau récit et nouvelles illustrations. Bref que ces deux photos qui appartiennent au passé sont aujourd’hui hors sujet. Et que l’ histoire qu’Emmanuel Macron veut aujourd’hui écrire suppose une autre iconographie:  un autre recueil.

(*)