L’histoire du Paf de ces vingt dernières années retiendra l’émergence d’une chaîne, Canal+, devenue une vache à lait et le premier contributeur d’une série d’activités qui n’existeraient plus dans ce pays sans elle. On a appris ainsi hier que la chaîne cryptée, sans laquelle le cinéma français, qu’elle assiste et finance largement, aurait été rayé de la carte depuis belle lurette, va voir sa contribution au compte de soutien des industries de programmes audiovisuels relevée et passer de 4,5% à 6,7% de son chiffre d’affaires. Soit une taxe supplémentaire de 20 à 25 millions d’euros par an. Peccadille. Quelle entreprise privée d’un tout autre secteur industriel accepterait de payer de sa poche pour financer l’ensemble d’une activité: imaginez Carrefour ou Auchan contraints par l’Etat de rémunérer des filières en difficulté, céréaliers ou producteurs de lait!! On devine l’émeute.
L’Etat a donc trouvé en Canal+ un banquier idéal qui joue à périodes régulières dans le paysage télé le rôle qu’endosse depuis des lustres la Caisse des Dépôts dans l’économie de ce pays : celle d’un bailleur de fonds que l’on ponctionne au gré des besoins des uns et des autres.
Outre le cinéma et la fiction française, qui vivent sous les perfusions du groupe Canal+, le football est également totalement assisté. Sans l’énormité des sommes exigées par la Ligue nationale de football (quelques 650 millions d’euros), pour que « Canal » puisse diffuser le championnat de Ligue 1, la quasi-totalité des clubs français auraient mis la clé sous la porte, puisque le budget de clubs comme ceux de Lyon, de Marseille, de Paris, de Bordeaux, de Toulouse ou de Lille et j’en passe, dépendent pour plus de la moitié des recettes issues des droits télés dont Canal+ est aujourd’hui le propriétaire. Si bien que Le foot vit dans une économie virtuelle, sans recettes propres ou si peu.
C’est ainsi que l’économie de ce sport, comme le devenir du Septième art et de la création française, dépendent aujourd’hui de la santé et de la solvabilité d’un groupe audiovisuel. Canal par-ci, Canal par-là. Il est assez scandaleux que dans cette affaire de taxe, l’Elysée et le ministère de la Culture aient exigé des dirigeants de Canal+ une contribution supplémentaire, en échange du maintien d’un taux de TVA à 5,5% : donnant-donnant. L’Elysée et Nicolas Sarkozy, qui ont régulièrement en ligne de lire cette chaîne pour des raisons que l’on connaît, (Le Grand Journal, les billets de Jean-Michel Aphatie, le Zapping, Le Petit Journal de Yann Barthes…) n’hésitent donc pas à sanctionner cette entreprise en la taxant dès que possible. « Dans un univers bousculé depuis une décennie par les chocs technologiques successifs, on pourrait attendre des pouvoirs publics un souci d’accompagnement et de stabilisation des acteurs de l’industrie. Pour ne pas espérer même une action plus volontaire qui aiderait à renforcer des champions nationaux mis à rude épreuve dans un univers de réseaux numériques (à peu près totalement) ouverts. », écrit le patron de NPA Conseil, Philippe Bailly sur son blog. On ne peut qu’adhérer.
Quel est donc ce pays où l’on se gargarise au sommet de l’Etat de défendre et de promouvoir la Culture avec un grand «C», sans s’en donner les moyens budgétaires et qui s’en va du coup siphonner les recettes d’un groupe privé déjà largement mis à contribution ! Sans être un ultra libéral, on peut s’étonner de telles pratiques contraires à l’économie de marché, le vilain mot. J’ai pour ma part en mémoire les déclarations nombreuses de Nicolas Sarkozy prêchant à juste titre en faveur de l’émergence, en France, de groupes audiovisuels suffisamment solides pour aller affronter des géants comme Murdoch ou Time-Warner. Je ne suis pas sûre que cette politique qui consiste à rogner les ailes d’une chaîne traitée comme une caisse de secours pour secteurs en difficulté soit la meilleure manière d’aborder la question.
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septembre 30, 2010
En même temps des lois comme Hadopi sont votées exactement pour protéger des monopoles d’abonnements et de distribution de produits « culturels » dont Vivendi (Canal+ / CanalSat / VU Games / Universal Music / Zaoza) est un des champions mondial.
Un peu comme la distribution de l’eau ou du câble, à une autre époque qui étaient assurée par des sociétés arrosant le politique de billets comme on arrose une pelouse de golf, ces sociétés abusent de leur pouvoir de lobbyisme financier pour protéger leurs parc de mouton (l’abonnement… produit du futur pour garder le troupeau)
Il est donc normal de le leur faire payer un peu en contrepartie… Que Canal crache, ça me fait plaisir, mais une TVA à 19,6 aurait été plus normale, ça aurait moins faussé la concurrence avec les autres moyens de distribution de la « culture ».
septembre 30, 2010
Il ne faut pas exagérer, ce billet est à peine partial !!!
Le groupe Canal+ fait des centaines de millions de bénéfice chaque années. Hégémonique, il a totalement absorbé son seul concurrent (TPS) et il bénéficie de privilèges exhorbitants.
Ainsi par exemple, vous oubliez de mentionner que Canal+ exploite la manne publicitaire pour ses émissions en clair, mangeant au passage une part très importante de l’unique ressource économique des chaînes 100% gratuites de la TNT.
À l’origine, entre 195 et 1990, ce privilège consistait à « sauver » la chaîne en difficulté.
Il ne faut pas non plus oublier l’autorisation de diffuser des films X, une « exclusivité » unique en hertzien.
Enfin, alors qu’on impose 19,6% à ses concurrents (opérateurs ADSL), pourquoi maintient-on le privilège d’une TVA réduite 5.5% en faveur de Canal+ ?
Il est trop facile d’évoquer le soutien au cinéma. TPS Star était assujettie à des clauses comparables. Orange TV aussi. Désormais, elles sont « absorbées » par Canal+.
Enfin, il faut souligner son tarif d’abonnement : 45 euros par mois + caution du récepteur = près de 700 euros la première année et plus de 500 € les années suivantes.
Au Royaume-Uni ou en Allemagne, l’offre Premium équivalente revient à 30 euros !!!
En conclusion, sans ses exclusivités Cinéma, Canal+ ne serait rien et deviendrait la « chaîne du foot ».
Il conviendrait d’être un peu plus équilibré dans l’analyse.
Le groupe Canal+ est une entreprise ultra-rentable cotée en bourse, qui a organisé plusieurs plans sociaux pour se débarrasser de centaines d’employés et qui déploie des méthodes marketing plus que discutables (vente ou location forcée de décodeurs, la HD au prix fort avec supplément, verrouillage anti-enregistrement de ses chaînes, etc…).
En espérant que vous saurez intégrer dans vos prochains éditos, une partie de ces observations…
Bien cordialement
octobre 1, 2010
Et Canal Plus a une politique salariale très contestable. Regardez la grille de rentrée d’I-télé et Canal. Que de disparus!