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Michel Rocard: "La télévision casse la politique"

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Qu’en est-il du divorce entre la politique et les médias, question récurrente? Quelle responsabilité porte la télévision dans cette fracture qui ne cesse de se creuser entre journalistes et responsables politiques, alors que de Arnaud Montebourg à Bernard, Tapie, en passant par Jean-Luc Mélenchon, les critiques se multiplient. 

Théoricien de la communication, l’Américain Neil Postman, qui dirigea le Département Culture et communication de l’université de New York, publiait en 1985 un ouvrage de référence _ Se distraire à en mourir_, dans lequel il se livrait à un réquisitoire en règle et sans concession contre la télévision, accusée de formater la société et de décerveler les citoyens.

 Edité en France pour la première fois, (aux éditions Nova), cet ouvrage contient une préface signée de Michel Rocard. L’ancien Premier ministre y jète un regard cruel sur les médias en général et le petit écran en particulier, accusés au nom du sensationnalisme et d’une approche exclusivement commerciale de l’information de dévoyer et de réduire le discours politique à sa plus simple expression. Je l’ai rencontré voilà quelques jours à Paris et il a accepté de répondre aux questions qui suivent et qui font l‘objet d’un entretiren publié cette semaine dans l’Express.  

 

 

 

Neil Postman explique dans son ouvrage que le petit écran ne serait qu’une vaste entreprise de divertissement dans laquelle les politiques iraient se fourvoyer. Et vous ajoutez, en préface de ce livre, que la télévision « casse le travail des politiques ». En quoi ce média serait-il destructeur?

Michel Rocard: De beaucoup de manières. Les contraintes économiques de ce média qu’est la télévision, _cet instrument devant lequel les Français campent en moyenne 3 heures par jour, il faut le rappeler _ sont telles que l’on ne peut pas y diffuser de l’explication, de l’analyse, de la statistique et du raisonnement à moyen ou long terme: considérant que c’est la condition absolue pour ne pas perdre d’audience, les professionnels de ce secteur ont choisit de privilégier le spectacle et l’affectif, au détriment du fond. Amplification de l’effet d’annonces, raccourcis de l’information, annonce de toute décision sans mise en perspective ni rappel du contexte : le petit écran, a entériné la disparition du temps long.

Pas seulement à l’intérieur même des journaux d’information, de 13 heures ou de 20 heures, mais sur l’ensemble des grilles de programmes des chaînes. Je ne me souviens pas avoir vu jusqu’ici à la télévision la moindre attention porté sur un sujet qui aille au-delà de la prochaine échéance électorale ! Or on le sait: en politique, tout ce que l’on met en chantier produit ses premiers effets au minimum dans les dix ans qui viennent, et en tous les cas pas avant les deux ou trois ans qui suivent la mise en place de la dite mesure. Cette disparition du long terme à la télévision est d’autant plus terrible qu’intervient le regard enfantin : les journaux d’information induisent les questions que les plus jeunes, dont le regard sur la société est formaté par le petit écran, sont amenés à poser à l’école.

 L’autre mal profond dont souffre la télévision, c’est le refus de la complexité : dès que vous avez un entrelacs d’arguments ou de faits rassemblés pour comprendre un évènement ou une simple information qui nécessiterait un début d’explication, c’est impossible : les acteurs de la télévision vous affirment qu’un tel exercice d’approfondissement suppose une attention toute particulière qu’aucun téléspectateur n’est en mesure, selon eux, de soutenir. Au motif que nous formerions une nation inepte et incapable de réflexion ? C’est consternant. Elle est loin l’époque où le fondateur du Temps donnait pour seule consigne à ses journalistes : « Faites emmerdant!»

 J’ajoute à cela, et dernier point, que ce refus de la complexité, que cette schématisation à l’extrême de l’information, mènent inévitablement à un appauvrissement de la langue qui perd de ses nuances et de sa richesse. Les journalistes vont au plus parlant, avec un vocabulaire réduit au strict minimum : faire court est devenu la règle. Je me souviens avoir rencontré un jour une journaliste d’une grande radio qui m’avait donné une minute trente chrono pour développer ce qu’elle appelait mon «projet de société»: j’avais ostensiblement tourné le talons…    

Ce vocabulaire minimaliste, les politiques l’ont également adopté?

Oui et par la faute de journalistes qui ont bouleversé tous les codes de notre  métier: la politique dans les médias n’y est plus traitée que sous la forme du combat permanent que se livrent les ambitions conflictuelles. La pente est générale: on charge sur les individus, on personnalise le discours et on oublie les institutions. Jamais vous verrez une chaîne reprendre la déclaration d’un parti politique, elle préfèrera un bout de commentaire ou la petite phrase de tel ou tel responsable de parti, même de second plan. Si bien que la vie politique dans notre pays se résume pour la télévision et la presse à une joute de gladiateurs.

Tout cela oblige les responsables de parti à se référer exclusivement à la compétition permanente qui les oppose et que mettent les chaînes en exergue, avec une gourmandise coupable. La politique est devenue ainsi l’un des piliers de l’Entertaitment,  un spectacle qui voit des responsables de premier plan  condamnés à jouer de leur charisme ou à donner aux médias un peu de leur vie privée, quand ils devraient se borner à expliquer aux français pourquoi nous sommes en pleine crise financière.

 Même la presse écrite, qui aurait pu se distinguer et prendre le contre-pied de la télévision, joue à fond la personnalisation au détriment des idées. Souvenons-nous de l’homme de presse américain, William Randolph Hearst, qui en réponse dans les années vingt à l’un de ses reporter envoyé à La Havane, qui se plaignait de n’avoir rien à se mettre sous la dent _ ni histoires, ni conflits, se lamentait-il _ lui avait adressé ce message, par télex: «Vous ordonne de rester. Fournissez les récits, je fournirai la guerre ». Cette phrase mémorable sonna le début du décrochage de la presse écrite vers le règne de la marchandise et de la vente à tout prix. Quatre vingt dix ans plus tard, rien n’a changé, tout a empiré.    

Mais si le discours politique vous semble galvaudé, c’est d’abord parce que les politiques eux-mêmes ont capitulé en acceptant de se caricaturer à coups de petites phrases et de formules réductrices. De celles qui font le «buz», comme on dit…

Naturellement. Mais le choix qui leur ait offert est mince : ou bien, ils acceptent d’en passer par les fourches caudines et les règles de la télévision, ou bien ils disparaissent ! Ce système a été poussé si loin qu’il n’y a même plus de débat interne au sein de nos partis politiques. Tout est sur la place publique, tout n’est plus que spectacle. Nous sommes devenus le tiers obligé d’une profession qui dicte ses règles. Je me souviens que, licencié de mes fonctions de Premier ministre le 15 mai 1991, j’avais entendu un matin Jacques Chirac expliquer sur les antennes que  Michel Rocard avait  «vidé les caisses de l’Etat». Mon sang n’avait qu’un tour et dans la foulée j’avais reçu, cela n’étonnera personne, une quarantaine de demandes d’interviews. Terrorisée, mon assistante m’avait dit, «Monsieur, qu’est-ce qu’on fait? Je lui avais fait répondre: «J’irai partout à la condition que la direction de la chaîne ou du journal en question accepte de donner les chiffres exacts du déficit public, tels qu’ils étaient alors publiés au Journal Officiel, chiffres qui montraient que j’avais à l’époque réduit ce fameux déficit de 45 milliards de francs. Aucun média n’a accepté de publier mon bilan.  

Péché par omission, paresse collective?

Non, pur réflexe marchand. L’argument de vente étant le conflit, la publication de ces chiffres réduisait à néant ma confrontation avec Chirac et n’avait du coup plus d’intérêt pour des médias qui ne peuvent vendre que du drame. Voyant que personne ne prenait à bras le corps un sujet qui devenait à leurs yeux ennuyeux à en mourir, je me suis retiré sur mes terres et n’ai jamais apporté le moindre démenti aux allégations de Jacques Chirac! 

«Faire emmerdant » dites-vous. En faisant du Rocard dans le texte toute votre vie, sans transiger sur la forme, au risque d’en être parfois inaudible, n’avez-vous pas compromis une partie de votre parcours politique?

L’inverse aurait été pour moi un pari intenable, or ce que vous invoquez ne m’a jamais empêché de rester le chouchou des sondages. Mon degré d’exigence a toujours été tel que jamais je n’aurai accepté d’entrer dans un jeu qui participe de la nocivité de la télévision et de  dérives que je dénonçai déjà dans un petit livre intitulé Le cœur à l’ouvrage, qui date de…1987! 

Vous regrettez, dans ces quelques pages que vous signiez, la confrontation entre journalistes et politiques. Lesquels n’ont jamais ménagé la presse, de François Mitterrand à Nicolas Sarkozy.

Ce sont des comportements auquel je n’ai jamais adhéré, car naïfs et inefficaces, mais de défense. Historiquement la presse a gagné sa respectabilité et sa place en se confrontant avec le pouvoir et personne, à droite comme à gauche, ne se risquerait à revenir en arrière sur sa liberté. Résultat, la suspicion entre ces deux corps est générale : chaque fois qu’un nouveau média est apparu, les politiques ont toujours tenté le contrôler. Mon rêve serait un pacte professionnel qui verrait journalistes et politiques s’engager sur quelques règles allant du respect de la vérité des faits et l’exigence de la complexité. L’Etat ne peut pas mener cette réflexion, sauf à réouvrir un front avec votre profession. Quant aux patrons de médias, animés par le spectaculaire ils restent guidés par des objectifs de rentabilité, d’audiences et de vente au numéro. C’est donc l’impasse.          

Le député socialiste Arnaud de Montebourg s’est livré à une charge violente contre TF1, accusée de dispenser une idéologie ultra conservatrice. A t-il raison?

Montebourg se trompe de discours. L’idée que TF1 soit partiale, si c’est le cas, est parfaitement secondaire, par rapport au fait que cette chaîne peut se révéler complice d’une détérioration de la capacité de pensée de la société en n’expliquant pas les choses doctement. Tout média qui respecterait les exigences de l’intelligence et de l’information, même si c’est au nom d’une vision de droite, favoriserait le civisme et la participation politique. Or réduire cette question à quelques mots chocs qui font échos dans les médias ne fait guère avancer le débat   

 

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12 Comments
  • azise b
    octobre 19, 2010

    TÉLÉ BIFIDUS ACTIF:ON PENSE PUB!ON RÊVE PUB!ON AIME PUB! La télévision, s’inscrit dans le détournement du désir. Le politique comme l’artiste se retrouvent pris au piège de la publicité. On parle de télévision, mais en réalité, on devrait parler de publicité. La télévision ne vend pas de l’intelligence, ou du divertissement. Elle vend la pub et organise le tout stupide autour de ça. Les fameux cerveaux disponibles de l’ancien patron de TF1 était honnête dans sa formulation. C’est le yaourt, la voiture et le reste, les vraies stars de la télé. La pub a liquidé depuis déjà, peut-être toujours, la création. On pense pub, on dort pub, on aime pub. Alors a quoi bon se poser la question encore et encore et rester dans l’impuissance du « bifidus actif! »

  • daniel rené villermet
    octobre 20, 2010

    p-p y kSS plus les briqes

  • milesi
    octobre 22, 2010

    enfin une personnalité de premier plan qui dit sur les medias (pour la télé c’est dit assez souvent) ce que tout le monde pense (tout bas en general)depuis plusieurs (dizaines ?) années

  • Durand Jean-Paul
    octobre 24, 2010

    Enfin , une juste analyse et critique d’un outil qui se révèle de moins en moins au service de la démocratie et utile pour sa pérennité !
    En effet il faut que chaque acteur (politiques , média) retrouve sa place .Assez de chercher à jouer les gladiateurs ! alors que les enjeux de la France supposent un travail de fond sur l’information économique ! et d’arrêter de tromper les individus ( ou de les endormir )avec la télé-réalité

  • fauche Suzanne
    novembre 1, 2010

    Une simple citoyenne tient à vous dire le réconfort politique que m’apportent tous vos articles dans le Nouvel Obs, l’Express et ailleurs. Votre façon d’exprimer votre conviction dans la paix du dialogue, le respect de l’autre, une recherche éthique sont réconfortants dans cette période où « le politique » est si tristement décevant.
    Acceptez ce petit mot de gratitude de Suzanne Fauche soeur de Lorrain Cruse

  • Julie T
    décembre 15, 2010

    Excellent !

    J’ai lu un interview sur Michel Roccard sur le site du magazine Snatch (découvert depuis peu mais excellent!)

    Le lien pour les interessés.

    http://snatch-mag.com/?p=2631

  • the affiliate code
    février 10, 2011

    I am not rattling fantastic with English but I come up this really easy to interpret .

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    février 10, 2011

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  • Partvilla
    mars 12, 2012

    C’est inadmissible et inacceptable dans un pays qui s’appelle la France que l’on en soit là! Que les médias se posent en marchands du temps de parole alors qu’ils nous matraquent (et le mot n’est pas trop fort!) gratuitement (sans mesure du temps pris) avec des stéréotypes, sans compter les interruptions systématiques et répétées des personnes soit-disant interviewées, les rapports tronqués et biaisés, les mises en valeurs de « mots » hors de leur contexte! Cela me fait Pitié et Honte!
    Honte à vous, les agents des médias qui vous prêtez à ce jeu, et qui avez été sélectionnés pour vos « qualités de capacité d’orientation et d’interruption dans l’interview », honte à vous, responsables qui les avez choisis!
    Cela me dégoûte ! Je ferme la TV dès que je les entends! Par qui sont-ils payés? Mais par moi et par vous !

  • detail health benefits
    juin 3, 2012

    Even woods have ears. – Italian Proverb

  • Constance Degre
    août 23, 2012

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