A l’occasion, au printemps dernier, du salon « high tech » berlinois IFA, consacré notamment à la télévision connectée à Internet, Eric Schmidt, patron de Google, avait lâché quelques détails sur le lancement de sa propre plate-forme TV. Et de préciser que les débuts de Google TV seraient programmés dès cet automne aux Etats-Unis et « plus tard dans le monde entier, sans doute en 2011 ».
Véritable passerelle entre des contenus télévisés et Internet Google TV risque de se transformer en un véritable tsunami pour les groupes audiovisuels européens qui n‘auront pas anticipé l’offensive du géant américain décidé à attaquer notre bonne vieille télé pour la basculer sur le Net.
Si jusqu’ici les chaînes françaises ne semblaient pas avoir pris la mesure du danger, convaincues que les fictions françaises, la télé-réalité et les divertissements, bref que les bonnes vieilles recettes continueront d’assurer, vaille que vaille, leur fond de roulements, les ambitions et les moyens financiers colossaux de l’ogre américain, qui ambitionne d’investir notamment et massivement sur le marché des séries US, -le nerf de la guerre pour les télévisions généralistes-, risquent de jeter un joli vent de panique.
Déjà équivalent à celui de TF1, le chiffre d’affaires publicitaire de Google France laisse en effet à penser qu’une fois lancé en Europe l’an prochain Google TV risque de commencer par inonder la toile d’un produit d‘appel planétaire : la bonne vieille et solide série américaine. Et il ne faut pas être grand clerc pour penser que les grands détenteurs de droits aux Etats-Unis ne seront pas insensibles à la politique du carnet de chèque d’un nouvel entrant aux allures de Sumo et aux moyens considérables, sur le marché de la télévision.
Si une chaîne comme Canal+ a profondément repensé son modèle économique en investissant lourdement, depuis quelques années, dans la fiction française de haute confection et compenser ainsi l’érosion d’un modèle sport-cinéma déjà ancien qui avait contribué à faire le succès de la chaîne cryptée durant prés de deux décennies, avant de s’éroder, qu’en sera t-il dans cinq ans de chaînes comme M6 et TF1?
Largement tributaires de séries américaines achetées par conteneurs entiers, ces deux chaînes risquent de se heurter de plein fouet à un Google susceptible de rafler des linéaires entiers d’Experts à Miami et Manhattan ou de NCIS, des séries cousues d’or qui une fois raflées par Google iront inonder le net. Et pourquoi s’en priverait-il quand on sait qu’une série comme les Experts, sur TF1, est une «cash machine» sans équivalence ! Acheté 200 000 euros pièce, l’épisode génère aux alentours d’1 million d’euros de recettes publicitaires et permet à la chaîne d’opérer ainsi une marge nette de quelques 600 000 euros : le meilleur rapport prix d’acquisition-audience-rentabilité du petit écran et l’un des tout premiers combustibles et le socle économique de «La Une».
Qu’Internet et Google bouleversent cette économie déjà fragile et redistribuent les cartes, de ce coté-ci de l’Atlantique comme ailleurs, en marchant sur le corps d’un Paf retranché sur son pré carré et il deviendra difficile à TF1 et M6 de tirer leur épingle du jeu. Sauf à réinventer un modèle dont on ne perçoit pas aujourd’hui ne serait-ce que les contours. Attention, danger !
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