Le premier est ce que l’on appelle une éminence grise. Conseiller de Nicolas Sarkozy et personnalité à laquelle on prête nombre d’initiatives du chef de l’Etat, dont la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, Alain Minc n’a jamais ménagé Patrick de Carolis et Patrice Duhamel, les anciens dirigeants de France Télévisions. Quand Nicolas Sarkozy tisonnait les deux hommes, Alain Minc les assaisonnait et ses philippiques ont souvent irrité les intéressés. Esprit véloce et tranchant, ce visiteur du soir n’a jamais caché ainsi ses désaccords avec l’ancien tandem dirigeant de France Télés et ce dernier ne s’en est jamais laissé compter. Le second, aux premiers postes, a ferraillé dix huit mois durant face à un Nicolas Sarkozy qui lui mena la vie dure.
Il semblait du coup intéressant de confronter directement Alain Minc à l’un des deux protagonistes, en l’occurrence cet ancien grand manitou des programmes de France Télévisions qu’est Patrice Duhamel. Les deux hommes ne s’étaient croisés qu’une seule durant les cinq années de la présidence de Patrick de Carolis et la discussion avait été courtoise mais musclée. Cet entretien a été réalisé en compagnie de Christophe Barbier et il est publié cette semaine, dans son intégralité, dans les colonnes de l‘Express, à l’occasion de la publication d’un livre de débat sur le tème de la relation entre la télévision et la politique, (de Giscard à Sarkozy), réalisé en ma compagnie avec les deux frères Alain et Patrice Duhamel, (Cartes sur table, éditions Plon).
Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, l’interventionnisme élyséen s’est-il accru ?
Alain Minc : Non. Nicolas Sarkozy n’est pas plus coutumier des interventions qu’un patron, un élu local, un ministre ou un intellectuel. Tous m’appelaient, quand je présidais le conseil de surveillance du Monde, pour se plaindre d’un article. Il appartient aux dirigeants des médias de faire écran entre les sautes d’humeur de tel ou tel et leur entreprise.
Patrice Duhamel : Patrick de Carolis et moi avons entretenu avec le président de la République des relations souvent électriques, rarement apaisées. Quand, à la fin d’août 2007, nous nous sommes retrouvés à l’Elysée en présence du chef de l’Etat, de François Fillon, de Christine Albanel [alors ministre de la Culture et de la Communication] et d’une brochette de conseillers, j’ai compris que nous participions à une sorte de conseil interministériel. Et nous nous sommes un peu demandé ce que nous faisions là. Nous savions qu’avec un président de la République téléphile et téléphage les choses seraient compliquées, mais à ce point… Nicolas Sarkozy semblait considérer Patrick de Carolis comme un ministre de la télévision publique et moi-même, comme un secrétaire d’Etat aux programmes et à l’information. Cela ne pouvait pas fonctionner, car nous défendions, nous, l’indépendance éditoriale du groupe. Je souhaite à la nouvelle équipe un parcours plus calme.
A. M. : Entre la perversité d’un François Mitterrand et la spontanéité d’un Nicolas Sarkozy, je préfère la franchise du second. Pour les nominations, j’ai toujours préféré le tribunal de l’opinion, la pression qu’elle exerce sur le chef de l’Etat que la boîte opaque du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). On l’a vu avec la désignation de Rémy Pflimlin : la presse a été un contre-pouvoir bien plus fort que si cette nomination s’était déroulée dans le huis clos du CSA. Il y a une règle : celui qui régule ne nomme pas et celui qui possède nomme. Pourquoi mettre une décision aussi importante que le choix du PDG de France Télévisions entre les mains de gens qui, pour la plupart, sont hors d’état de prétendre au poste dont ils débattent ? Je préfère la responsabilité politique aux manœuvres de cénacles.
P. D. : C’est un retour en arrière ! Il serait temps de couper vraiment le lien entre les médias publics et l’exécutif, qu’il soit de droite ou de gauche. Tout le monde reconnaît que ce processus de nomination crée un climat d’arrière-pensées et de suspicion. C’est pourquoi nous proposons dans le livre un nouveau mode de nomination des membres du CSA : ils seraient désormais désignés par les commissions des Affaires culturelles de l’Assemblée et du Sénat, en toute transparence et à la majorité qualifiée des trois cinquièmes. Cela impliquerait un consensus politique. Le CSA élirait ensuite son président et nommerait les patrons du service public. Ce serait infiniment plus sain.
A. M. : Notre vraie divergence est là. L’idée que des hommes ou des femmes dont la fonction est de réguler le paysage audiovisuel soient par ailleurs ceux qui nomment me paraît contraire au principe de transparence. De par son tropisme étatique, la France n’a pas la culture des boards of trustees, ces conseils d’administration à l’anglo-saxonne qui savent prendre des décisions hors de toute pression ou ingérence. Le bon système, à mes yeux, verrait le Conseil des ministres proposer aux commissions des Affaires culturelles du Sénat et de l’Assemblée son candidat à la présidence de France Télévisions, pour validation à la majorité des trois cinquièmes. Aujourd’hui, il faut trois cinquièmes des parlementaires pour rejeter le président choisi, ce qui est très différent…
Certains voient dans l’éviction de la directrice de l’information de France Télévisions, Arlette Chabot, la main du chef de l’Etat… Règne de la suspicion ?
A. M. : Oui, et c’est pourquoi ni le président de la République ni le PDG de France Télévisions, qu’il nomme, ne peuvent, par leur comportement, susciter le moindre soupçon.
P. D. : Arlette laisse en tout cas un excellent bilan.
Quelles sont les erreurs de Nicolas Sarkozy à l’égard de la télévision publique ?
P. D. : J’en cible quatre. Une erreur de management : le chef de l’Etat annonce un beau matin la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, sans que nous ayons été informés ! Une erreur d’analyse : il affirma, à tort, que la ligne éditoriale de France Télévisions ressemblait à celle des chaînes privées. S’ajoutent à cela le nouveau mode de nomination des dirigeants et le financement du système. Cela fait beaucoup.
A. M. : Patrick de Carolis et vous n’avez pas été plus mal lotis que Jack Lang, alors ministre de la Culture, apprenant un soir devant sa télé que François Mitterrand allait privatiser ! Ces pratiques relèvent de l’ADN de la Ve République.
Le paysage audiovisuel français est-il stabilisé ou encore immature ?
A. M. : La question était pertinente avant l’irruption du Net. Que sera l’audiovisuel dans dix ans, dès lors que les jeunes générations passent plus de temps devant leur ordinateur que devant la télévision ? Toute la régulation de l’audiovisuel devient obsolète face au Net, devenu le vecteur d’expression naturel de la société. Comment vont converger les mondes de la télévision et d’Internet ? Comment rester maître d’une information déversée massivement sur la Toile ? Comment s’assurer que la rumeur ne l’emporte pas sur l’information ? Bref, comment résister à la pression de l’instantané ? Questions abyssales…
P. D. : Malgré l’explosion du Net, la puissance de la télévision n’a pas diminué, grâce à l’essor foudroyant de la TNT, et le temps moyen passé chaque jour par les Français devant le petit écran est toujours de trois heures trente, ce qui est beaucoup. Nul ne sait à quoi ressemblera le PAF dans dix ans, mais il est sûr que les grandes chaînes historiques vont devoir repenser leurs contenus, afin de satisfaire des publics de plus en plus volatils.
A. M. : S’ajoute à cela, énorme lacune, l’absence d’un groupe français de taille mondiale, capable de rivaliser avec Murdoch ou Bertelsmann. La faute n’en incombe pas aux politiques, mais aux industriels, qui ont préféré cultiver leur rente à l’intérieur du village français. Qui s’est aventuré en dehors de nos frontières depuis vingt ans ? Hormis Canal +, autrefois, personne ! La télévision publique, en revanche, fait preuve d’une grande vitalité face au privé partout en Europe : Espagne, Allemagne, Royaume-Uni et France…
P. D. : Et France Télévisions, avec un bouquet de seulement cinq chaînes, conserve une part d’audience supérieure à 30 %. Le secteur privé a fait de la TNT une opportunité de croissance. Le service public aurait pu, à cette occasion, élargir encore son offre, dans l’information par exemple. Mais, comme l’Etat a toujours entretenu avec sa télévision publique des relations conflictuelles, il ne lui a pas laissé l’occasion de se développer davantage. Je me souviens des débats très vifs que Patrick de Carolis et moi avons eus avec le gouvernement Villepin à propos de France 24. Et du mot prononcé, en plein bras de fer, par le directeur de cabinet de l’ancien Premier ministre : « Souvenez-vous que nous sommes sous la Ve République ! » J’en étais resté coi.
La fin de la publicité sur les chaînes publiques et leur mode de financement continuent de diviser l’échiquier politique…
A. M. : Approuvée par les Français, l’idée de la suppression de la publicité n’était pas récente, notamment dans la tête du président de la République. S’est ajoutée l’idée de taxer les opérateurs de téléphonie mobile, pour donner à France Télévisions une vraie indépendance et sortir le groupe d’un face-à-face avec Bercy.
P. D. : Je ne suis pas d’accord. Seules la redevance, votée par le Parlement, et la recette publicitaire sont à même d’assurer l’indispensable indépendance financière. Les taxes prélevées sur les opérateurs de téléphonie mobile transitent par Bercy, qui dispose alors d’un levier réel sur le service public. France Télévisions est souvent considéré davantage comme un établissement d’Etat que comme une entreprise publique moderne. Ses excédents publicitaires devraient être utilisés pour financer le développement numérique des chaînes.
A. M. : Vous dites « indépendance », je réponds « automaticité » : elle protégerait des interventions « bercyesques ». France Télévisions vit un processus propre à toute entreprise publique : on l’a d’abord considérée comme un comptoir, puis comme un établissement public, avant de la voir comme une entreprise, tout en la regardant comme une entité administrative ! Il a fallu quinze ans pour qu’Air France s’émancipe. Patrick de Carolis et vous avez connu la bastonnade budgétaire. J’ose espérer que, dans dix ans, ces pratiques auront disparu et que France Télévisions ne sera plus ponctionnée ni regardée comme une succursale de Bercy.
De quelle émission politique rêvez-vous pour la présidentielle de 2012 ?
P. D. : Au-delà de l’offre actuelle, avec notamment A vous de juger et Mots croisés, d’un nouveau Cartes sur table. Ce fut une très grande émission politique, simple, intense et utile.
A. M. : Je partage ce choix. Ce que je ne supporte pas, c’est la mode qui consiste à placer un candidat face à des Français dits « de base ». Cette illusion de démocratie participative, qui relève du télé-évangélisme, est épouvantable. La seule manière de débusquer quelqu’un qui aspire à la monarchie élective, c’est de le confronter à des journalistes qui connaissent les dossiers aussi bien que lui. L’émission qui fait croire aux Français que Ségolène Royal peut gouverner ne me va pas.
Propos recueillis par Christophe Barbier et Renaud Revel
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novembre 3, 2010
« Esprit véloce et tranchant » Ouh là! C’est gentil ou méchant? Un peu trop véloce, non?
novembre 3, 2010
Je sais que l’homme est une cible facile pour certains (il adore d’ailleurs ferailler avec eux), mais, sincèrement, je ne comprendrai jamais l’intérêt que l’on accorde aux avis d’Alain Minc sur les médias.
Son passage à la tête du Monde en est le révélateur absolu. Dilution de la marque avec la vente d’une partie du monde.fr à Lagardère qu’il va falloir un jour racheter à prix d’or (je pense que c’est unique dans l’histoire d’internet ! je pense qu’investir dans Napster, c’était moins con que ça !), rachat du Midi Libre (on se demande encore pourquoi), crises de gouvernance à répétition. Ventes, ligne éditoriale, ndépendance financière, modernisation des moyens : le passage de Minc au Monde aura été une catastrophe sur toute la ligne (ils en payent encore le prix aujourd’hui).
Rebelote quand il inspire la réforme de la publicité sur FT. C’est sûr, c’est bien pour le téléspetateur de ne plus avoir de pub après 20h00, mais dès y aura baisse du budget alloué par l’Etat au pretexte de la crise, de la redevance qui rentre plus ou de ce que vous voulez, plus moyen de se retourner vers d’autres sources de financement. L’orignalité et la force du modèle français étaient cet équilibre incongru des recettes que lon retrouvait au niveau des programmes. Mais Mister Minc voulait faire BBC…
Je ne remets pas en cause son rôle de go-between (nécessaire dans les affaires), de « mur » sur lequel politiques et grands patrons peuvent faire rebondir leurs idées, mais qu’il soit le conseiller ès médias de Sarkozy et autres, cela dépasse l’entendement. Le pire est que c’est un fait acquis pour beaucoup qu’il possède une vision pointue en la matière. Mais il y comprend kedal à l’avenir des médias le « petit général de Belgique » (ses analyses sur les dix ans qui nous attendent, et notamment sur le web, sont à mourir de rire… il ne doute pas assez pour farie le futurologue) ! Sinon vous avez un projet pour Radio France, Alain ?
février 1, 2011
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février 9, 2011
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octobre 23, 2011
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