Ce n’est pas encore un accident industriel, mais cela pourrait bientôt y ressembler. Lancé il y a plus d’un mois, sur France 3, Midi en France, le nouveau rendez-vous de la chaîne des régions, est aujourd’hui l’un des rapports audience-investissement les moins performants du petit écran : 450 000 téléspectateurs en moyenne, chaque jour, pour un coût quotidien de quelque 140 000 euros. Soit une facture voisine de 7 millions d’euros depuis la création de l’émission.
Estomaqué, l’ensemble du paysage audiovisuel français observe avec perplexité cette embardée. Car, depuis le début de la crise publicitaire, qui frappe un secteur par ailleurs atteint de plein fouet par l’explosion de la TNT, le PAF s’est donné pour consigne de minimiser les risques. L’heure est aux économies et aux concepts importés de l’étranger, dûment manufacturés hors de nos frontières. Jamais les représentants des chaînes tricolores n’ont à ce point sillonné le monde, afin de dénicher des programmes qui, une fois clonés, feront les audiences de demain dans l’Hexagone. Une « contrefaçon » qui vire à l’excès quand l’animateur Arthur est contraint de présenter ses excuses au journaliste de CBS Craig Ferguson, pour avoir fait un « copier-coller » grossier de son Late Late Show diffusé sur la chaîne Comédie…
TF 1, M 6, France 2, France 3 : les chaînes historiques font ainsi tourner à plein régime des « cellules de veille » où, chaque jour, une armée de petites mains scanne, visionne, compile, épluche ce qui se fait de plus efficace à travers le globe. Qu’il s’agisse de jeux, de séries ou d’émissions de télé-réalité produites par des groupes étrangers, tels le néerlandais Endemol ou le britannique Fremantle.
Imaginer les écrans du futur, le tout sur fond d’une inéluctable révolution industrielle – la télévision connectée à l’ordinateur – tel est l’enjeu. « Les nouvelles technologies vont totalement modifier les contenus de demain, commente ainsi Pascal Josèphe, président de l’agence en conseil aux médias Imca. Tout le monde tâtonne, mais se doit d’inventer, à l’heure des réseaux sociaux et des mutations profondes de nos sociétés, une grammaire télévisuelle. »
Une urgence. Car si les Français n’ont jamais tant regardé le petit écran – trois heures et vingt-neuf minutes par jour et par individu âgé de 4 ans et plus en 2001, quatre heures et quarante-deux minutes en 2010 – les nouveaux modes de consommation (vidéo à la demande, télévision sur Internet, etc.) sont en train de bousculer un modèle vieillissant. En l’espace de dix ans, la télévision a d’ailleurs déjà beaucoup changé. Et trois tendances lourdes se dessinent d’ores et déjà pour la prochaine décennie.
Il y a d’abord le poids prédominant des séries américaines. « L’or noir » des chaînes : plus qu’une mode, un diktat. En 2001, cent quarante-six heures de ces séries, vendues en France par conteneurs entiers, étaient diffusées sur l’ensemble des chaînes généralistes, quatre cent soixante-deux heures l’ont été l’an passé, et on dépassera les cinq cents heures en 2011. Le sport, en revanche, n’a plus la cote : le genre est désormais concentré autour de quelques rares événements et d’une seule discipline reine, aux coûts inflationnistes, le football. Dernier phénomène, de loin le plus spectaculaire : l’inexorable montée en puissance de la télé-réalité, ce raz de marée qui noie toutes les composantes des grilles de programmes, du divertissement à l’information.
La loi des séries
Sur le marché, les séries américaines font la loi. Les chaînes françaises l’ont compris de longue date : rien ne peut rivaliser avec la puissance de feu d’une industrie lourde, dont le succès des Experts (Miami ou Manhattan) est le symbole écrasant. Or si TF 1, M 6 et France 2 ont multiplié par deux, voire par trois, le nombre de ces séries diffusées, à jet continu, sur leurs antennes (ce qui en fait les championnes absolues en Europe), c’est bien sûr parce que les audiences sont au rendez-vous. Mais c’est aussi, et d’abord, en raison de leur très faible coût : moins de 200 000 euros l’unité, c’est-à-dire une paille, en comparaison du prix de production d’une heure de fiction sur France 2, le plus élevé d’Europe (1,2 million d’euros, pour 600 000 euros en Espagne ou 750 000 en Italie). « Au-delà du fait que notre fiction nationale ne s’exporte pas, sauf rares exceptions, on bute ici sur le corpus de règles qui encadrent cette activité en France, avec ses contraintes techniques, syndicales, législatives et salariales », souligne le PDG de M 6, Nicolas de Tavernost.
Les industries audiovisuelles anglaises ou américaines, qui n’ont pas ces obligations, exploitent le filon, pour le plus grand bonheur de la BBC et de Hollywood, avec des techniques de tournage inspirées du 7e art. Et elles anticipent déjà les attentes du public, en intégrant de plus en plus dans les scénarios en préparation des ingrédients issus de la télé-réalité ou de faits d’actualité. Conflit irakien, soubresauts du monde arabe, menaces terroristes, vie de couple ou homoparentalité : tout est exploité. On a ainsi vu récemment la BBC proposer aux chaînes du monde entier un programme – The Taking of Prince Harry – mettant en scène un vrai faux enlèvement du prince britannique en Afghanistan ! D’ici à dix ans, ce type de « docu-fiction » devrait se développer fortement.
Coup de pompe sur le sport
Déficitaire et inexorablement condamné à migrer sur des canaux réservés, comme Canal +, le sport est appelé à connaître (hormis les événements majeurs tels que les Jeux olympiques ou la Coupe du monde de football) un avenir en peau en chagrin, sur l’ensemble des chaînes classiques. En effet, elles n’ont plus les moyens d’acquérir des droits sportifs désormais hors de prix et difficilement amortis. Le phénomène est européen : la formule 1 a disparu des chaînes allemandes et espagnoles – et sortira bientôt de TF 1 – tandis que d’autres disciplines – handball, tennis, ski alpin, cyclisme… – ne trouvent parfois que des échos passagers. Plus problématique, certains sports majeurs, comme le rugby, risquent même la faillite, en France, avec la disparition possible de certains clubs, victimes d’une chute de leurs recettes pour cause de diminution des subsides versés par Canal +, détenteur des droits télévisuels du Top 14 (34 millions d’euros en 2010-2011).
Seul le dieu football est à présent susceptible de mobiliser les chaînes, et pour longtemps. Mais, là encore, l’équation économique s’est compliquée au fil des années : trop cher, commercialement très peu rentable, le championnat français de Ligue 1, que finance Canal + (à hauteur de 668 millions pour la saison prochaine, 2011-2012), n’intéresse plus les chaînes. Et seuls quelques rares rendez-vous marquants – Coupe du monde et phases finales de la Ligue des champions – que se partagent TF 1, M 6 et Canal +, parviennent encore à réunir de belles audiences.
L’invasion de la télé-réalité
Elle est appelée à devenir le réacteur nucléaire des chaînes. Le phénomène est mondial et n’en finit plus de s’insinuer, comme du chiendent, sur tous les écrans de la planète. On pensait qu’avec l’essoufflement des émissions de télé-réalité dite « d’enfermement » – dont Loft Story fut, il y a tout juste dix ans, la pionnière en France – ce genre disparaîtrait. Or les ressorts de cette télévision du réel touchent à présent l’ensemble des programmes, tous genres confondus. « On observe depuis quelques années l’explosion de ces émissions qui placent le citoyen en leur centre, relève Pascal Josèphe. Il est érigé en lieu et place de l’animateur, devenu subsidiaire et désacralisé. C’est le second souffle de la télé-réalité, et celle-ci semble être encore loin d’avoir atteint son rythme de croisière et encore moins son apogée. »
Télé-crochets, beauté, décoration, cuisine, immobilier, rencontres, aventures australes, querelles de voisinage, faits divers… Tout est prétexte à des programmes dont le seul point commun est l’émotion et la dramatisation : Koh-Lanta, Pékin Express, D & Co, L’amour est dans le pré, Top chef, Le Grand Frère, Star Academy, Qui veut épouser mon fils ? N’en jetez plus ! L’usine à rêves a quitté les plateaux d’antan et leurs habits de lumière pour gagner la rue et mettre en scène le quotidien de millions de Français. « C’est une lame de fond qui correspond à des modifications profondes de nos sociétés occidentales, estime Nicolas de Tavernost. Nous assistons ainsi à la mort d’une télévision enjoliveuse et contemplative. Nous allons vers une télévision miroir, que le téléspectateur est en passe de s’approprier. Chacun se met en scène : le citoyen est devenu le vecteur, il remplace le médiateur. La vie sociale est ainsi au cœur même du programme. Pour les patrons de chaîne que nous sommes, la recherche de proximité est devenue une ardente obligation. C’est vers cela que nous irons tous, je dis bien tous, dans les années qui viennent. C’est tout simplement l’effet Facebook appliqué au petit écran. » Et à un marché qui voit des centaines de figurants d’un jour, pas dupes, réclamer salaires et avantages sociaux devant les tribunaux ! Comme cela s’est produit récemment pour TF 1, condamnée à rémunérer ces nouveaux héros éphémères.
Même l’information et la politique n’échappent pas au phénomène. Comment expliquer autrement le succès d’audience de rendez-vous tels que J’ai une question à vous poser ou, plus récemment, Paroles de Français (plus de 8 millions de téléspectateurs), qui a vu un échantillon de citoyens sélectionnés par TF 1 supplanter, face à Nicolas Sarkozy, les journalistes, symboles aujourd’hui d’une élite communément rejetée par l’opinion, comme en témoignent les sondages ?
La télévision connectée, qui s’annonce, devrait accentuer, de manière très visible, cette tendance générale à l’interactivité. L’effet turbo du Web et la puissance des sites communautaires, combinés aux ressources classiques du petit écran, devraient bientôt bouleverser l’ensemble de l’écosystème audiovisuel. Et offrir de nouveaux débouchés économiques aux chaînes de télévision, qui ont commencé, grâce à Internet, à valoriser certains de leurs programmes transformés en marques : c’est le cas de D & Co sur M 6 ou de Plus belle la vie sur France 3, deux « cash machines » du PAF. « Deux ovnis, deux objets de laboratoire, qui donnent une idée de la suite, conclut Pascal Josèphe. Nous ne sommes qu’au début d’une gigantesque mutation, digne du passage du noir et blanc à la couleur, dont Internet va être le moteur. » Orwellien.
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mars 17, 2011
Bonjour
Je serais curieux de savoir d’où sort ce chiffre de « 4 heures 42 minutes en 2010 » pour la consommation de télévision par les Français de 4 ans et +… Pour moi le chiffre Médiamétrie pour 2010 est de 3h32 ???
Alors Renaud, on cite (et on vérifie) ses sources ?!
mars 17, 2011
Rectificatif : « The Taking of Prince Harry » est une fiction de Channel 4, non de la BBC
mars 17, 2011
je viens de lire ce texte !! j hallucine totalement.
Vous êtes vraiment gonflé de faire des allusions entre une catastrophe humaine impliquant des milliers de personne et une emission de tele. Comme quoi vous n avez absolument aucune moralité. honte a vous. Vous n aviez certainement aucune accroche pour oser pondre un vomi pareil.
Je vous signale que des milliers de cadavre pourissent dans l ocean et que la vie de million de personne est en suspend. Si j etais votre chef.. je vous mettrais directement à la porte. Osez faire des sous entendu phrasieux avec la catastrophe du japon mais quel honte .. quel honte..
mars 17, 2011
c est à mourir de honte et de manque d’imagination.
vous allez peut être nous pondre la série tcherno-japan made in feu de l’amour aussi.
c est honteux de lire ses hallusions machiavélique dans l express !! absolument honteux
mars 17, 2011
Renaud Revel= le plouc immorale absolu des blogueurs.
mars 17, 2011
je suis absolument outré !!! vous êtes licencié en droit et vous osez manquer totalement de respect envers une population dans la souffrance avec vos exhubérations tendencieuse.Je trouve absolument inadmissible que vous puissiez banaliser un évènements aussi trajiques en l intégrant dans votre texte qui parle .. de chose dont on se fiche éperdument!!! la télé qui parle de la télé c est déjà le signe précurseur du déclin mon chermonsieur.
De plus une personne comme vous devrait avoir plus le sens de la justice que n importe qui! 0_0
la vie n est pas un jeu ni la mort !!
mars 17, 2011
je pense à tout ses gens qui manque de vivre et qui dorment dans la neige et le froid et de plus sans vivre !!! A tout ses gens qui voient surement les cadavres de leur famille et de leur voisins revenir sur les plages . Ses gens qui sont certainement dans une zone irradié.
Ses pêcheurs sans enfants … mais vous pouvez vraiment mourir de honte !!!
vous m avez absolument choqué avec votre dégueuli
mars 18, 2011
La formule 1 est toujours diffusée en clair en Espagne, sur laSexta me semble-t-il.