C’est l’histoire d’une petite société financière fondée par des Français en 1973 à Genève, et qui, grossissant au fil des années pour devenir « groupe bancaire indépendant », se retrouve au cœur du scandale Cahuzac et sans doute d’autres à venir. Le 22 mars, la justice genevoise a perquisitionné les locaux de la banque Reyl & Cie, installée rue du Rhône, l’artère chic de Genève. Jusqu’ici, la maison menait ses affaires dans la plus grande discrétion, et prospérait : ses fonds sous gestion ont été multipliés par sept depuis 2006, à aujourd’hui 7,3 milliards de francs suisses (6 milliards d’euros). Et le secret a volé en éclat…
Ainsi démarre un article du Monde, publié le 6 avril dernier : un papier de plus dans la longue liste des enquêtes à charge dégoupillées en direction de l’ancien ministre du Budget.
L’article défile, puis tombe à sa chute, tel un petit caillou jeté dans le marigot, quelques lignes, en guise de conclusion : Par ailleurs, il est apparu que le publicitaire Jacques Séguéla a confié depuis des années la gestion de sa fortune à Dorothée Marty, la présidente de Reyl France. Contacté par Le Monde, M. Séguéla a confirmé cette relation financière, précisant toutefois que son argent était déposé à la Barclays à Paris. Il assure n’avoir jamais eu de compte en Suisse, et avoir « le cœur tranquille ».
Séguéla. Ah la jolie prise ! Un nom de plus jeté en pâture. Le publicitaire de « La force tranquille », -slogan qu’il sortit de sa hotte pour la campagne de François Mitterrand, en 1981-, ne s’attendait sans doute pas à tomber sous la plume des journalistes du Monde. Obligé de répondre, (et de rectifier), avant que ces allégations du quotidien ne virent à l’opprobre, l’intéressé se retrouve, à son corps défendant, aggloméré à une liste noire, qui ne cesse de s’étendre au fil des publications du Monde.
Mais à quoi joue ce quotidien, en distillant de la sorte quotidiennement? N’est-on pas en train de franchir une ligne jaune, malsaine et dangereuse, en désignant à la vindicte, bien au-delà de l’affaire Cahuzac proprement dite, des hommes et des femmes qui n’ont rien à voir avec la question qui nous occupe depuis des semaines: à savoir, la sortie de piste d’un édile de la nation, symbole de toutes les turpitudes d’une classe politique sur le gril?
C’est ainsi que depuis plus d’une semaine, Le Monde joue à un curieux jeu. Car la publication, au jour le jour, de noms de personnalités disposant de comptes en Suisse ou ailleurs, dans des paradis fiscaux, confine à une forme de délation qui devrait heurter nos consciences. Et qui m’indigne. Un organe de presse est-il le supplétif de l’administration fiscal? Ou l’annexe de Bercy? Est-il dans le rôle des journalistes du Monde de dénoncer les contribuables indélicats ? Bref, n’y-a-t-il pas quelque chose d’extraordinairement malsain à voir un journal faire du « teasing », en jetant, chaque jour en pâture, le nom de personnes privées, au motif qu’une chasse à l’homme aurait été décrété contre les évadés fiscaux?
L’affaire Cahuzac ne se suffirait donc plus à elle-même, qu’il faille maintenant nettoyer les écuries d’Augias des places bancaires les plus suspectes? Et Le Monde serait-il le bras séculier d’une administration en mal d’effectifs? Bref, Cahuzac serait-il le ban d’essai d’une presse en mal de ventes, qui aurait décidé d’épuiser ce filon en allant débusquer tous les fraudeurs de l’hexagone?
Or personne ne semble vouloir s’insurger contre ce qui s’apparente à une violation généralisée du secret bancaire de tout un chacun. Nettoyons devant nos paillassons respectifs, puisque la boite de Pandore est ouverte ! Et donnons, par honnêteté, puisqu’on est là, les noms des confrères et consœurs qui ont été un jour, au Monde ou ailleurs, en délicatesse avec l’administration des impôts, inquiétés par le fisc! Il n’est pas pire pratique que la délation, que la mise au ban d’individus, au nom d’une opération «mains propres» qui ne dirait pas son nom.
Cahuzac a bon dos: au nom de cette affaire, la presse balance. Mais pas tout. Seulement les noms qui l’intéresse et qui font vendre du papier. A chaque jour, son goupillon : un nom ici, un autre là. Et peu importe qu’il soit en rapport ou non avec « L’affaire ». A qui le prochain ? Aujourd’hui, demain? A chaque jour son lot.
Pas terrible, tout ça.
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avril 8, 2013
L’évasion fiscale heurte tout autant nos consciences. Devrait-on en être complice?
avril 8, 2013
il ya certaines têtes que les média veulent faire tomber , Jacques Séguéla semble être le gars qui a eu son heure de gloire sous Mittérend mais comme après il est devenu ouvertement copain avec Sarkozy , on essaye de le dégommer comme tous les artistes qui osent se dire de droite , tenez je suis certaine que dans pas bien longtemps
on accusera Sarkozy d’être responsable des histoires de Cahuzac , on a essayé de lui mettre sur le dos DSK
voir pire Mérah . Il y a une dérive du journalisme en général devenu plus du commérage , ou de la propagande ou pire un travail de justicier tombeur de tête à la tête du client . Mais les gens aiment faire parti de camps opposés radicalement , ils aiment les buzz scandaleux ou sulfureux , alors les journalistes essayent de satisfaire leurs clients , car si pas de clients pas de revenus réguliers … est-ce que ce sont les lecteurs qui ont rendu les média
incultes et qui se plaisent le lancement de rumeurs juteuses ou est-ce que ce sont les lecteurs-auditeurs-spectateurs qui obligent les média à se mettre à leur niveau de parfois caniveau .
avril 8, 2013
@freaks : pardon je voulais dire à la fin …est-ce que ce sont les média qui ont rendu les lecteurs-spectateurs-auditeurs incultes et accro aux rumeurs juteuses ou est-ce que ce sont les lecteurs-spectateurs-auditeurs qui obligent les média à se mettre à leur niveau qui parfois frisent le caniveau ? c’est l’histoire de la poule et de l’oeuf.
avril 8, 2013
On fait des articles « d ‘alerte » dès qu on s’appercoit que ca peut maintenant frapper aussi le camps adverse. En touchant Séguela, on s approche aussi d un clan. On croirait entendre du Xavier Bertrand qui presque comme un aveu manqué, disait hier chez Caroline Roux , « après Cahuzac, ca suffit maintenant »…
avril 8, 2013
je n’ai pas encore d’avis, mais votre ligne n’est pas facile à suivre. Pour suivre l’actualité d’aujourd’hui, publier Seguela et le fisc, c’est mal, mais dénoncer des plagiats c’est bien (j’ai envie de croire que oui) ? Seguela n’a pas de responsabilités publiques, Bernheim des responsabilités seulement communautaires. Je n’ai aucune sympathie ni antipathie particulière pour les deux. L’infraction fiscale ne se dénonce pas, l’infraction aux droits d’auteur, si ?
avril 8, 2013
Ah les chiens de garde aboient encore! Touchez pas à nos amis.
avril 8, 2013
La défaite de l’Etat et de la presse contre l’argent
Nous y voilà… L’affaire Cahuzac provoquera un électrochoc salutaire dans notre organisation démocratique, ou consacrera la défaite de l’Etat contre l’argent.
Au delà de son attitude personnelle, ahurissante, Cahuzac est le révélateur d’une élite qui protège ses intérêts aux dépends des citoyens. Tous les ingrédients sont réunis dans un cocktail de virus que nous dénonçons inlassablement, enquête après enquête, et qui consacre les liens discrets des pouvoirs de l’argent, de la politique et de la communication.
Un trio gagnant contre lequel l’Etat, de droite ou de gauche, ne nous protège plus.
Contre quoi ? Contre ces milliards d’Euros placés dans les paradis fiscaux qui « n’existent plus », comme l’assurait Sarkozy.
Contre ces « serviteurs » de l’Etat qui une fois retournés dans le privé touchent de l’argent de la part d’intérêts économiques qu’ils devaient réguler.
Contre ces Agences nationales sensées veiller, par exemple, sur notre santé, mais qui sont en fait noyautées par les lobbies.
Contre certains parlementaires à la solde de l’industrie nucléaire, des assurances, des banques, la big pharma… etc.
Nous avons révélé dans nos enquêtes cette fâcheuse façon qu’a l’Etat à confier au secteur privé des missions d’intérêt général, à se défausser sur « l’auto-régulation », une tartufferie libérale.
La communication – cet art d’inventer des histoires et d’écrire celles des riches – triomphe au moment ou la presse, chienne de garde épuisée, édentée, ronge des os en caoutchouc.
Car la presse aussi vit un moment critique. Est-ce par faiblesse, par manque d’argent ou par collusion qu’elle préfère le plus souvent commenter, plutôt que d’enquêter ? La formation des journalistes, orientée vers le marché du travail en crise, délaisse l’essence de ce métier, et n’est plus à la hauteur de l’enjeu.
L’argent, ce n’est pas un hasard, fait défaut à la presse. Les enquêtes coûtent beaucoup plus cher à mener que la reprise d’un communiqué de presse. Elles exigent des cerveaux et du temps. Non seulement l’argent manque, mais ce même argent attaque les enquêteurs. Il est facile et indolore pour un pouvoir économique de lancer des procédures judiciaires contre des journalistes qui ont à peine de quoi se payer un avocat. Le 4ème pouvoir est à l’image des autres : à genou.
Au-delà des affaires de corruptions avérées ou d’escroqueries, c’est bien au delà, aujourd’hui, tout un contrat entre les pouvoirs et les Peuples qui se déchire, sourdement, mais sûrement.
Et les citoyens là-dedans ? Ils sont surprenants, assez passifs, volontiers râleurs mais trop souvent inertes.
Cette défaite de l’Etat contre l’argent est celle des citoyens et de notre modèle démocratique. Time has come…
Nicolas JAILLARD, directeur de l’agence de presse Ligne de Mire Production
avril 8, 2013
Comment pouvez vous être chroniqueur médias et traiter cet angle ? J’avais envie de vous lire sur la mise en place de cette rédaction mondiale qui a sorti le offshore leaks. J’aurais aimé que vous nous expliquiez les coulisses d’une telle organisation, votre éclairage sur les journalistes y ayant participé, la perméabilité des infos, comment les rédactions en chef se sont imbriquées dans ce nouveau modèle vu pour la première fois à cette échelle lors de l’affaire Wikileaks, les explications sur ces révélations en séquence (faut regarder les chats du Monde Renaud Revel y’avait tout plein d’infos pour la rubrique médias qui vous auraient apporté un peu d’éclairage)… Passionnant non comme angle de papelard ? Bref, j’aurais bien aimé que vous nous fassiez profiter de votre vigie (n’est ce point la raison d’être d’un journaliste ?)
Mais non, vous avez décidé de jeter un billet d’humeur pour prendre la défense de Séguéla (mais pourquoi donc ?) et de jeter l’opprobe sur la rédaction du Monde (dont je ne suis pas membre et lecteur irrégulier, je vous rassure sur mon non-conflit d’intérêt). Je suis d’ailleurs étonné que vous ne nous décriviez pas, comme vous en avez la délicatesse habituellement, votre dernière rencontre de plusieurs heures avec le chantre de la publicité-politique, le menu fourchette après fourchette, votre inclination ébahie devant tant de puissance (si, si j’ai lu un truc comme ça il y a quelques mois qui m’a laissé cette impression…).
Sur la forme, votre billet est paradoxal. « Séguéla, jolie prise, un nom de plus jeté en patrûre » écrivez-vous. Ok, on tente de vous suivre mais ça colle pas coco ! Le Monde, ils s’en servent même pas pour faire de la titraille du nom de Séguéla, même pas une manchette, une accroche, un truc quoi !
Dans publicitaire-politique, y’a politique Renaud ! Et si la rédac’ du Monde qui est bien sûr comme chacun le sait coutumière de la mise en voyeurisme feuilletonnée de ses investigations (sic, y’a plus sexy coco quand même !), si cette rédaction avait pu penser que le nom de Séguéla était caractéristique de ce microcosme politico-parisien-show-bizz et qu’il méritait publication après avoir fait la comm’ de Mitterand et s’être acoquiné avec le monde de l’argent décomplexé sous l’ère politique suivante ?
Vous auriez-pu alors, percevoir que Mediapart avait fait un coup (ce que je ne critique pas) tandis que Le Monde mettait en perspective les mécanismes mondiaux de l’évasion fiscale…
Je n’ose en revanche m’interroger avec vous pour savoir si le rôle d’un journaliste est de publier des informations (sic), par peur de me faire un torticoli de cerveau.
Enfin, Renaud, pour apaiser votre soif de limage d’ongle sur la cuirasse des puissants, vous auriez même pu critiquer ! Ben oui, vous auriez pu nous ressortir les livres de Denis Robert sur Clearstream qui contenaient un pan des scoops à retardement de vos confrères (ben oui, c’est qui le journaliste média ?) ou celles du reporter de La Croix qui avait imprimé une bonne partie du récent suspense rédactionnel dans son livre.
Vous avez raison : « pas terrible, tout ça… »
avril 8, 2013
SI la GÖche n’avait pas attisé la haine des riches et si les patrimoines des élus étaient plus proches de la réalité tout cela ne se passerait pas, Cahuzac n’est une si grosse victime que parce qu’il a voulu pressurer les français, et leur donner des leçons. Les riches il en faut ! Qu’ils partent quand on veut tout leur prendre normal ! mais l’hypocrisie de la Gôche se retourne contre eux. Bien fait !
avril 9, 2013
@PicaRD : C’est la chute de la gôche effectivement !
avril 9, 2013
@PicaRD : Complètement d’accord… Les gens de Gôche ont tellement critiqué leurs prédécesseurs alors qu’ils font exactement la même chose, mais malheureusement en pire !!, c’est normal, lorsqu’on n’a pas de compétences… Il ne faut quand même pas perdre de vue qu’une partie des électeurs n’a pas voté pour F Hollande, mais surtout contre N. Sarkozy. Si encore nous avions eu DSK, bien sûr que l’Elysée aurait peut-être été transformé en sérail, mais nous nous en serions certainement mieux sortis économiquement et c’est là que la Gôche à mal joué et une partie des français aussi, mais DSK gênait trop de monde.
Personne n’a encore pu m’expliquer pourquoi F Mitterrand n’a jamais confié de poste à F Hollande alors que ce dernier était son conseillé (de quoi, d’ailleurs ?), mais ça permettait surtout au président d’avoir Ségolène sous la main (si l’on peut dire…)
avril 9, 2013
tout cela est consternant et relève plus du théatre de guignol que de la tragédie grec!!
j’espère simplement que le Président en « aura suffisemment » pour prendre de vraies mesure, même et surtout s’il doit contrarier « sa majorité », car pour ce qui est de l’opposition, de toute façon, au mieux, elle se réfugiera dans l’abstention….
cette fois ci, il faut que « ça passe ou ça casse »!!
avril 10, 2013
Quel admirable pédagogue à pôvc….., ce génialissime Séguéla !
Je comprends enfin comment on peut « s’acheter une Rollex avant 50 ans pour ne pas gâcher sa vie » : Il suffit de pratiquer l’évasion, voir la fraude fiscale et de jouer contre son propre pays. Plus brièvement parlant, il suffit d’être un salopard décomplexé, quoi! Fastoche!
Merci de démontrer encore une fois une de mes théories favorites : Nous sommes dans un régime d’oligarchie (ou plutôt de ploutocrasse) ambidextre et non plus dans une République, Monsieur Séguéla!
Tiens, au fait, pour les apologistes de la presse, je leur conseille de compter quels sont les gens qui ont le droit de faire de la pédagogie à pôvC… dans les émissions de bavochage politicaillon télévisuelles. Je crois que les doigts de leurs mains (et au maximum de leurs pieds) suffiront.
mai 14, 2013
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