Elysée-Matignon-Rue de Valois-CSA : c’est le nouveau triangle des Bermudes de l’audiovisuel. A un peu plus de deux mois de l’élection du nouveau PDG de France Télévisions, c’est tout le paysage politique qui se déplace en plaques tectoniques autour du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel devenu un épicentre. Observée de toute part, l’institution présidée par Olivier Schrameck s’apprête à rentrer dans une zone de fortes turbulences. Car si l’élection de Mathieu Gallet à la présidence de Radio France fut une simple mise en jambe, (boudée par l’ensemble de la classe politique), celle de France Télévisions risque fort de s’apparenter à une toute autre épreuve. Chacun de l’Elysée à Matignon, en passant par le ministère de la Culture et de la Communication, entend en effet peser à sa manière sur ce scrutin à huis-clos. Parce que le mandat du prochain PDG de « France Télés » enjambera la prochaine élection présidentielle et parce que la télévision publique est devenue, avec l’école, en cette période de profonde instabilité, un enjeu de citoyenneté majeur, cette décision revêt une importance toute symbolique.
Mais il va falloir toute la solidité d’un Olivier Schrameck pour esquiver les interventions inévitables, pour ignorer les messages qui vont inévitablement tomber en pluie fine sur le collège qu’il préside. Du PS à l’UMP, ( où Nicolas Sarkozy évoque le sujet), du Château au bureau de Fleur Pellerin, -qui n’entend pas compter pour du beurre dans ce dossier, même on lui prête que peu ou pas d’influence-, chacun tente de pousser ses pions, d’intriguer en faveur de telle ou telle personnalité.
Refugié dans un quant-à-soi désarçonnant pour tous ceux qui tentent de le décoder, le président du CSA affiche des allures de sphinx. Une posture d’autant plus irritante pour nombres de responsables politiques que ce dernier, contrairement à nombre de ses prédécesseurs, n’est pas d’une grande porosité : rien ne semble en effet atteindre celui qu’un grand nombre de hiérarques disent peiner à déchiffrer. Jusqu’à François Hollande lui-même, qui s’interroge, gardant en mémoire les relations complexes qu’il entretint avec celui qui dirigea d’une main de fer le cabinet de Lionel Jospin.
C’est d’ailleurs ce qui fait la beauté du jeu. Jamais en effet cette instance de régulation qu’est le CSA n’avait revendiqué une telle indépendance. Tenu par le passé bride courte par l’Elysée et son locataire, cet organisme semble échapper aujourd’hui à toute logique politique. Olivier Schrameck se retrouve ainsi aujourd’hui dans la position du croupier qui fait siffler ses cartes hors du sabot avec l’habilité de celui que l’on sait capable de se recaver à tous moment: une partie de poker-menteur qu’observe avec perplexité un monde politique quelque peu décontenancé. Même s’il en va de la survie d’une télévision publique encalminée, au bord du collapsus.
mars 4, 2015
Tiens « encalminée »… Y’avait longtemps! Dès qu’il le peut, ce cher Revel nous ressort ce mot à toutes les sauces. Mot que l’on n’utilise plus sinon que pour s’écouter parler.