La vente par le producteur Pascal Houzelot, pour 88 millions d’euros de La chaine Numéro 23 au groupe Next Radio d’Alain Weil, a déclenché de nombreuses réactions dans la presse. Nombre de commentateurs n’admettent pas en effet qu’une fréquence de télévision attribuée gratuitement par le CSA à un opérateur fasse pour ainsi dire la fortune de l’intéressé.
Heureux qui comme Houzelot…Producteur à l’entregent solide cet ancien lobbyiste de TF1, longtemps compagnon de route d’Etienne Mougeotte au sein de cette chaine, s’est constitué au fil du temps des réseaux aux ramifications nombreuses et à rallonge. Si bien que ce garçon au culot sans limite, qui évoque volontiers « Stéphane », « Patrick », « Mathieu » ou « Xavier » en parlant de personnalités comme Stéphane Richard, (Orange), Mathieu Pigasse, ( Lazard), Patrick Drahi, (Altice), ou encore Xavier Niel, ( Free), dispose de son rond de serviette à la table d’un establishment médiatico-financier qui l’observe avec un mélange de fascination et d’amusement.
Ce funambule des affaires était pourtant parti pour une carrière de comète avec ces parties de bonneteau aux quatre coins d’un paysage télé où il est connu comme le loup blanc. Un lent processus de maturation, conjugué à un sens inné de l’opportunisme et des affaires, lui ont permis de grandir. Et de s’installer là où on ne l’attendait pas. Ainsi siège-t-il au sein du Conseil de surveillance du Monde où Pierre Bergé, autre éminence de ses amis, l’a intronisé. Ainsi encore a-t-il convaincu une brochette de barons du Paf et du CAC 40, et pas des moindres, de mettre une pièce successivement au tour de table de ses deux bébés cathodiques que sont Pink TV et Numéro 23.
C’est avec un formidable sens de l’à-propos qu’il dépose il y a 2 ans au CSA un dossier de candidature pour l’obtention gratuite d’une fréquence télé en vue de la création d’une chaine de la diversité sur la TNT : cette N23 valorisée à quelques 88 millions d’euros et dont il détient 70% du capital. Autant dire un ticket gagnant à l’Euromillion. Ce canal à l’audience microbienne, ( 0,7%), il l’apporte donc aujourd’hui à Next Radio, cette société ombrelle de BFM TV et de RMC qui ne fait pourtant pas dans l’œcuménisme ou la bondieuserie, et chez qui les questions de « diversité » s’entendent plus en terme de développements et de cash-flow que de problématiques sociétales, convenons-en.
Il serait malvenu de stigmatiser pour autant notre jeune entrepreneur dans cette opération. Car Houzelot n’a fait que jouer avec habilité avec une réglementation gravée dans le marbre du législateur, lequel a eu la riche idée de mettre sur le marché des fréquences de télévision distribuées à l’encan. Non seulement les règles édictées ont été respectées lors de l’attribution de cette fréquence par le CSA, mais elles l’ont été tout autant lors de sa cession. Houzelot a donc joué et il a gagné.
Il n’y aurait donc là pas matière à stigmatiser la démarche d’un homme dont il convient de saluer ici le sens de l’initiative et de la manœuvre. Si l’Etat a été assez léger, – disons-le assez aveugle-, pour permettre l’attribution gratuite d’un bien patrimonial sans contrepartie aucune, si ce n’est des cahiers des charges le plus souvent très largement réinterprétés par leurs garants, tant pis. Et si la loi a autorisé ces mêmes opérateurs à faire fructifier ce bien à des niveaux insolents, sans que personne ne s’en offusque, tant pis également.
Il y a bien évidemment quelque chose d’indécent dans cette opération qui voit la dilapidation d’un bien publique à des fins particulières. Allez donc faire entendre aux millions de français qui vivent en marge d’une société médiatico-financière, règne de l’entre soi et de l’entregent, que tout cela est absolument normal !
Historiquement, la TNT devait permettre à la télévision de se démocratiser en favorisant l’accès à ce que l’on a baptisé les « nouveaux entrants». Le monde associatif y a cru, qui s’est précipité avant d’assister à la victoire du « système », avec ses liens de consanguinité à la française : le petit monde parisien, ses chapelles, ses nababs, ses réseaux et ses diners en ville….Vincent Bolloré a touché le Loto avec la revente au groupe Canal+ de D8 et D17, deux canaux TNT obtenus sur les tapis vert du CSA et valorisés à quelques 180 millions d’euros, deux ans plus tard : un pactole, bien plus que les 30 ou 40 millions consentis par son propriétaire pour y installer des grilles de programmes aux audiences à l’époque lilliputiennes.
Il y a quelque chose de « bananier» dans ce paysage télé qui nage sur la tête, qui voit des pans entiers de notre parc de fréquences hertziennes tomber dans l’escarcelle d’opérateurs qui sitôt propriétaires des dites fréquences s’empressent d’en détourner le cahier des charges pour y faire ce que bon leur semble, sans que le CSA, bonne fille, n’y trouve à redire. Avant de les revendre au prix fort.
Jolie culbute. Tout cela nous renvoie à l’époque des « Radios libres » de 1982, quand des petits malins se précipitèrent au guichet de la Haute Autorité où l’on y distribuait alors avec générosité des centaines de fréquences FM qui firent pour certaines d’entre elles la fortune de leurs heureux bénéficiaires.
On attend maintenant avec gourmandise la version « Bfmisée» de ce canal dédié à la diversité, dont il avait déjà pourtant que le nom. Une chaine qui risque de nous surprendre dans sa version « remasterisée», une fois passé à la moulinette et aux normes d’un groupe audiovisuel qui n’a pas pour vocation de faire dans la philanthropie.
avril 7, 2015
Hé oui, nous vivons dans un monde libéral, un monde ou le fric domine……sans foi, ni loi…..
avril 13, 2015
« Si l’Etat a été assez léger, – disons-le assez aveugle-, pour permettre l’attribution gratuite d’un bien patrimonial sans contrepartie aucune, si ce n’est des cahiers des charges le plus souvent très largement réinterprétés par leurs garants, tant pis » dixit Renaud Revel.
La porosité du monde médiatico-financier et de la très haute Fonction Publique explique certainement cette légereté de l’Etat.
mai 31, 2015
D’une discussion avec un de mes cousins, il ressort que cet article -diffusé sur CANAL + si j’ai bien compris- a été interprété comme une preuve de prévarication de la haute fonction publique.
Je suis fonctionnaire en retraite, et je pense que la grande majorité des fonctionnaires que j’ai rencontré dans ma vie active, à tous niveaux, étaient honnête.
Dans le cas présent, je trouve l’article léger. Les grands opérateurs n’étaient pas intéressés par la TNT avant d’avoir rentabilisé leurs investissements antérieurs. L’état voulait développer la TNT, en particulier pour des raisons industrielles -si mes ouvenirs sont exacts. La décision de proposer des fréquences gratuites pour la TNT se justifiait dans ce contexte -autant que je puisse en juger. C’est ce qu’il aurait fallu expliquer plutôt que de blâmer un CSA qui n’était pas responsable de cette décision politique.
Je précise que je suis un scientifique, et que je n’ai donc rien à voir avec tout ca. Ceci étant dit, cet article n’est pas du journalisme d’investigation -à mon sens-, même s’il se présente comme tel. Ce n’est que du journalisme de dénigration -trop facile, sans intérêt, nuisible.