Il aura fallu cette photo et le tollé suscité sur les réseaux sociaux et pas seulement, par son occultation par la totalité des quotidiens nationaux, – à l’exception du Monde- pour que François Hollande convoque aujourd’hui en urgence une réunion de crise à l’Elysée sur la dramatique question des migrants. Avant qu’Internet ne s’en saisisse.
Il aura fallu ce cliché choc qui a fait le tour des «Unes » du monde entier, pour que le chef de l’Etat et la communauté européenne se mobilisent à un train de sénateurs et rouvrent un dossier que devait examiner le 15 septembre à Bruxelles les 28 nations de la CEE.
Il aura fallu qu’un gamin échoue sur une plage de Turquie sous l’objectif d’un photographe, dont le cliché risque de lui valoir, -et c’est le plus sordide-, un tombereau de distinctions, pour qu’une poignée de dirigeants politiques incapables de répondre à l’une des exodes les plus considérables qu’ait connu l’humanité depuis la seconde guerre mondiale, se décident à bouger.
L’attitude des médias n’en est pas moins incompréhensible, insolite et déroutante. On peine à comprendre ce qui a pu inciter l’ensemble des patrons de rédactions de ce pays à oblitérer cette photo. Faut-il y voir de la paresse, du désintérêt, de la peur face à une photo qui risquait dans leur esprit de heurter l’opinion, le refus de tout voyeurisme? Ou plus simplement, le réflexe de journalistes à la fois désarmés et blasés face à l’énormité de ce drame humanitaire qui frappe à nos frontières, ce que je crois.
L’effet d’accumulation d’images de migrants échouant sur les côtes méditerranéennes, qui viennent grossir chaque jour celles de la veille, a créé au fil des semaines un phénomène de banalisation. Le spectacle récurrent de ces embarcations charriant au fil de l’eau son lot de cadavres a fini par virer au feuilleton anxiogène, sans qu’aucun médias ne prenne la véritable mesure de cette tragédie. L’effet de masse et de duplication des images, leur incessant ressac, sur les écrans du monde entier a eu raison de l’audience: las, l’opinion commençait par décrocher, jusqu’à ce matin…
On connaissait la notion du kilomètre-émotion, -loin d’ici, loin du cœur-, on découvre avec cette photo une autre réalité de notre époque: l’incapacité de médias pris dans le tourbillon de l’actualité à lever le nez, à poser la plume ou l’I Phone, à délaisser Facebook ou Tweeter, pour s’interroger sur ce que l’homme est en train de produire sous nos yeux dans toute son horreur. Tout cela nous ramène aux propos honteux tenus par les boutefeux d’une droite extrême indigne, surenchérissant. Et plus généralement à l’incurie d’une classe politique dont on a que faire des réactions de compassions depuis la publication d’une photo qui oblige depuis quelques heures la communauté internationale à se mobiliser.
septembre 4, 2015
Personnellement, je n’ai pas été « bouleversé cette photo, si symbolique du drame effroyable de cet exode. Sans doute parce que je me méfie de la compassion spontanée, parce que depuis des mois je vis quotidiennement avec ce dernier et l’ultra violence verbale qu’il génère chez certains, bien nombreux.Et cela atteint fortement mon rêve européen.